Navigation – Plan du site

AccueilRubriquesEnvironnement, Nature, Paysage2008Iratapuru et la noix du Brésil : ...

2008
432

Iratapuru et la noix du Brésil : une expérience de durabilité en Amazonie brésilienne

Iratapuru and the Brazil nut: a sustainable experience?
Anna Greissing, Florent Kohler, François-Michel Le Tourneau et José Reinaldo Alves Picanço

Résumés

La «réserve de développement durable» du fleuve Iratapuru est exploitée par la communauté de São Francisco. Du fait de ses efforts pour s’organiser et pour améliorer les conditions de vie de ses habitants, ce village est petit à petit devenu un symbole des efforts de développement réalisés auprès des « communautés traditionnelles » amazoniennes, en particulier à partir de 2004, suite à l’établissement novateur d’un partenariat avec l’entreprise de cosmétiques Natura. Associant les intérêts économiques de l’entreprise et ceux de la communauté, cette relation est riche de conséquences sur le plan géographique, mais pose également des questions, sur la légitimité de chaque entité dans la gestion de la RDS. Pour faire le point sur le sujet, nous proposons en premier lieu une présentation du village de São Francisco et de sa principale activité économique, la collecte de la noix du Brésil. Nous montrons ensuite comment le partenariat avec la Natura est l’ultime étape d’un cheminement parmi de très nombreux modèles de développement. Nous montrons enfin que sous le vernis d’une exploitation économique raisonnée et d’un partenariat tourné vers la durabilité, de nombreuses questions demeurent sur les relations avec la Natura, tant avec la coopérative des producteurs, qui est son partenaire économique, qu’avec la communauté locale, qui est l’objet de son investissement en terme d’image.

Haut de page

Notes de l’auteur

Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet DURAMAZ – Déterminants de la durabilité en Amazonie brésilienne, financé par l’Agence Nationale de la Recherche et coordonné par Martine Droulers, directrice de recherche au CREDAL.

Texte intégral

Introduction

  • 1 L’« extractivisme » est défini au Brésil comme une exploitation des produits de la forêt sous forme (...)

1La «réserve de développement durable» (RDS) du fleuve Iratapuru abrite 806 000 hectares de forêt amazonienne en bon état de conservation. Elle est exploitée par des communautés de collecteurs de noix du Brésil, dont la plus importante et la plus connue se nomme São Francisco do Iratapuru. Du fait de ses efforts pour s’organiser et réussir à améliorer les conditions de vie de ses habitants, mais aussi du fait du soutien massif reçu de la part des autorités locales ou fédérales, ce village est petit à petit devenu un symbole des efforts de développement réalisés auprès des « communautés traditionnelles » ou des « populations extractivistes1 » amazoniennes.

2Il l’est devenu encore plus avec la mise en place à partir de 2004 d’un partenariat original avec l’entreprise de cosmétiques Natura. Pionnière dans la reconnaissance des droits des communautés traditionnelles sur le patrimoine génétique, celle-ci a en effet négocié avec la communauté de Vila São Francisco une série d’accords pour l’usage des produits locaux, comme la sève de bréu branco ou l’huile de noix du Brésil. Grâce à ces accords, les habitants de São Francisco ont vu s’ouvrir des perspectives financières hors de portée de la plupart des communautés amazoniennes.

3Ce partenariat novateur, associant les intérêts économiques de l’entreprise et ceux de la communauté, est riche de conséquences sur le plan géographique. Il permet en effet d’un côté le maintien d’une activité traditionnelle considérée comme non-prédatrice, et valorise la préservation de la forêt de la part de la communauté locale, le maintien des certifications environnementales étant un point fondamental pour la continuité de la relation entre les deux parties. Mais il pose également des questions, sur la légitimité de chaque entité présente sur place (Etat, communauté locale, entreprise Natura) dans la gestion de la RDS. On peut ainsi se demander si l’innovation économique et sociale que représente le partenariat avec Natura a pour contrepartie une sorte de droit de regard de l’entreprise sur l’avenir de la communauté, en particulier en ce qui concerne sa gestion territoriale, comme si coopérative et communauté avaient vocation à se confondre, en dépit des réticences de certains habitants.

4Pour faire le point sur ces questions, nous proposons dans un premier temps une présentation du village de São Francisco et de sa principale activité économique, la collecte de la noix du Brésil. Nous montrons ensuite comment le partenariat avec la Natura est l’ultime étape d’un cheminement déjà ancien parmi de très nombreux modèles de développement, et en quoi il diffère des expériences précédentes. Nous verrons enfin que sous le vernis d’une exploitation économique raisonnée et d’un partenariat tourné vers la durabilité, de nombreuses questions se posent sur les relations avec la Natura, tant avec la coopérative des producteurs, qui est son partenaire économique, qu’avec la communauté locale, qui est l’objet de son investissement en terme d’image.

São Francisco, une communauté traditionnelle de castanheiros

5Isolés au sein de la forêt amazonienne jusqu’au début des années 1990, les habitants de la communauté de São Francisco ont vécu en l’espace d’une quinzaine d’années des transformations considérables. Ils se sont en effet regroupés en un village, puis ont monté une coopérative, ont négocié des projets de développement avec plusieurs grands organismes nationaux et internationaux, avant de développer un partenariat novateur avec une grande firme de cosmétiques, la Natura. Les paramètres fondamentaux de leur vie n’ont pour autant que peu changé. Ils demeurent tributaires, pour leur revenu, de la collecte de la noix du Brésil, toujours pénible, parfois aléatoire, dont le rythme accompagne le régime des crues de l’Iratapuru.

Le contexte: la RDS du fleuve Iratapuru et la communauté de São Francisco. Un aperçu historique

6Le sud de l’Etat d’Amapá constitue une région de forêt amazonienne dense, soumise à une intense pluviosité (2400 mm annuels de précipitations) durant la saison humide (de janvier à juillet), mais connaissant une saison sèche prolongée (d’août à décembre). En son sein se trouvent de nombreux massifs forestiers riches en ressources traditionnellement collectées en Amazonie : latex (Hevea brasiliensis), copaíba (Copaifera reticulata ducke), carapa (Carapa guianensis aubl), cipó titica (Heteropsis jemniane), camu-camu (Myrciaria dúbia), noix du Brésil (Bertholletia excelsa), bréu branco (Protium pallidum), etc. Ce sont ces ressources qui amènent l’installation dans la région des premiers habitants non-amérindiens.

7A partir de 1899, un aventurier du Ceará nommé José Júlio de Andrade instaure sa domination sur la région. Il deviendra l’un des plus grands seringalistas dans l’histoire de l’Amazonie, en contrôlant les points de sortie du système fluvial de toute la région sud de l’Amapá et du nord du Pará, totalisant environ de 3 millions d’hectares. José Júlio gardera le monopole sur les richesses du territoire, notamment la seringa et la balata pour la production de latex, mais aussi l’huile de copaíba et la noix du Brésil, qu’il exportait surtout en Allemagne et dont la récolte arrivait jusqu’à 75 000 hectolitres par récolte environ 7 fois plus que la production de tout l’Amapá en 2004, (Picanço, 2005).

Figure 1 : localisation de la zone d’étude

8Pour garantir un contrôle absolu sur ce territoire immense, José Júlio imposait, souvent par la force, un système d’aviamento (dette entretenue par le troc de marchandises contre les produits de collecte) aux populations locales. Cette domination accompagnée de violence entraînera des révoltes dont la plus fameuse est celle du « caporal Cezário », en 1928. En 1948, à l’age de 70 ans, il finira par vendre sa « propriété » à une entreprise fondée par des entrepreneurs portugais, qui exploitera la zone jusqu’en 1967. Ce groupe, auquel on fait aujourd’hui référence comme « les Portugais », met en place un nouveau système commercial en élargissant l’exploitation à des produits agricoles. Pour cela, ils créent plusieurs entreprises agroextractivistes : la Jari Indústria e Comércio et la Companhia Industrial do Amapá (cette dernière spécifiquement pour la commercialisation de la noix du Brésil,) et la Companhia de Navegação Jari S.A. (responsable du transport des produits de la région vers le port de Jarilândia et Belém). A partir des années 50 se multiplient le nombre de filières créées par ces trois entreprises ainsi que le nombre d’employés embauchés pour leur gestion ; l’agriculture et l’élevage prennent de l’ampleur, bien que l’extractivisme demeure prioritaire. Avec l’augmentation de l’activité agroextractiviste dans la zone, de petites communautés s’agrègent autour des barracões (lieux de stockage des produits). Ainsi naissent une grande partie des villages existant aujourd’hui dans le sud de l’Amapá, comme Água Branca ou Conceição de Muriaca dans la RESEX do rio Cajari, ou Santo Antônio da Cachoeira à proximité de la RDS do rio Iratapuru.

9En 1967, la Jari S.A. est achetée par Daniel Ludwig, un milliardaire américain souhaitant implanter un projet modèle d’utilisation de la biomasse amazonienne articulé autour de l’exploitation de ressources minières (kaolin, bauxite) et de la production de pâte à papier. Le « projet Jari », qui sera très fortement critiqué du fait des importants défrichements dont il sera la cause, remodèle complètement la région, les milliers d’emplois créés entraînant un fort mouvement migratoire. Par la suite, des difficultés économiques récurrentes obligeront Ludwig à céder l’entreprise, qui sera revendue plusieurs fois avant d’être finalement rachetée par le Groupe Orsa en 2000.

10Les transformations économiques liées à l’implantation du projet Jari ont touché directement et indirectement les populations extractivistes du haut Jari. Certains habitants ont ainsi occupé un emploi auprès de l’entreprise, ou ont effectué des va-et-vient entre la ville et la forêt. A l’inverse, certains migrants attirés par le projet Jari se sont ensuite fixés dans les communautés extractivistes de la région. C’est le cas de certains des résidents parmi les plus anciens de la communauté de São Francisco, venus principalement du Pará pour travailler pour l’entreprise, et qui finalement s’installent le long du Jari ou de l’Iratapuru pour exploiter la noix du Brésil, organisés en unités familiales. Il s’agit toutefois d’un nombre réduit de familles puisque le projet de Ludwig, centré sur la production de cellulose, l’exploitation des ressources minières et l’élevage, porta un coup sévère au réseau d’acheteurs de noix du Brésil qu’avaient privilégié « les Portugais ». Face à la faible demande de produits de collecte, de nombreuses familles extractivistes ayant travaillé pour « les Portugais » abandonnent la forêt et s’installent en ville. Des 80 familles résidant sur l’Iratapuru à la fin des années 1960, à peine 10 familles resteront sur place. Ces familles sont à l’origine de la communauté créée dans les années 1980, puis de la coopérative (1992) pour la transformation de la noix en farine.

11Sur le plan foncier, la présence de la Jari a longtemps constitué une hypothèque importante pour les extractivistes, leurs zones d’exploitation étant considérées par l’entreprise comme lui appartenant, et pouvant être mises en exploitation à tout moment. Dans le cas des communautés habitant à proximité de l’Iratapuru, un projet de centrale hydroélectrique à la hauteur de la cascade de Santo Antônio (en conséquence duquel ce village a été déplacé de quelques centaines de mètres en 2000) promettait de surcroît d’inonder une partie de leurs terres.

  • 2 Loi n° 0392 du 11 décembre de 1997. La RDS Iratapuru est la plus grande unité de conservation d’uti (...)

12Les difficultés financières des années 1980 et l’apparition d’un mouvement politique cherchant à préserver les « populations traditionnelles » d’Amazonie permit cependant de voir la situation foncière se clarifier. En 1990, le gouvernement fédéral crée ainsi la réserve extractiviste (RESEX) du fleuve Cajari, confisquant de fait une partie des terres revendiquées par la Jari. De son côté, le gouvernement d’Amapá, qui a développé à partir de 1995 un ambitieux programme de développement durable (PDSA), accédera aux revendications de la communauté de l’Iratapuru en créant en 1997 la « réserve de développement durable » (RDS) du fleuve Iratapuru2 afin de pérenniser les droits fonciers des castanheiros sur leurs sites d’extraction.

13En effet, n’ayant enregistré presque aucun défrichement, se trouvant particulièrement riche sur le plan de la biodiversité et stratégiquement placée en bordure d’un massif d’Unités de Conservation fédérales (voir figure 1), la zone de l’Iratapuru faisait l’objet d’un intérêt important de la part des écologistes et des scientifiques, en particulier du fait de la présence de grandes concentrations de noyers du Brésil (Bertholletia excelsa). D’une superficie de 806 000 hectares, la RDS Iratapuru est répartie entre les trois communes de Mazagão, Pedra Branca do Amapari et Laranjal do Jari (cette dernière en recouvrant la plus grande partie). Son territoire est exploité par plusieurs communautés. Certaines se localisent au nord, à proximité de la rivière Cupuxi (São Raimundo, São Miguel et Cupuxi), mais la plupart se trouvent au sud de la RDS, le long du fleuve Jari (Cachoeira de Santo Antônio, Padaria, São Militão, Retiro et São José) ou de l’Iratapuru (São Francisco do Iratapuru). Cette dernière, bien qu’elle soit située en dehors des limites de la RDS, peut être considérée comme sa principale utilisatrice. Elle est en effet composée de castanheiros qui exploitent la zone depuis plusieurs décennies, et son emplacement à l’embouchure de l’Iratapuru lui permet de contrôler l’accès à la plus grande partie de la RDS. Pour ces raisons, elle est par ailleurs celle sur laquelle se sont concentrés les investissements.

14Malgré sa relative proximité à vol d’oiseau de la ville de Laranjal do Jari, le village de São Francisco demeure assez isolé. Il n’est en effet pas possible de remonter le fleuve Jari, la cascade de Santo Antônio étant infranchissable. Par ailleurs, le tronçon de route qui relia jadis la communauté de São Francisco à Laranjal do Jari est impraticable depuis longtemps. Il faut donc atteindre le village en traversant le fleuve Jari à la hauteur de Monte Dourado, puis se rendre par la route à un débarcadère dénommé Porto Sabão, où l’on emprunte une pirogue motorisée vers São Francisco. Le débarcadère étant inhabité, il est indispensable de s’assurer d’un transport, par radio.

15C'est à partir des années 1980 qu’un centre d’habitation se développe sur la rive droite de la rivière Iratapuru, donnant naissance à l’actuelle communauté de São Francisco. En 1992, plusieurs familles y fondent la COMARU (Cooperativa mista dos produtores e extrativistas do Rio Iratapuru), coopérative destinée à mieux s’organiser face aux intermédiaires qui achètent les noix du Brésil. A l’époque, l’objectif est de produire et de commercialiser en ville de la farine de noix du Brésil, afin d’améliorer les revenus. L’existence de la coopérative attire au fur et à mesure d’autres familles qui habitaient le long de l’Iratapuru, si bien qu’à la fin des années 1990, rares sont les habitations permanentes situées en amont de la rivière.

16Aujourd’hui, le village de São Francisco rassemble près de 200 personnes (184 personnes en août 2007, données de terrain AG), représentant 35 domiciles. 57 % de la population a moins de 18 ans. La relative prospérité qui y règne actuellement rend le lieu attractif, si bien que de nouvelles familles ou des individus plus ou moins apparentés aux habitants déjà présents s’implantent régulièrement. En 2004, par exemple, ce sont 27 nouveaux habitants (composant une seule famille étendue) qui se sont installés (Amapaz, 2005).

La collecte de la noix du Brésil dans la région du fleuve Iratapuru, une activité rendue complexe par la difficulté d’accès

17La collecte des noix du Brésil est l’activité principale des habitants de la communauté de São Francisco. Il s’agit d’une activité complexe et difficile. Les zones de collecte se trouvent en effet réparties le long de l’Iratapuru, sur une distance de plus de 80 kilomètres, ainsi que sur trois de ses affluents, les bras de rivière Amazonas, Pau Mulato et Areião. Ces voies permettent l’écoulement de la production, mais au prix d’un travail considérable pour les remonter ou les descendre. Le premier tronçon de l’Iratapuru représente en effet un obstacle difficile à franchir, avec 5 sauts importants, dont deux nécessitent des portages. Plus loin, les affluents utilisés sont de très faible taille, et ne sont navigables qu’en saison des pluies. En saison sèche, la montée vers les castanhais est pratiquement impossible.

  • 3 La floraison de Bertholletia excelsa a lieu durant les mois de novembre à février, mais les fruits (...)

18La collecte est donc, avant tout, une course contre la montre. Les fruits sont en effet mûrs vers le mois de janvier3, mais il n’est possible de commencer à les collecter qu’à partir de février. Leur chute est un danger mortel pour les castanheiros, et il faut attendre que tous soient tombés pour pouvoir exploiter les zones. A partir de mars, les premières expéditions sont lancées, sachant qu’au plus tard fin juillet la hauteur des eaux ne permettra plus d’évacuer la production.

Figure 2 : organisation d’une colocação

  • 4 Deux types de bateaux sont utilisés pour le transport des noix et des personnes : le premier est la (...)
  • 5 La définition traditionnelle de colocação est celle d’une clairière ouverte à l’intérieur de la for (...)

19En général, une expédition s’articule autour d’un « patron », lequel dispose d’un bateau4. Il recrute plusieurs employés qui travailleront avec lui (soit dans la collecte de la noix, soit dans le transport de celle-ci), de préférence des membres de sa famille, mais aussi des personnes sans lien de parenté. Ces contratados ont une bonne pratique de la forêt, puisque leur patron ne leur montrera le réseau de sentier qu’une seule fois… Tous montent le fleuve en emportant un important ravitaillement, l’objectif étant de demeurer sur place jusqu’à ce que l’ensemble de la production ait été récolté. Les castanheiros passent donc des périodes prolongées dans leurs colocações5 souvent en famille (les femmes peuvent en effet participer à certaines activités comme le cassage des noix, mais elles assurent aussi des travaux complémentaires aux activités extractivistes, comme la préparation de la nourriture, le lavage des vêtements, le soin du ménage et des enfants, la fabrication de paniers à partir de liane cipó-titica). Les colocações sont toujours installées au bord de l’eau. On y trouve un mouillage, un ou plusieurs abris (barraco) qui servent de camp de base et des dépôts (paiol) pour le pré-séchage des noix, qui sont ensuite ensachées. Les sacs sont alors transportés jusqu’au mouillage, empilés puis marqués aux initiales du patron, en attendant leur chargement vers la ville.

Figure 3 : localisation des principales zones de collecte de la communauté de São Francisco

20A partir du camp, des chemins ou sentiers amènent à l’intérieur de la forêt, là où se trouvent les noyers, cette aire étant appelée le castanhal. Chaque aire de collecte comprend un ensemble de ces sentiers (appelés piques par les castanheiros), leur nombre déterminant les grandes (de 3 à 5) ou les petites (moins de 3) zones de collecte. L’organisation d’une colocação, relevée par GPS lors de nos travaux de terrain, peut être visualisée sur la figure 2. Les castanheiros connaissent avec une exactitude étonnante l’emplacement de chaque arbre et les sentiers qui y mènent. Le travail de collecte est rude, car il faut charrier à dos d’homme les noix jusqu’au campement, ce qui implique de longs trajets avec des charges de plus de 50 kg. Les collecteurs sont aussi attentifs à la présence de gibier éventuel, la chasse (ou la pêche) étant absolument nécessaire pour approvisionner les collecteurs.

Figure 4 : les étapes de la collecte de la noix en forêt

21Passant de longues périodes isolés, les extractivistes font également des pauses en allant visiter d’autres campements, goûtant alors une convivialité de la forêt qui est particulièrement appréciée.

  • 6 Forest Stewardship Council, institution international de certification, représentée par IMAFLORA au (...)

22On compte 62 colocações au total dans la RDS Iratapuru, réparties sur près de 80 km du cours du fleuve Iratapuru (voir figure 3). Sur ce total, 51 appartiennent à des familles de la communauté de São Francisco et les 11 restantes à 3 familles résidant actuellement à Laranjal do Jarí. En 2004, 6 d’entre elles portaient le label de certification FSC6 ; total passé en 2007 à 27 colocações. On notera que le nombre de colocações effectivement exploité varie d’une année sur l’autre, en fonction de l’estimation que les extractivistes font de la production des zones concernées, de la main d’œuvre disponible ou du prix de la noix sur le marché de Laranjal.

23Les limites entre les différentes colocações ne sont pas fixées officiellement, mais elles sont parfaitement connues par les extractivistes, qui les respectent d’après le système de droit coutumier (transmis par héritage) ou de droit d’usage (quand une famille exploite une région abandonnée depuis plusieurs années). La gestion des droits d’usage des colocações fait l’objet de transactions diverses dans le cadre d’un système informel. Le résultat est un système assez complexe où les différentes aires de collecte sont exploitées soit par les propriétaires eux-mêmes, soit par des locataires ou des sous-locataires.

24Après le lavage et la mise en sacs, ceux-ci sont marqués aux initiales du producteur et stockés sur les berges du fleuve, puis transportés au village en plusieurs étapes (figure 4). Devant les obstacles représentés par les cascades (figure 5), les castanheiros doivent déployer plusieurs stratégies. L’une d’entre elles consiste à réaliser plusieurs dépôts le long du fleuve, permettant de faire descendre petit à petit la production sans passer à chaque fois les sauts les plus dangereux. Cinq points de stockage sont particulièrement utilisés pour cela, correspondant à des cascades stratégiques le long de l’Iratapuru : Boca do Amazonas ; Cachoeira Lasca ; Banco seco ; Panela et Pau cortado. Une autre stratégie consiste à expédier des bateaux à pleine charge (la charge maximale d’un batelão est d’environ 100 sacs ou 3,5 tonnes) jusqu’aux cascades les plus importantes, puis à laisser une partie de la production sur place (on ne peut passer les rapides de la fin de l’Iratapuru qu’avec 2/3 de la charge utile) et à revenir la chercher plus tard.

Figure 5 : les difficultés de l’acheminement des noix…

  • 7 Souvent les sacs sont simplement posés et empilés par terre sans protection contre les pluies et le (...)

25Quand ils le peuvent, les castanheiros envoient leur production vers le village dès qu’il y a un nombre suffisant de sacs disponible. Cela permet de profiter du fait que le prix payé par les intermédiaires est généralement plus haut au début de la saison et d’assurer la qualité du produit, les noix perdant en qualité si elles sont stockées trop longtemps7. Cette stratégie a cependant aussi ses inconvénients. Elle implique de mobiliser un équipage entier pendant plusieurs jours pour effectuer le trajet, et de dépenser une quantité importante de combustible. Dans tous les cas, le transport des noix est une activité risquée qui voit son lot de naufrages. Lorsqu’ils surviennent, c’est souvent une grande partie de la production, mais également de l’équipement, qui disparaît, engloutissant le bénéfice escompté pour l’année en cours.

26A l’arrivée au village, les sacs sont soit livrés à la coopérative, soit vendus directement aux intermédiaires qui apparaissent régulièrement. Lorsque l’on possède son propre bateau, il est plus avantageux de vendre sa production le plus en aval que possible, le prix étant plus élevé, soit au « Porto Sabão », soit directement à la ville Laranjal do Jarí (50 R$ à la Vila, 55 au Sabão, 60 à Laranjal). Cela permet aussi de vendre ses noix loin des regards, puisque, comme on le verra plus loin, les promesses de livraison à la coopérative ne sont pas toujours respectées.

  • 8 Les modalités du travail dans la coopérative et autour du processus de la transformation de la noix (...)

27Dans le cas des noix livrées à la coopérative, elles sont étalées à terre après leur livraison, afin de les sécher au soleil et de trier les noix pourries (travail appelé « catar castanha », souvent effectué par les femmes de chaque famille). Après séchage, les noix sont amenées à la coopérative pour être torréfiées. Elles sont ensuite écalées à l’aide de machines spécifiques à l’intérieur de la coopérative (« quebrar castanha »). C’est un travail pénible qui exige beaucoup de patience, occupant une trentaine de personnes de la communauté. La rémunération des travailleurs est faite en fonction de la quantité produite et était fixée pour cette année à 1,2 réal par kilo8.

Une activité rentable sur le plan économique ?

28L’analyse du revenu tiré de la récolte de la noix du Brésil est délicat, car cette activité saisonnière est très irrégulière, non seulement en fonction des années (tous les cinq ans environ, les noyers du Brésil connaissent une brusque chute de production), mais également en fonction des aires de collecte ; de plus, les extractivistes tiennent rarement une comptabilité qui sépare les coûts de production de leurs dépenses usuelles. Pour autant, il semble clair que depuis le début des années 2000, l’amélioration du prix payé aux collecteurs rend l’activité assez rentable, même dans le cas où la production est écoulée via les intermédiaires traditionnels.

29Dans le cas de la vila São Francisco, l’existence de la coopérative garantit un meilleur prix aux castanheiros. Pourtant, l’insuffisance de capital de la COMARU, qui n’est pas encore complètement sortie de son endettement, ne permet pas toujours l’écoulement de toute la production de la RDS. Par ailleurs, la coopérative n’arrive à payer ses fournisseurs que plusieurs mois après la récolte. Or les castanheiros doivent avancer des sommes importantes en début de saison, pour financer la récolte, et en fin de saison, pour payer leurs employés. De ce fait, la plupart des extractivistes de São Francisco doivent vendre une partie au moins de leur production à des intermédiaires, perdant l’avantage des prix plus élevés proposés par la coopérative.

30Malgré ces difficultés, les revenus à São Francisco sont plus élevés que dans les autres communautés du même type. Le diagnostic élaboré par le groupe de consultants Amapaz/DS estime ainsi le revenu global de la collecte de 2004 à 256 000 R$, ce qui représente une moyenne de 2,6 salaires minimums pour les habitants de la Vila qui y ont participé, un revenu peut-être légèrement surestimé (il s’agissait d’une année exceptionnelle tant par l’importance des ventes d’huile que par les nombreux investissements réalisés de la Natura ayant résulté en emplois locaux). Les résultats des questionnaires posés dans le cadre du projet DURAMAZ indiquent, eux, une moyenne de 1,8 fois le salaire minimum, 50 % des familles gagnant plus que cette valeur. Bien que peu élevée en absolu, cette valeur est largement supérieure aux revenus habituels dans le monde rural brésilien, ainsi qu’au revenu enregistré en 2000 pour les secteurs de recensement voisins, dans lesquels 60 % de la population gagnait moins d’un salaire minimum.

31De fortes disparités existent au sein de la communauté, non seulement en fonction du poids respectif des familles mais également en fonction des aléas du métier. La plupart des employés reçoit entre 600 et 800 R$ pour leur activité de collecte (payée en fonction de la quantité collectée) auxquels s’ajoutent entre 50 et 100 R$ quand ils participent à l’acheminement de la production vers le village (20-30 R$ payés à la journée). Ce qui représente un faible total pour vivre durant une année, d’autant plus que les dépenses de matériel et de ravitaillement sont décomptées des salaires… Les « patrons », eux, voient leur revenu varier en fonction de la productivité annuelle de leur(s) zone(s) de collecte, mais aussi en fonction de leur habileté à gérer les trajets en bateau, les dépenses de combustible, ou les accidents éventuels (naufrages, casse du moteur, maladies d’un des membres de l’équipe, etc.). Ainsi le fait de devoir réparer ou remplacer par exemple un moteur de 40 chevaux peut coûter à l’extractiviste le bénéfice de sa récolte.

32L’exploitation de la noix du Brésil est donc une activité aléatoire, avec de gros risques de pertes, mais aussi avec la possibilité de bénéfices dans certains cas. On a remarqué sur place qu’il existe un vif marché autour de la location de colocações. Ainsi, on peut être dono (= propriétaire) d’un emplacement en l’exploitant soi-même ou en donnant la responsabilité d’exploitation à un membre de la famille ou de la communauté. Les contrats de location peuvent prendre des formes diverses, mais en général le propriétaire réclame comme contrepartie du locataire un tiers des noix récoltées, ou bien négocie un prix unique pour la location. Plusieurs configurations sont donc possibles dans l’exploitation de la noix. La dépense principale étant l’essence, la distance à laquelle se trouve la colocação est déterminante pour l’exploitant. C’est l’occasion d’un jeu de pouvoir au moment de la répartition des colocações, dont les familles les plus puissantes sortent gagnantes.

33Si l’on prend comme référence le territoire de la RDS recouvert de hautes futaies, où l’on rencontre les castanheiras, le potentiel productif total de la réserve pourrait arriver à 400 000 hl de noix par an (JGP, 2000). Si l’on considère l’espace couvert par toutes les colocações établies à l’intérieur de la RDS (puisque la collecte ne peut se faire qu’à partir des chemins ouverts dans les colocações), la production pourrait totaliser 40 000 hl par an. Or la production réelle de 2004, par exemple, ne totalisait que 4.619 hl (donc environ 1% du potentiel total de la RDS) pour 36 colocações, les autres aires n’étant pas exploitées à cause de la difficulté d’accès à la plus grande partie de la réserve ainsi que du faible nombre d’extractivistes opérant dans la région.

Iratapuru, un laboratoire de modèles de développement

Des investissements massifs pour le développement durant le PDSA

34Depuis le début des années 1990, la communauté de São Francisco est passée par un processus graduel d’organisation qui lui a permis d’améliorer petit à petit ses revenus. L’instrument de cette dynamique a été la COMARU, créée à l’origine pour mieux s’opposer aux prétentions territoriales de l’entreprise Jari et à ses projets de centrale hydroélectrique (Sampaio, 2000). Par la suite, la coopérative a multiplié les expériences de vente de produits dérivés de la noix du Brésil, qui permettaient de payer un meilleur prix aux collecteurs. Des expériences artisanales axées sur la production de farine de noix du Brésil, puis de biscuits, virent le jour en 1993, alors qu’une petite subvention était reçue de la part de la commune de Laranjal do Jari. En 1994, une aide du ministère de l’agriculture permit la construction dans le village d’un bâtiment et d’un entrepôt pour la COMARU. Le niveau de vie augmente lentement, une première télévision collective étant acquise en 1995.

