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2009
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Traduire Reclus. L’Italie écrite par Attilio Brunialti

Translating Reclus: Italy as written by Attilio Brunialti
L’Italia scritta da Attilio Brunialti
Federico Ferretti

Résumés

L’édition italienne de la Nouvelle Géographie Universelle n’est pas du tout fidèle au texte original, parce que le traducteur et directeur de la publication Attilio Brunialti, géographe, juriste, politicien du parti de Depretis, fort engagé en faveur du colonialisme italien, y ajoute deux volumes consacrés à l’Italie entièrement de sa plume, bien que toute l’œuvre reste signée du nom Eliseo Reclus. En croisant les deux textes sur l’Italie, on découvre deux visions, semblables par certains aspects, mais très différentes par beaucoup d’autres, de la géographie, de la société et de la politique de la jeune nation italienne pendant l’Âge des Empires.

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Texte intégral

Introduction : deux auteurs contrastés

1Dans l’édition en italien de la Nouvelle Géographie Universelle (1876-1894) d’Elisée Reclus publiée par Leonardo Vallardi entre 1884 et 1904, la partie consacrée à l’Italie comprend 1623 pages contre les 332 de l’édition originale. Soit deux volumes supplémentaires intitulés Nuova Geografia Universale: la terra e gli uomini (traduzione italiana con note ed appendici per cura del prof. Attilio Brunialti), vol. V, parte seconda: l’Italia (et vol. 6, parte terza).

2L’auteur indiqué est, comme pour les autres volumes, Eliseo Reclus, mais aucun élément ne permet de penser que Reclus ait pris part personnellement à leur rédaction, et déjà à première lecture il semble évident qu’il s’agit ici d’une toute autre plume : celle du directeur de l’édition italienne Attilio Brunialti.

3Ces volumes seront le principal objet du présent article, qui cherche à clarifier concordances et divergences entre l’édition italienne de la NGU et l’originale.

Élisée Reclus et l’Italie

4La place que consacre Elisée Reclus (Sainte-Foy-la-Grande, 1830 – Bruxelles, 1905) à la péninsule italienne dans son œuvre majeure n’est pas très importante, d’un point de vue quantitatif : à peine 332 pages contre le tome complet de 960 pages consacrées à la France (sans la Corse et l’Alsace-Lorraine !), les 470 pages de l’Allemagne, les 548 des Iles Britanniques, etc.

  • 1 É. Reclus, 1911, Correspondance, vol. I, Paris, Librairie Schleicher Frères, p. 37.

5Il s’agit pourtant d’un des pays que Reclus connaît le mieux dès les débuts de son travail scientifique : il l’a traversé à l’occasion de son voyage d’étude à l’Etna de 1865, il a vécu à Lugano de 1872 à 1874 et il semble, déjà en 1851 à Berlin, connaître assez bien l’italien pour en donner des cours particuliers1.

  • 2 É. Reclus, 1876, Nouvelle Géographie Universelle, vol. I, Europe Méridionale, Paris, Hachette.

6Le chapitre sur l’Italie se trouve dans le premier volume de l’édition originale Hachette de la NGU2. La péninsule italienne est la deuxième des trois presqu’îles méditerranéennes, après la presqu’île balkanique (divisée en Grèce, Turquie d’Europe, Roumanie, Serbie et Montagne Noire) et avant l’ibérique (Espagne et Portugal). Entre ces dernières, la Corse se voit dédier un chapitre à part. Il est bien connu que pour le géographe anarchiste il n’est pas important de suivre les limites politiques imposées par les frontières des états et que pour lui les limites varient selon les régions étudiées, et peuvent être physiques, linguistiques ou historiques.

7Dés la vue d’ensemble, la méthode de découpage régional mise en œuvre est claire: les régions envisagées ne correspondent pas aux régions administratives, mais sont pour la plupart organisées autour de bassins fluviaux. Le bassin du Pô comprend toute l’Italie du Nord sauf la Ligurie, appréhendée autour d’un corps liquide du nom de La rivière de Gênes. La vallée de l’Arno comprend la Toscane, et le restant de l’Italie centrale est organisé sous le titre Les Apennins de Rome, la vallée du Tibre, les Marches et les Abruzzes. La seule grande région qui n’est pas explicitement délimitée par un bassin fluvial est L’Italie méridionale, provinces napolitaines. Les deux dernières entités traitées sont les îles, La Sicile et La Sardaigne.

8Ces limites physiques ne doivent pourtant pas nous faire penser à une méthode basée simplement sur la définition de « régions naturelles », bien que ce soit ainsi que Reclus nous présente d’abord le pays. Chaque configuration physique correspond à une histoire humaine, qui est différente des autres, ce qui se traduit dans des particularités linguistiques, ethniques, politiques, sociales.

  • 3 Ibid., p. 299.

La péninsule italienne est une des contrées les plus nettement délimitées par la nature (…). Ainsi que les deux autres presqu’îles du midi de l’Europe, la Grèce et l’Espagne, l’Italie était donc un petit monde à part, destiné par sa forme même à devenir théâtre d’une évolution spéciale de l’humanité3.

9Dans le cas de l’Italie la première particularité qui frappe n’est pas la division mais l’évidente unité de ses parties, d’autant plus étonnante, pour Reclus, que pendant des siècles cette unité n’a pas correspondu à la situation politique, l’unité ne s’étant réalisée qu’une quinzaine d’années avant la première édition de la NGU.

10Reclus avait chaudement appuyé l’idée de l’unité italienne, même s’il n’a jamais aimé les rois de Savoie; en 1860 il s’était moqué de Victor Emmanuel II pendant sa visite à Nice :

  • 4 É. Reclus, 1925, Correspondance, vol. III, Paris, Alfred Costes, pp. 21-22.

Avec sa figure de gros pilier de café provençal, son chapeau à la Garibaldi tout bosselé, son mauvais paletot gris, il n’a aucunement l’air de viser au majestueux (…) L’homme n’est pas grand chose, mais les Italiens en ont fait un principe. Par esprit de corps révolutionnaire, j’ai fait comme eux4.

11Les pages de la Nouvelle Géographie Universelle consacrées à l’Italie traitent de plusieurs exemples de problèmes économiques et sociaux de la nouvelle nation italienne unifiée. Des problèmes que, comme nous allons le démontrer, on ne pouvait pas poser en italien dans les mêmes termes.

  • 5 E. Casti, 2007, « Le derive italiane del pensiero di Elisée Reclus: Arcangelo Ghisleri e il ruolo s (...)

12Pendant les années où il écrit la NGU, Reclus est déjà bien connu en Italie, non seulement chez les géographes et les scientifiques, mais aussi chez les militants du mouvement ouvrier, socialiste et anarchiste, et plus encore en général chez les progressistes et les libres-penseurs. Une importante figure de la géographie et de la pensée sociale telle qu’Arcangelo Ghisleri, républicain fédéraliste, anticlérical, auteur d’atlas et de manuels scolaires de géographie, fait explicitement référence à Reclus comme son maître5.

13Pourtant, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, la géographie italienne en général se consacre aux aspects physiques, à la statistique et à la cartographie plutôt qu’aux questions sociales qu’envisage Reclus, et du côté de la géographie « humaine » on regarde surtout les auteurs allemands tels que Friedrich Ratzel.

  • 6 E. Dell’Agnese, E. Squarcina, 2005, « Il Brennero, da -confine naturale- a -cuore dell’Europa- », i (...)

14De ce dernier, les géographes italiens retiennent surtout des concepts permettant de renforcer le nouvel État national. Ils affirment notamment la « naturalité » de l’expansion italienne sur les côtes méridionales et orientales de la Méditerranée, et de l’établissement de la frontière alpine sur la ligne de faîte du Brenner6.

  • 7 L. Gambi, 1991, Geografia ed imperialismo in Italia, Bologna, Patron.

15Le milieu qui gravite autour de la Società Geografica italiana de Rome, et de la Società di Studi Geografici de Florence, est fortement imprégné d’un esprit nationaliste qui, pendant les décennies suivantes, devient de plus en plus colonialiste et militariste. Ceci explique, comme l’a démontré Lucio Gambi7, l’adhésion enthousiaste et presque unanime des géographes italiens au fascisme quelques décennies plus tard.

Attilio Brunialti: progrès et nationalisme

16L’édition intégrale en italien de la NGU est due aux soins de Attilio Brunialti (Vicence 1849 - Rome 1920). