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2009

Lamarre D. (dir.), 2008, Climat et risques, changements d’approches, Paris, Lavoisier, 170 p.

Les risques climatiques… enjeux pluridisciplinaires.
Daniel Peyrusaubes

Texte intégral

1Voici un ouvrage de grande qualité émanant du GDR Riclim (Groupement de recherche sur les risques liés au climat) intégré depuis 2005 au Département « Environnement, développement durable » du CNRS. Ce recueil de dix contributions s’organise en trois parties : la première axée sur les représentations du changement climatique, la deuxième sur des exemples de recherche appliquée, la troisième sur les perspectives des risques liés au changement climatique dans le contexte d’un développement durable.

2Un court texte (Coudry) ouvre habilement la première partie. L’époque antique se caractérise par deux types de réponses face aux accidents climatiques : l’une, très connue, consistant en des initiatives symboliques ou matérielles, l’autre, à l’écho plus contemporain, relevant d’actions de prévention. Le cas de Rome est analysé par deux exemples : l’organisation de l’approvisionnement en céréales et la prévention des inondations du Tibre.

3Changement d’époque avec la contribution de Favier qui parcourt les XVIIe et XVIIIe siècles. C’est la période où comprendre le climat consiste à observer et expérimenter les faits du temps sensible. Des précises observations du médecin parisien Morin entre 1665 et 1713 aux travaux de Le Hire, de Cotte ou de Duhamel, les scientifiques des Lumières s’attardent entre autres à la problématique des changements climatiques anciens. L’étude des glaciers fut particulièrement privilégiée (travaux de De Carbonnières). Mais l’idée d’une action anthropique sur le climat fait son chemin, en France et ailleurs (au Québec par exemple), et en particulier avec l’émergence du concept de l’« effet de serre » (travaux de Fourier, Tyndall, Arrhénius…).

4Ce premier temps de l’ouvrage s’achève par une analyse critique et solidement argumentée du regard des médias sur le changement climatique (Tabeaud). Ce dernier a d’abord été mis à la connaissance du public via le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’Evolution du Climat, IPCC en anglais). Mais également par une quantité impressionnante de sites électroniques, d’ouvrages divers, d’articles de revues, de films… La discussion traite du décalage observé dans le passage de l’information savante à la communication au grand public et aux décideurs, via le filtre des médias. Une attention particulière est accordée au traitement du sujet par le quotidien Le Monde. Et de dénoncer la pseudo-spécialisation de journalistes non formés à un thème aussi pluridisciplinaire et complexe par ses incertitudes que le changement climatique. Le discours général tient d’un consensus sur la responsabilité principale des émissions des gaz à effet de serre d’origine anthropique. Peu de place est accordé à un débat contradictoire et constructif, plutôt l’instauration d’un véritable manichéisme (par exemple, on ne parle jamais des effets positifs du réchauffement !).

5La deuxième partie du livre rassemble deux textes de recherche appliquée en géoclimatologie. Le premier traite de la complémentarité des données de télédétection avec les SIG (Quénol et al.) dans la spatialisation des risques climatiques en agriculture. A l’appui, trois exemples d’échelles différentes sont précisément décrits, dans leurs méthodologies et leurs résultats : l’étude de la sécheresse de 2003 dans le nord-ouest de la France à partir de l’imagerie SPOT Végétation, l’essai d’identification du rapport pluviométrie/rendement pour le soja au Mato Grosso (Brésil) à l’aide des images MODIS Terra, enfin l’analyse de l’impact du remblai de la LGV Méditerranée (Ligne à Grande Vitesse reliant Valence à Marseille) sur le risque de gel sur les cultures arboricoles de la basse vallée de la Durance. Ces trois cas montrent clairement la possibilité de développer des méthodologies géomatiques à différents niveaux scalaires, et d’élaborer une cartographie opérationnelle d’aide à la décision.

6La seconde contribution s’attache à corréler les différents types de circulations atmosphériques (classification de Hess et Brezowsky) avec les crises hydrologiques du nord-ouest de la France (Dupont et al.). Sont détaillés des événements hydrologiques d’hiver (remontée de nappes souterraines, crues de plaines), puis de printemps/été avec des exemples de crues rapides d’origine orageuse. Les effets environnementaux et sociétaux de ces accidents hydroclimatiques sont synthétisés dans un dernier temps.

7La dernière partie de l’ouvrage s’ouvre sur des perspectives, entre incertitudes et adaptations aux risques liés au changement climatique. Du droit à l’assurance, dans un contexte global de développement durable, les différentes contributions témoignent avec clarté de la pluridisciplinarité du thème de recherche. On y apprend tout l’enjeu et les difficultés afférentes à la notion d’incertitude climatique dans le droit français (Arbousset, Steinlé-Feuerbach). A ce propos, la Charte de l’environnement donne un poids constitutionnel inédit à l’incertitude via le principe de précaution ; mais la prise en compte de l’incertitude inhérente au réchauffement climatique pose question. Or, l’idée que le changement climatique est un élément premier de diagnostic du développement durable (Bourg) fait son chemin. Une difficulté majeure tient à la question majeure de comment faire du durable dans un monde si incertain (Guillaume), et où temporalités sociales et temporalités naturelles se croisent (Tabeaud). Sur une planète largement inégalitaire sur le plan économique et social, où le spectre de « l’hiver nucléaire » et du risque de surpopulation semble s’estomper, il apparaît que le meilleur cadre spatial de travail dans la gestion des risques (climatiques) soit le territoire national, celui des sociétés. Dans les pays développés, c’est à cette échelle que s’applique également tout un dispositif assurantiel construit pour lutter contre le changement climatique. L’avant-dernière contribution (Nussbaum) présente un double diagnostic de l’assurance des catastrophes naturelles : un bilan quantitatif des sommes en jeu à l’échelle planétaire et un état des couvertures d’assurance en Europe. La perspective des désordres supplémentaires induits par le changement climatique oblige à une réflexion de fond dans l’industrie de l’assurance et de la réassurrance, dans un contexte de partenariat public/privé. Enfin, l’ultime chapitre (Lamarre) invite à prendre de la hauteur avec la thématique de l’ouvrage. Les idées et réflexions autour des cinq notions suivantes : probabilités, imprécisions (espace/temps), incertitudes, bifurcations, adaptations, déroulent une sorte de remarquable synthèse sur l’état de la réflexion actuelle s’agissant des risques climatiques et du changement climatique.

8Ainsi, le contenu de ces textes est en parfaite adéquation avec le sous-titre de ce livre, Changements d’approches. Les divers auteurs (historiens, géoclimatologues, philosophes, économistes, juristes, ingénieurs…) donnent une lecture originale, novatrice et très pertinente du thème des risques liés au climat. L’avantage est ici d’avoir ces pluralités d’approches dans un même ouvrage. Et même si ces points de vue ne sont que partiellement développés pour des impératifs éditoriaux évidents, saluons cet exemple de pluridisciplinarité. A marquer d’une pierre blanche !

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Pour citer cet article

Référence électronique

Daniel Peyrusaubes, « Lamarre D. (dir.), 2008, Climat et risques, changements d’approches, Paris, Lavoisier, 170 p. », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Revue de livres, mis en ligne le 02 avril 2009, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/22149 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.22149

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