  • 9 Formalisé par le décret nº 2453, du 14/08/1995.

35A partir de cette même année, les choses s’accélèrent. Elu comme gouverneur de l’Etat d’Amapá, João Capiberibe veut en effet mettre en application un « programme de développement durable de l’Amapá » (PDSA)9, dont l’un des axes forts était la mise en avant des coopératives de petits producteurs et la valorisation des produits de l’extractivisme. De par son caractère exemplaire mais aussi du fait de l’identité des castanheiros comme habitants de la forêt, la COMARU allait être l’une des grandes bénéficiaires de ce changement de politique.

  • 10 Le décret d’Etat nº 1777 daté du 09/07/ 1999, prévoyant la création d’un conseil consultatif de la (...)

36En premier lieu la coopérative, qui revendiquait depuis sa création une stabilisation de ses droits fonciers (Araujo, 2004), se voit exaucée par la création de la RDS en 1997. Le choix du statut de « réserve de développement durable », plutôt qu’une concession sous les auspices de l’INCRA, s’inscrit dans la volonté d’innovation du PDSA, notamment en ce qui concerne la participation des communautés locales. Il prévoit en effet la constitution d’un conseil de gestion composé des institutions de l’Etat et des associations locales. Comme on le verra cependant, cette partie de l’entreprise ne s’est pas encore concrétisée10.

  • 11 Contrat n.º 023/2000 GEA/SEED/COMARU, portant sur la période de juin 2000 à juin 2002 et d’une vale (...)
  • 12 Decret n.º 1628 de 15/05/2000 (voir Vilhena, 1999).

37Le second fut la multiplication des subventions directes ou indirectes attribuées à la COMARU. Celle-ci reçoit en premier lieu des appuis ponctuels comme un tracteur et deux bateaux, en 1996. Mais plusieurs projets plus ambitieux sont élaborés. Le premier vise à utiliser davantage de produits issus de la région dans l’approvisionnement des cantines scolaires. A cet effet, le secrétariat à l’éducation de l’Etat d’Amapá achètera à partir de 200011 des biscuits de noix du Brésil produits par la communauté de São Francisco, à un prix très supérieur à celui du marché. En parallèle, le gouvernement de l’Etat développe le « projet castanha do Brasil » afin d’organiser le marché de ce produit en Amapá et de renforcer les coopératives locales (Nelson et Fujiwara, 2001). Bien qu’il n’ait pas vraiment réussi à mettre hors-jeu les acheteurs habituels (dont les pratiques, en partie héritées de l’aviamento, sont souvent vivement critiquées), ce projet donnera quelques avantages supplémentaires aux coopératives, et en particulier à la COMARU. Les biscuits produits par celle-ci seront en effet particulièrement favorisés par l’exemption en 2000 et 2001 d’Impôt sur la Circulation des Marchandises (ICMS)12 sur les produits dérivés de la castanha. Elle recevra par ailleurs des financements à des taux très intéressants de la part de la banque d’Etat de l’Amapá (BANAP), puis de la part du fonds coopératif de l’agence de développement de l’Etat d’Amapá (AFAP), créée en avril 2000.

  • 13 Financement via un projet démonstratif de type A, n°28, de 100 000 US$ pour la période 1997-2001.

38En même temps que le soutien de l’Etat d’Amapá commence à s’exercer de manière massive, les grandes institutions internationales s’intéressent au cas d’Iratapuru. Il faut dire que le PDSA du gouverneur Capiberibe avait attiré l’attention des bailleurs de fonds, qui souhaitaient participer à ce qui apparaissait comme la promotion d’un nouveau modèle de développement en Amazonie. En parallèle, du fait de sa très grande biodiversité, la zone sud de l’Etat avait été déclarée comme prioritaire pour le financement d’actions de préservation et de développement durable par le PPG-7. Celui-ci décide donc de financer en 1997, en contrepartie de la création de la RDS, la construction d’une usine de biscuits13 qui permettrait à la communauté de São Francisco de changer d’échelle et de varier sa production.

  • 14 Financement de 1,3 millions d’euros pour le projet « Conservation et valorisation de la biodiversit (...)

39Dans la lignée de ce financement, le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) débloque en 2000 un important financement pour l’ensemble de la région sud de l’Amapá14. Il prévoyait des actions à Iratapuru, notamment la construction d’un hébergement de forêt permettant d’initier une activité d’écotourisme en partenariat avec le département du tourisme de l’Etat d’Amapá (DETUR).

40La multiplication des financements n’empêchera pas de nombreuses difficultés, et dans une certaine mesure l’échec de la plupart des projets. Ainsi, dans le cas des biscuits de noix du Brésil, plusieurs goulots d’étranglement se firent jour, en particulier la difficulté pour la coopérative d’adopter le rythme de production demandé par le contrat. Sur une fourniture théorique de 9 tonnes mensuelles, la coopérative ne réussit en effet à fournir que 3 à 4 tonnes annuelles avant février 2002, date de l’inauguration de l’usine financée par le PPG-7. Même après cette date, des difficultés dans la gestion du fonds de roulement (en dépit des aides de la BANAP et de l’AFAP…) devaient l’empêcher de fonctionner à plus de 50 % de la capacité prévue (soient 4 ou 5 tonnes mensuelles). Par ailleurs, il faut noter que du fait d’un coût de production très élevé (il fallait en effet acheminer jusqu’à Iratapuru les matières premières comme le beurre et la farine), la rentabilité du contrat ne tenait qu’au fait que l’Etat d’Amapá acceptait de payer les biscuits produits le double de leur prix sur le marché local.

41Dans le cas du projet FFEM, qui ne connut qu’une ébauche de réalisation, ce sont surtout les difficultés des relations avec la communauté locale qui ont semble-t-il pesé. La vision technocratique développée par certains acteurs, persuadés de leur légitimité du fait de leur compétence technique, serait entrée en conflit avec la vision interne de la communauté, entraînant en fin de compte le retrait unilatéral du FFEM.

42Mais c’est surtout la vulnérabilité politique des projets de développement financés à Iratapuru qui deviendra évidente à partir de 2003. Le gouverneur Capiberibe avait en effet multiplié les investissements sur place, mais il avait également intensément utilisé l’image du village de São Francisco et de la COMARU dans sa communication politique. Sans surprise, le gouverneur élu en 2003, opposant de Capiberibe, coupera rapidement les subventions et le support administratif de l’Etat, entraînant une crise importante à la COMARU. Celle-ci, pour finir, n’était pas non plus sortie indemne du tourbillon financier des années 2000. Des rumeurs persistantes de mauvaise gestion, voire de détournements de fonds, devaient entraîner plusieurs changements de direction, notamment en 2002, où le président qui était à l’origine du rapprochement avec le gouvernement de l’Etat sera renvoyé, quittant même par la suite la communauté. Le 1er octobre 2003, un incendie détruisit la fabrique de biscuits, et sera rapidement associé à une vengeance de l’équipe sortante, voire à une tentative (réussie) de faire disparaître les documents financiers.

43A ce moment, la situation de la COMARU est très délicate. Son outil de production est détruit, son patrimoine mobilier s’est volatilisé et elle se trouve très endettée, une partie des soutiens reçus l’ayant été sous la forme de prêts. C’est alors que l’entreprise Natura, déjà présente mais peu impliquée, commença à pousser ses pions.

La Natura en sauveur

  • 15 La Natura exige soit une certification de bonne gestion des produits forestiers (certification FSC (...)

44En 2000, la firme Natura connaît des difficultés dans sa croissance et décide d’élaborer une nouvelle stratégie. Elle choisit de développer une nouvelle ligne de produits mettant en valeur les ingrédients naturels issus de la biodiversité brésilienne, associant à ses cosmétiques une image de marque d’entreprise impliquée dans la promotion du développement durable, la protection de la forêt et l’accompagnement des petits producteurs. Sur la base de ces concepts, elle crée sa nouvelle ligne « Ekos », dont une partie des ingrédients est obtenue auprès de petits producteurs qui sont certifiés pour garantir qu’ils réalisent une exploitation durable des ressources15. A la recherche de fournisseurs qui puissent lui procurer tout à la fois sa matière première et une valeur ajoutée importante en termes d’image, l’entreprise se tourne rapidement vers la communauté de São Francisco do Iratapuru. Selon des témoignages que nous avons recueillis sur place, il est possible que la reprise de l’entreprise Jari par le groupe Orsa ait eu son importance dans cet intérêt : les dirigeants des deux entreprises font en effet tous deux partie de la haute société paulista, se connaissent personnellement, et les premières reconnaissances de la Natura dans la région ont reçu l’appui de la société ORSA.

45Quoiqu’il en soit, en 2000, la Natura demande à la société JGP de certifier la COMARU pour la fourniture d’huile de noix du Brésil, alors que le gouvernement de l’Etat d’Amapá s’implique dans cette négociation (Vilhena, 2004). Privilégiant son activité de production de biscuits, la COMARU ne prête pourtant que peu d’attention à ce projet. Après quelques tests réalisés en 2000 et malgré l’achat d’une presse, aucun contrat n’est signé. En 2002, la COMARU prête même son équipement de production d’huile à la COMAJA, ce qui le sauvera de l’incendie de 2003.

  • 16 On notera que les fonds pour la reconstruction viendront en fait de « Fonds Natura » (voir plus loi (...)
  • 17 Branche brésilienne de la multinationale allemande COGNIS, contrôlée par les fonds d’investissement (...)

46Après cet épisode, la relation entre la COMARU et la Natura va devenir beaucoup plus étroite. Sans perspective de commercialisation, puisque son outil de production est détruit, la coopérative a désespérément besoin d’un nouveau partenaire, et elle sait qu’elle ne pourra pas compter sur l’Etat d’Amapá, qui lui reproche ses liens avec l’ancien gouverneur. La Natura, elle, a perçu tout l’intérêt que la RDS Iratapuru, zone d’une grande beauté naturelle et d’un état de préservation exceptionnel, pouvait avoir en termes d’image. Elle finance donc en 2004 la reconstruction du bâtiment de l’usine dans lequel est installée16 la presse reprise à la COMAJA. Elle finance également la certification des zones de collecte et met en contact la COMARU avec la société Cognis do Brasil17, qui est le véritable acheteur de l’huile produite à Iratapuru et est chargée de fournir à la coopérative les paramètres essentiels du produit et la technologie de base pour la produire, et de fixer un juste prix tout en veillant à ce que la gestion forestière soit durable. La Natura, en partenariat avec la Cognis et avec une autre société du secteur dénommée IFF, explore également en 2003 la possibilité d’utiliser d’autres produits régionaux, en particulier le breú branco et la copaíba.

47Associés à l’huile de noix du Brésil, ces deux produits constitueront le socle de la relation entre la COMARU et la Natura. Cherchant selon ses propres termes à promouvoir un nouveau modèle de développement, l’entreprise de cosmétiques fait en effet le pari de valoriser les nouveaux instruments fournis par le droit brésilien pour l’exploitation des connaissances traditionnelles associées aux produits de la forêt. Elle se lance donc dans un processus d’acquisition des droits d’exploitation du patrimoine génétique pour le bréu branco, réalisant une première en droit brésilien. Une fois l’autorisation du CGEN obtenue, elle signe un contrat d’exclusivité avec la COMARU pour la fourniture de ce produit. A ce jour, des démarches analogues sont engagées pour l’huile de noix du Brésil, mais elles n’ont pas encore été conclues.

48Grâce à ce processus juridique, la communauté obtient bien plus qu’un simple débouché pour ses produits. L’acquisition des droits d’accès aux connaissances traditionnelles implique en effet de la part de la Natura le versement d’une indemnité qui dépasse très largement en valeur le prix de vente du bréu branco. On peut prévoir que ce montant sera encore plus important pour l’huile de noix du Brésil. Par ailleurs, l’accès au patrimoine génétique implique le versement d’une compensation au propriétaire de la zone, en l’occurrence l’Etat d’Amapá, avec obligation pour ce dernier de l’investir au bénéfice des communautés concernées. Nous verrons plus loin que ce dernier point fait l’objet d’une polémique. En plus de ces dédommagements prévus par la loi brésilienne, la Natura propose aux communautés traditionnelles qui lui fournissent des produits d’avoir accès à un fonds, dénommé fonds Natura, qui est abondé de 0,5 % du chiffre d’affaire (après impôt) des marques mentionnant les composants produits par la communauté, et de 0,15  % du chiffre d’affaire des marques utilisant les produits fournis par la communauté mais sans le mentionner sur l’emballage.

Un partenariat modeste en volume, mais très important sur le plan financier

49Comme on le voit sur le tableau 1, la production d’huile de noix du Brésil achetée par la Natura à la COMARU a considérablement varié sur les quatre dernières années. On notera que cette variation ne correspond pas à une fluctuation dans les ventes de la Natura, mais à une fluctuation dans la capacité de production de la coopérative, liée à plusieurs facteurs comme l’irrégularité naturelle de la production des noyers, ou les difficultés de financement de la récolte. La coopérative s’est d’ailleurs endettée vis-à-vis de la Cognis, dans la mesure où elle s’était engagée à fournir 16 tonnes d’huile en 2006, année durant laquelle elle ne réussit pas à produire plus de 2000 kg. La Cognis ayant avancé de l’argent pour viabiliser la récolte, elle exigea le remboursement de ces frais en 2007, générant une situation difficile pour la COMARU. Celle-ci possède pourtant une grande marge de progression dans ses fournitures à l’entreprise de cosmétiques, car la quantité d’huile de noix du Brésil utilisée par la Natura représente environ 20 tonnes par an et car en vertu du contrat d’exclusivité, la COMARU pourrait en être l’unique fournisseur si elle était capable de produire une telle quantité.

  • 18 Commande en voie de finalisation, livraison prévue fin 2007 ou début 2008.

bréu branco

% de matière utilisée par Natura

Huile de noix du Brésil

2004

300 kg

100 %

7 500 kg

2005

0

100 %

9 000 kg

2006

0

100 %

2 000 kg

2007

300 kg18

100 %

6 500 kg

Tableau 1 : production de bréu branco et d’huile de noix du Brésil pour la Natura (2004-2007)

50De par les prix payés par la Cognis, la vente d’huile de noix du Brésil représente un revenu bien plus intéressant que la vente de la noix directement aux intermédiaires de la ville de Laranjal do Jari. En effet, si ceux-ci payent entre 50 et 60 R$ l’hectolitre en fonction du point de vente, le prix de vente de l’huile représente environ 120 R$ par hectolitre de noix. Mais il faut noter que la quantité de noix transformées en huile est minime par rapport à l’ensemble de la collecte réalisée par les habitants de São Francisco. On compte en effet qu’un hectolitre de noix permet d’obtenir environ 6,5 kg d’huile. L’année 2007, qui a vu la production de 6500 kg d’huile a donc vu 1 000 hectolitres de noix transformées en huile, soit à peine 17 % de l’ensemble de la récolte qui aura été de près de 6 000 hl. En conséquence, malgré son importance symbolique et le meilleur prix obtenu par ce biais, le partenariat avec Natura n’est pas la seule source de revenus de la coopérative.

51Par ailleurs, les mécanismes commerciaux impliqués par le contrat avec la Cognis rendent difficile la situation des collecteurs, et leur impose de continuer à vendre une partie de leur produit aux intermédiaires de la ville de Laranjal. En effet, la Cognis ne paye le produit qu’une fois celui-ci parvenu dans ses entrepôts à São Paulo, soit près de six mois après la fin de la collecte. Or, comme on l’a vu, la plupart des « patrons » ont besoin d’argent frais immédiatement à l’issue de celle-ci, pour régler le solde de leurs employés et pour faire face aux dépenses de leur famille. Il est donc impossible aux associés de la COMARU de livrer l’intégralité de leur production à la coopérative, sous peine de se trouver dans une situation financière très difficile durant plusieurs mois.

52En ce qui concerne le bréu branco, les transactions sont minimes, car il s’agit d’une matière dont les volumes utilisés sont très faibles : seule une livraison de 300 kg a été effectuée en 2004, une deuxième, d’un volume équivalent, devant être réalisée en 2007. Mais ces faibles volumes de vente ne doivent pas dissimuler le principal intérêt du partenariat avec la Natura, qui est le paiement à la communauté de droits liés à des éléments immatériels, comme le droit d’accès au savoir traditionnel ou bien le versement de royalties sur les produits vendus. La disproportion entre les deux sources de revenus est très importante. D’après des documents internes de la Natura auxquels nous avons eu accès, les royalties sur le Breú branco ont rapporté près de 1,6 millions de réaux à la communauté, alors que la vente des 300 kg produits en 2003 (lesquels suffirent à la Natura jusqu’en 2007) n’a rapporté que moins de 10 000 réaux.

Questions autour de la coexistence du nain et du géant

La stratégie de la Natura, un interventionnisme bien au-delà d’une simple relation commerciale

53Même si l’on peut faire crédit à l’entreprise d’une véritable conviction dans sa promotion du développement durable, il n’en reste pas moins que le partenariat proposé par la Natura à la COMARU entre dans le cadre d’une stratégie de marketing qui ne laisse rien au hasard. Dans ce cadre, l’investissement réalisé à Iratapuru doit être rentabilisé en termes d’image, ce qui implique plusieurs niveaux d’intervention.

54Le premier consiste pour l’entreprise à s’assurer que les revenus obtenus par la coopérative soient suffisants pour qu’il y ait effectivement une amélioration des conditions de vie. Pour cette raison, au lieu de se contenter de négocier un seul produit, la Natura souhaite faire de la COMARU le fournisseur de trois produits différents : le bréu branco, l’huile de noix du Brésil mais également la copaíba (bien que le processus de production de celle-ci à Iratapuru pose quelques problèmes, comme on le verra plus loin). On peut aussi penser que cette volonté d’acheter plusieurs produits dans la même communauté répond à une volonté de mieux rentabiliser l’ensemble des investissements réalisés sur place : pour faire des communautés qui sont ses partenaires des exemples de durabilité, l’entreprise n’hésite pas à investir de manière importante pour la réalisation de diagnostics locaux ou pour l’élaboration de plans de développement durable. A Iratapuru, c’est l’entreprise Amapaz/DS qui sera chargée de cette tâche, à travers un contrat de 250 000 R$.

  • 19 Une installation a été réalisée par la Companhia de Água e Esgoto do Amapá (CAESA) en 2000 pour fou (...)

55Le second consiste pour la Natura à veiller à ce que les investissements rendus possibles par l’accès aux divers fonds et indemnités impliqués par ses contrats ne produisent pas des effets contraires à ceux recherchés, par exemple une urbanisation non maîtrisée ou une dégradation rapide de l’environnement. Pour cela, elle exerce un contrôle très strict sur les projets qui pourraient être financés, au point que pour le moment, aucun projet concret n’a été financé par le fonds Natura à Iratapuru en dehors du désendettement de la COMARU. Ce fait est particulièrement préoccupant si l’on remarque que dans le même temps près de 20 % du fonds Natura destiné à Iratapuru (dont le montant atteint environ 2 millions de réaux en 2007) a été dépensé en audits et diagnostics dont l’utilité pour l’amélioration des conditions de vie locales ne paraît pas toujours évidente : le village d’Iratapuru ne possède ni station de traitement de l’eau décente19, ni réseau d’égout, ni système de traitement des déchets. On semble donc assister de la part de la firme de cosmétiques à une tentative de gestion de la communauté par consultants interposés, ce qui n’est pas sans conséquence sur les relations avec les autres acteurs présents sur place (voir figure 6).

  • 20 Le rapport de certification de la société Imaflora de 2004 (FSC, 2004) mentionne ainsi que la régle (...)

56Nos travaux de terrain nous ont ainsi montré qu’il existait de sérieuses difficultés de relation entre la Natura et les institutions publiques, notamment le Secrétariat à l’environnement de l’Etat d’Amapá (SEMA). Ce dernier, responsable administratif du territoire de la RDS, n’apprécie en effet que très modérément la volonté de la Natura de contrôler l’usage des financements alloués à la communauté. Il voit également d’un mauvais œil la concentration des ressources uniquement sur le village de São Francisco quand on dénombre 11 communautés utilisatrices du territoire de la RDS, et voudrait orienter les investissements vers des projets intéressant l’ensemble de ces villages. Par ailleurs, la SEMA est responsable de l’élaboration du plan de gestion de la réserve, qui devrait être – enfin – rédigé avec l’appui du WWF en 2008. Or la Natura craint que celui-ci puisse être trop ou pas assez strict, menaçant ou la production de la RDS ou son image20. Bien qu’il n’y ait pas de présence permanente de fonctionnaires de la SEMA, la présence de l’Etat reste marquante dans la RDS. Le gouvernement fournit ainsi une généreuse dotation en combustible pour le groupe électrogène du village (subventionnant ainsi la production de l’usine de la COMARU), et la SEMA fournit un appui sur le plan logistique, viabilisant par exemple des transports en voiture vers le Porto Sabão. Ses fonctionnaires continuent d’entretenir une relation paternaliste avec les responsables de la COMARU.

Figure 6 : les acteurs présents autour de la communauté de São Francisco do Iratapuru

  • 21 Fondation sociale adossée au groupe ORSA, actuel propriétaire de l’entreprise Jari. La Fondation OR (...)

57On doit par ailleurs souligner que le montant très élevé du fonds Natura destiné à Iratapuru attire de nombreuses convoitises, et que les difficultés ressenties tant avec les institutions qu’avec certaines ONG sont sans doute également liées à des jalousies ou à la volonté de certains de devenir les gestionnaires du fonds, empochant au passage de confortables frais de gestion. A l’heure actuelle, on peut penser qu’un rapprochement est en cours entre la Natura et la Fondation ORSA21 afin que cette dernière, qui offre de bonnes conditions de transparence, puisse jouer un rôle plus important dans l’orientation de la communauté sur l’usage de ses revenus. Elle exerce déjà une action de formation auprès de la COMARU, qui a été incluse dans son programme de pépinière d’entreprises. C’est ainsi que le président actuel de la COMARU a pu bénéficier d’une formation d’un an à São Paulo. Cette implication de la fondation ORSA (FO), et donc de l’entreprise Jari, est paradoxale, car la création de la RDS visait précisément à s’en affranchir. En même temps, on doit souligner que l’action de la FO est symptomatique d’un nouveau mode de responsabilité sociale en franc développement dans les très grandes entreprises brésiliennes.

58Enfin, la stratégie de la Natura rencontre un problème important dans la question de l’identification de ses interlocuteurs locaux. Si, en effet, la COMARU est sans aucun doute le partenaire commercial, c’est la communauté qui devrait être l’interlocuteur concerné par les projets du fonds Natura. Or l’entreprise est tentée de confondre les deux, considérant l’absence d’organisation collective des habitants (comme un conseil communautaire, dont la mise en place a jusqu’ici toujours capoté), alors que les luttes de pouvoir au sein de la coopérative marginalisent plusieurs familles. L’absence de culture commerciale bien enracinée chez les extractivistes, est une autre difficulté pour l’entreprise de São Paulo. Comme on l’a vu, les volumes produits par la COMARU sont fluctuants, ce qui implique pour la Natura d’avoir parfois recours à d’autres fournisseurs. Il faut également compter avec les difficultés d’organisation de la production, qui font que le calendrier fixé depuis São Paulo est rarement respecté. Tout cela entraîne une certaine complexité dans la chaîne logistique de l’entreprise.

Certification et plans de gestion : que reste-t-il du « savoir traditionnel » ?

59Trois aspects peuvent être questionnés dans la relation commerciale instaurée avec la Natura et les pratiques traditionnelles des collecteurs de noix du Brésil de l’Iratapuru : la compatibilité de ces pratiques avec la définition actuelle de la durabilité, les modifications induites dans les comportements traditionnels du fait des normes imposées par la Natura et enfin la nature exacte du « savoir traditionnel » dont l’usage est dédommagé par l’entreprise de São Paulo.

60Sur le premier point, le processus de certification en lui-même paraît peu objectif. Il est ainsi basé sur la constatation que l’exploitation des castanhais par les extractivistes est durable en soi, et estime pour cela qu’il est pratiqué sans conséquence pour l’environnement depuis au moins 25 ans – un délai arbitraire, si l’on songe au cycle de vie des noyers du Brésil qui se compte en siècles. Par ailleurs, on sait que certains indices vont dans le sens d’une certaine fragilisation des castanhais suite aux activités de collecte, qui pourrait menacer l’émergence des jeunes arbres. Or le rapport du FSC ne donne aucune piste sur la quantité de noix qui pourrait être collectée dans la région sans porter atteinte à la viabilité des zones de collecte. Par ailleurs, l’estimation de la surface totale concernée par la récolte des noix est très imprécise, aucun relevé GPS du type de celui que nous présentons à la figure 3 n’ayant été réalisé par les différents consultants qui ont travaillé à Iratapuru. Adoptant une optique légèrement idéologique, l’entreprise Imaflora semble considérer a priori que l’activité des collecteurs de noix est durable, alors que l’on peut raisonnablement penser qu’il existe au moins un seuil d’intensité au-delà duquel elle ne le sera plus. Exemple de cette vision légèrement biaisée, le rapport de 2004 accorda la certification FSC pour l’exploitation du bréu branco, de la noix du Brésil et de la copaíba, alors que le processus d’exploitation d’huile de copaíba utilisé à Iratapuru se révéla rapidement nocif pour les arbres traités, obligeant la Natura à refuser d’acheter ce produit dès 2005 (sans, à notre connaissance, que le sceau FSC ait été perdu).

  • 22 Nous fournirons des éléments de réponse sur ce point dans un travail complémentaire en cours de réd (...)

61En ce qui concerne le second point, si la Natura affirme s’appuyer sur la production de communautés traditionnelles, elle exige également la certification de celles-ci par des organismes comme le FSC, qui possède un sceau pour les « produits forestiers non-ligneux ». Or l’acquisition de la certification (27 zones de collecte sont aujourd’hui certifiées) implique l’adoption de pratiques de travail et de gestion qui, souvent, sont très différentes des comportements traditionnels. Elle implique par exemple de ne pas utiliser de main d’œuvre infantile. Ce qui est une avancée dans le champ des droits de l’homme pose néanmoins certaines questions : comment les adolescents d’Iratapuru pourront-ils recevoir l’apprentissage de la forêt nécessaire à l’exercice de la profession de castanheiros s’ils n’apprennent pas le métier avec leurs parents durant la saison de la collecte ? Pourront-ils maintenir le degré de familiarité avec la forêt qui justifie l’appellation de « population traditionnelle » ?22 Le rapport de certification de la société Imaflora posait lui-même ce problème en 2004, indiquant qu’il serait souhaitable de trouver une organisation du temps scolaire qui permette de combiner les deux aspects. Mais la question est restée lettre morte depuis cette date. Une autre transformation qui pourrait être lourde de conséquences concerne les droits d’usage. Si ceux-ci étaient relativement fluides dans la communauté, le processus de certification imposa de donner un dono (responsable ou propriétaire) à chaque zone de collecte, déclenchant une série de stratégies d’appropriation (colocações inscrites au nom d’une épouse, d’un enfant, etc.).

62On peut enfin s’interroger sur le dédommagement des connaissances traditionnelles effectué par la Natura à Iratapuru. Dans quelle mesure la connaissance de l’huile de noix du Brésil ou celle des propriétés olfactives de la résine de bréu branco, connues dans toute l’Amazonie, sont-elles des exclusivités de la communauté de São Francisco do Iratapuru ?

Pour les extractivistes : un nouvel élément dans une stratégie complexe

  • 23 Directement : travail dans les colocações, transport da la noix ; indirectement : transformation de (...)
  • 24 Selon nos calculs, la construction d’un bateau revient entre 1 500 et 2 000 R$, et ils peuvent être (...)

63L’un des éléments récurrents de la relation entre les projets de développement implantés à Iratapuru et la communauté locale est sans doute la sous-estimation de la complexité des sources de revenu et des stratégies des collecteurs de noix. Ainsi, si l’exploitation de la noix du Brésil représente sans doute la principale source de revenu pour la population d’Iratapuru, toutes les familles sans exception ayant directement ou indirectement à voir avec cette activité23, on observe un grand nombre d’autres activités qui les aident à compléter leur revenu et à compenser le manque de sources monétaires en dehors de la période de collecte (d’août à janvier). Ce sont des activités qui se déroulent pour certaines en interaction avec l’extractivisme en forêt, comme l’agriculture, la construction de bateaux (parfois vendus à des orpailleurs qui opèrent en amont du fleuve Jari24), de dépôts et de maisons, ou en totale déconnexion, comme l’orpaillage, les activités en ville, l’émigration provisoire en Guyane, etc. Il est dès lors difficile de mesurer exactement le revenu et le niveau de vie des habitants de la communauté, d’autant plus qu’une grande partie de la nourriture quotidienne provient de la forêt même ou des abattis, n’entrant donc pas dans le cycle d’échanges monétaires.

64La complexité des stratégies individuelles explique en partie les difficultés de la coopérative à mettre en place un système tirant tout le parti du contrat de fourniture de l’huile de noix à la Natura. La question du financement de la collecte est ainsi particulièrement critique, et fut l’objet de plusieurs expérimentations : avance de la part du client pour la récolte 2006, emprunt bancaire pour la récolte 2007, avance de trésorerie de la coopérative elle-même prévu pour 2008. Bien que souvent peu assurés sur le plan financier, ces différents systèmes semblent avoir permis une plus grande circulation d’argent, résultant dans une plus grande utilisation de main d’œuvre et semble-t-il une tendance à l’accroissement de la production. La COMARU réfléchit aussi à sa diversification, se proposant par exemple de produire de la noix séchée (castanha dry), vendable sur le marché international en dehors des intermédiaires habituels. Elle a pour cela acquis un équipement d’emballage sous vide en 2006, mais n’a encore honoré aucun contrat pour ce produit.

Un bilan en termes de développement durable

65Dans la mesure où l’ensemble des actions entreprises à Iratapuru depuis 15 ans l’ont été sous la bannière du développement durable, il ne paraît pas illégitime de tenter d’en tirer ici un bilan, en insistant particulièrement sur la période la plus récente. On essayera donc de synthétiser les effets sur les trois plans traditionnels de la durabilité : préservation environnementale, développement économique et progrès social.

66Sur le premier plan, on note que l’objectif semble largement atteint, la RDS Iratapuru apparaissant parfaitement préservée jusqu’à aujourd’hui. La certification a en particulier exigé de la part des collecteurs un effort particulier pour la gestion des déchets inorganiques dans les zones de collecte. Mais ce constat ne doit pas cacher un certain nombre d’hypothèques ou de fragilités. En particulier, on peut se demander dans quelle mesure les activités développées autour du village de São Francisco ont pu influer dans un sens ou dans l’autre sur cette préservation, dans la mesure où, de toute manière, le territoire utilisé pour la collecte de la noix du Brésil représente à peine 5 % de la surface de la réserve. Une augmentation de cette proportion pourrait à elle seule représenter une pollution relativement importante, si l’on considère la quantité de combustible utilisée pour réaliser la collecte. Sur le plan administratif, on n’observe que peu d’actions concrètes de la part du gestionnaire de la zone, le SEMA. Le plan de gestion, en particulier, n’est toujours pas élaboré 10 ans après la création de la réserve. Seule l’installation d’un poste radio peut être considérée comme une avancée, celui-ci permettant d’alerter la police en cas d’intrusion de forestiers ou de pêcheurs sur l’Iratapuru. Mais cette fonction de surveillance repose en même temps sur la communauté, ce qui renforce le sentiment des habitants du village de São Francisco que la RDS leur appartient…

67Sur le plan économique, les avancées sont plus nettes. Le revenu mesurable des collecteurs de noix de São Francisco est bien supérieur à ce que l’on peut enregistrer dans les autres communautés de la région. Par ailleurs, comme on l’a souligné, les perspectives de croissance sont excellentes pour la COMARU, puisque la Cognis pourrait (et devrait, eût égard au contrat d’exclusivité), en l’état actuel des choses, absorber une production d’huile de noix double de l’actuelle. Seule fragilité importante, on notera que le contrat signé avec la Natura n’offre aucune garantie quant à sa continuité. En effet, si les produits de la ligne Ekos élaborés à partir d’huile de noix du Brésil devaient perdre la faveur des clients, l’entreprise en tirerait immédiatement les conséquences en retirant cette ligne de son offre, interrompant ses achats à Iratapuru. Ce risque semble cependant peu important en l’état actuel des choses, d’autant que la communauté de São Francisco est associée à deux produits différents, l’huile de noix, mais aussi le bréu branco. Ce dernier, souvent utilisé comme fixateur dans des préparations diverses, est devenu un ingrédient usuel des produits de la Natura, si bien qu’il est peu probable qu’il soit rapidement abandonné. Enfin, grâce au soutien reçu dans le cadre de la Fondation Orsa, la COMARU semble aujourd’hui mieux préparée pour démarcher de nouveaux clients et écouler ses produits en dehors du contrat avec la Natura, dont il faut se souvenir qu’il ne concerne à ce jour qu’un tiers de l’ensemble de la récolte annuelle. On peut se demander, dans ce domaine aussi, quelle est la part des mécanismes de développement mis en place et quelle est la part du marché dans les améliorations constatées. Le prix relativement élevé de la noix du Brésil sur le marché ces dernières années n’a-t-il pas contribué autant que le contrat avec la Natura à l’amélioration du revenu des collecteurs ?

68Sur le plan social, les avancées semblent plus discutables, et il convient de les nuancer en fonction du périmètre considéré. Il est clair que la communauté de São Francisco bénéficie d’un bien-être matériel supérieur à celui des autres communautés de la région, les biens d’équipement (réfrigérateur, télévision, etc.) y étant plus nombreux. Pour autant, on constate un retard en termes d’équipements publics. Le poste de santé est ainsi peu performant et ne compte pas de personnel permanent. Il n’y a d’autre part pas de réseau de traitement de l’eau ou d’assainissement, et les conséquences sur le plan sanitaire sont visibles, notamment par la fréquence des diarrhées infantiles. Cette situation paraît d’autant plus choquante que le fonds destiné par la Natura à la communauté (sur lequel demeurent disponible environ 1 600 000 réaux) permettrait largement de réaliser une telle opération. Pour le moment, les actions entreprises confondent encore souvent coopérative et communauté, considérant que les succès économiques de la première sont en eux-mêmes porteurs de progrès social, ou, comme le formulait un rapport du Secrétariat à la Technologie de l’Etat d’Amapá, que « Les avancées significatives dans la gestion commerciale de la coopérative contribueront à une amélioration du niveau de vie, du bien-être social et de la qualité de vie des extractivistes […] » (SETEC, 2001 : 11).

69En changeant d’échelle, on remarquera que les efforts intenses de développement que l’on constate à São Francisco n’ont eu aucun effet d’entraînement sur les autres communautés installées à proximité, comme Santo Antônio, Padaria ou São Militão, générant une certaine amertume sur place dans la mesure où elles aussi ont été mobilisées au moment de la création de la RDS, et où certains de leurs habitants exercent aussi des activités de collecte dans ou à proximité de son territoire. A l’opposé, la proposition de la SEMA de consacrer le dédommagement reçu au titre de l’accès au patrimoine génétique pour des projets concernant ces autres communautés rencontre une importante opposition à São Francisco, les habitants du village faisant valoir que ce sont eux qui ont, par leur contrat avec la Natura, obtenu cet argent, et exigeant qu’il soit dépensé à leur profit.

70Malgré ces constatations en demi-teinte, il est important de noter que sur le plan social le ciment de la communauté, à savoir l’identité extractiviste revendiquée par ses habitants, a été préservé en dépit de l’importance des flux financiers qui s’y développent. Loin de devenir des rentiers subventionnés par les royalties liées à leurs produits, les habitants de Iratapuru ont profité de l’amélioration des conditions économiques pour accroître leur production (les bonnes années), et pour devenir à leur tour des entrepreneurs employant de la main d’œuvre pour récolter la noix de leurs aires de production. Entièrement engagés dans cette activité, ils maintiennent la sociabilité festive des longs séjours en forêt, ce alors que la viabilité économique repose beaucoup sur la solidarité qui s’exprime lors des franchissements des sauts dangereux. De ce point de vue, les travaux menés à Iratapuru ont montré qu’au delà de la compréhension des mécanismes économiques et géographiques, une interrogation sur d’autres facteurs, plus anthropologiques, était également nécessaire à l’explication des succès ou des échecs des modèles de développement. En ce qui concerne les communautés dites traditionnelles, l’influence de ce qui forme, de fait, une communauté doit être analysée. Est-ce le résultat d’une mémoire partagée, d’objectifs communs, d’une relative homogénéité des parcours et des aspirations ? La création d’une coopérative ne garantit en rien l’harmonie sociale, bien au contraire : elle serait plutôt l’occasion d’une exacerbation des conflits et des rivalités familiales.

Conclusion

71La communauté de São Francisco, principale utilisatrice des ressources naturelles de la RDS Iratapuru, a connu depuis 15 ans des changements très profonds. Ses habitants sont passés de l’isolement dans les colocações et du système de l’aviamento au regroupement en village et à un fonctionnement coopératif bénéficiant d’un fort appui local, national et international. Leur territoire de collecte a été transformé en une zone protégée, deux usines ont été successivement implantées et des contrats ont été signés, d’abord avec le gouvernement de l’Etat d’Amapá, puis avec l’entreprise Natura, alors que les aires de collecte recevaient une certification internationale. Derrière ces transformations, on trouve une très longue liste d’acteurs institutionnels, le dernier en date et le plus original dans le contexte amazonien étant sans nul doute la grande entreprise de cosmétique Natura.

72Le résultat que l’on peut observer aujourd’hui est un processus mixte d’avancées économiques (dont la plupart des communautés amazoniennes peuvent seulement rêver) et de déséquilibres dans l’offre de services qui affectent la qualité de vie de la population. D’un côté, on peut souligner que la communauté a réussi à faire fonctionner le modèle extractiviste de manière moderne, produisant de la valeur ajoutée à partir d’une ressource provenant de collectes en forêt, ce qui est une réussite rare. D’un autre côté, on remarque que ce sont surtout les droits d’image et les redevances sur des biens immatériels qui constituent le gros du revenu perçu par la communauté, plus que la vente de ses noix. Poursuivant le contraste, on peut noter que si tous les enfants fréquentent l’école en 2007, la plupart des producteurs de noix et membres de la coopérative ne réussissent pas à organiser leur comptabilité…

Haut de page

Bibliographie

AMAPAZ/DS, 2004, Rapport. Diagnóstico Local Participativo. Plano Comunitário de desenvolvimento Iratapuru Sustentável.

Emperaire L. (ed.), 1996, La forêt en jeu. L’extractivisme en Amazonie centrale.,ORSTOM/UNESCO, coll. Latitudes 23, 231 p.

Forest Stewardship Council (FSC), 2004, Resumo Público de Certificação da COMARU - Cooperative Mista dos Productores Extrativistas dos Rio Iratapuru, Smartwood program/Imaflora, São Paulo-Brésil, 42 p.

Greissing A. et Stauffer F., 2007, Relatório do projeto água para a comunidade de São Francisco do Iratapuru, Rapport non publié, 8 p.

Guedes Dantas F.L., 2003, Empreendedorismo ou subsistência na floresta ? O caso do Iratapuru no Amapá, mémoire de Mestrado, CDS-UnB, Macapá 216 p.

Homma A. K. O., 1993, Extrativismo Vegetal na Amazônia - Limites e Oportunidades, EMBRAPA, Brasília, 120 p.

IEPA, 2002, Macrodiagnóstico do Estado do Amapá. Primeira Aproximação do ZEE., Macapá-Amapá, 137 p.

JGP Consultoria e Participações Ltda., 2000, Diagnóstico de Sustentabilidade do processo de Produção de Óleo extraído da Castanha-do-Brasil (Bertholletia excelsa). Reserva de Desenvolviemnto Sustentável do Rio Iratapuru-Amapá. 39 p.

Nelson D. et Fujiwara L., 2001. “Projeto Castanha-do-Brasil”, in 20 Experiências de Gestão Pública e Cidadania, Hélio Batista Barboza e Peter Spink (orgs.), São Paulo, 15p.

Picanço J. R. A., 2005, Reserva Extrativista do Rio Cajari: verso e reverso da territorializaçéao no sul do Amapá. Natal, UFRN, 155p.

Pinsard Vianna L. et Rivaben de Sales R., 2006, Reserva de desenvolvimento sustentável (RDS) : análise da categoria de manejo e proposta de regulamentação, WWF-Brasil, Brasília, 388 p.

SETEC (Secretaria de estado da ciência e tecnologia), 2001, Uso Econômico da Biodiversidade na região sul do Estado do Amapá : O Programa Castanha-do-Brasil na Cooperativa Mista de Produtores e Extrativistas do Rio Iratapuru (COMARU), SETEC, Macapá-Brésil, 11 p.

Sgarbiero N. et Vilhena M.R., 1999, Relatório de Viabilidade Econômica da Industrialização dos Produtos Derivados da Castanha-do-brasil na Reserva de Desenvolvimento Sustentável do rio Iratapuru, SETEC, Macapá – Brésil.

Vilhena M.R., 1999, Análise da Estrutura e Dinâmica da Produção de Castanha-do-brasil na Reserva de Desenvolvimento Sustentável do rio Iratapuru, mémoire final du cours de spécialisation en développement durable et gestion environnementale, IEPA/NAEA/UFPA.

Vilhena M.R., 2004, Ciência, Tecnologia e Desenvolvimento na Economia da Castanha-do-Brasil: A transformação industrial da Castanha-do-brasil na COMARU - Região Sul do Amapá, mémoire de Mastère, Université de Campinas, Pós-Graduação em Política Científica e Tecnológica, 149 p.

Haut de page

Notes

1 L’« extractivisme » est défini au Brésil comme une exploitation des produits de la forêt sous forme de cueillette, qui n’entraîne pas la destruction de la ressource. Pour une discussion générale sur cette modalité on se référera à Emperaire (1996), et à Homma (1993).

2 Loi n° 0392 du 11 décembre de 1997. La RDS Iratapuru est la plus grande unité de conservation d’utilisation durable de l’Etat d’Amapá. La catégorie de Réserve de développement durable fait partie du Système National des Unités de Conservation (SNUC, loi fédérale nº 9.985 du 18 juillet 2000). Il s’agit d’unités qui abritent des populations traditionnelles dont l’existence repose sur l’exploitation durable des ressources naturelles. Leur objectif est de préserver la nature, mais en même temps d’assurer une amélioration des conditions de vie des populations traditionnelles et une valorisation de leurs connaissances sur la nature. Les activités autorisées ou non, ainsi que les relations entre les populations des réserves et les autorités doivent être régies par un plan de gestion. On notera que la création de la RDS Iratapuru est antérieure à la formalisation du SNUC, et que les décrets d’application concernant le statut de RDS ne sont pas encore publiés.

3 La floraison de Bertholletia excelsa a lieu durant les mois de novembre à février, mais les fruits (ouriços) n’arrivent à maturité que l’année suivante.

4 Deux types de bateaux sont utilisés pour le transport des noix et des personnes : le premier est la « catraia », hors-bord en aluminium, léger mais vulnérable face au danger des rochers affleurant ; le deuxième type est le « batelão », grande pirogue de bois, très lourde (environ 3 tonnes pour un batelão de 10 mètres) mais aussi très solide.

5 La définition traditionnelle de colocação est celle d’une clairière ouverte à l’intérieur de la forêt, où habitent les seringueiros (collecteurs de latex) avec leurs familles. Dans le cas d’Iratapuru, les colocações ont été ouvertes lors du cycle du caoutchouc et utilisées pour la collecte du latex jusqu’à la fin des années 1960. Aujourd’hui, les collecteurs n’exploitent plus que la noix du Brésil, mais ils continuent de dénommer colocacão leurs aires de collecte.

6 Forest Stewardship Council, institution international de certification, représentée par IMAFLORA au Brésil. La certification exige le respect d’un certain nombre des règles en ce qui concerne la gestion des colocações, les conditions de travail et la manière dont est faite l’exploitation des ressources.

7 Souvent les sacs sont simplement posés et empilés par terre sans protection contre les pluies et les rongeurs. Les dernières noix qui arrivent à la ville sont par conséquent souvent de très mauvaise qualité. C’est là une des faiblesses dans la gestion de la ressource qui pourrait cependant être améliorée par la construction de dépôts résistant à l’humidité.

8 Les modalités du travail dans la coopérative et autour du processus de la transformation de la noix ont été discutées lors d’une réunion organisée le 6 août 2007 par Eudimar dos Santos Viana, le président de la coopérative.

9 Formalisé par le décret nº 2453, du 14/08/1995.

10 Le décret d’Etat nº 1777 daté du 09/07/ 1999, prévoyant la création d’un conseil consultatif de la RDS restera également lettre morte.

11 Contrat n.º 023/2000 GEA/SEED/COMARU, portant sur la période de juin 2000 à juin 2002 et d’une valeur de R$ 399.913,92 pour l’approvisionnement des écoles publiques de Macapá, Santana, Laranjal e Vitória do Jari

12 Decret n.º 1628 de 15/05/2000 (voir Vilhena, 1999).

13 Financement via un projet démonstratif de type A, n°28, de 100 000 US$ pour la période 1997-2001.

14 Financement de 1,3 millions d’euros pour le projet « Conservation et valorisation de la biodiversité dans l’Etat d’Amapá », approuvé le 29/6/2000

15 La Natura exige soit une certification de bonne gestion des produits forestiers (certification FSC délivrée par l’entreprise Imaflora), soit une certification de bonne gestion des aires cultivées. La certification implique notamment la réalisation d’un plan de gestion participatif.

16 On notera que les fonds pour la reconstruction viendront en fait de « Fonds Natura » (voir plus loin), abondé par les royalties payée par la multinationale pour l’utilisation des produits d’Iratapuru. Ainsi, l’opération n’est rien de plus qu’une avance de trésorerie, et non un don, comme l’entreprise l’a souvent laissé entendre.

17 Branche brésilienne de la multinationale allemande COGNIS, contrôlée par les fonds d’investissement Permira, Goldman & Sachs et Schoreder Ventures Life Sciences (voir www.cognis.com).

18 Commande en voie de finalisation, livraison prévue fin 2007 ou début 2008.

19 Une installation a été réalisée par la Companhia de Água e Esgoto do Amapá (CAESA) en 2000 pour fournir de l’eau à l’usine de biscuit, mais elle n’approvisionne qu’une partie des domiciles. Le système est par ailleurs partiellement hors service, ce qui rend l’eau fournie plus dangereuse que saine (Greissing et Stauffer, 2007).

20 Le rapport de certification de la société Imaflora de 2004 (FSC, 2004) mentionne ainsi que la réglementation de la RDS est de la responsabilité de l’Etat d’Amapá et qu’il y a donc un risque qu’elle varie en fonction des changements politiques de celui-ci.

21 Fondation sociale adossée au groupe ORSA, actuel propriétaire de l’entreprise Jari. La Fondation ORSA, qui dispose d’un budget annuel de 4,5 millions de réaux, a développé un vaste programme de gestion territorial dans la région du Jari.

22 Nous fournirons des éléments de réponse sur ce point dans un travail complémentaire en cours de rédaction.

23 Directement : travail dans les colocações, transport da la noix ; indirectement : transformation de la noix dans l’usine, travaux au bénéfice de la coopérative, commercialisation des noix, etc.

24 Selon nos calculs, la construction d’un bateau revient entre 1 500 et 2 000 R$, et ils peuvent être revendus après la saison pour près de 5 000 R$ à des orpailleurs, permettant la réalisation d’un important bénéfice. Comme il est impossible aux embarcations de remonter le fleuve Jari depuis Laranjal, la communauté de São Francisco se trouve en position de monopole pour tout le cours supérieur du fleuve.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Anna Greissing, Florent Kohler, François-Michel Le Tourneau et José Reinaldo Alves Picanço, « Iratapuru et la noix du Brésil : une expérience de durabilité en Amazonie brésilienne », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Environnement, Nature, Paysage, document 432, mis en ligne le 17 novembre 2008, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/20763 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.20763

Haut de page

Auteurs

Anna Greissing

Doctorante, Centre de Recherche et de Documentation sur l’Amérique Latine, CREDAL, UMR 7169 du CNRS, France

Florent Kohler

Anthropologue, maître de conférences à l’Université de Tours, membre du MASCIPO (UMR 8168), France

François-Michel Le Tourneau

Géographe, chargé de recherche au CNRS, Centre de Recherche et de Documentation sur l’Amérique Latine, CREDAL, UMR 7169, France

José Reinaldo Alves Picanço

Chercheur à l’Instituto de Pesquisas Científicas e Tecnológicas do Estado do Amapá (IEPA), Brazil

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search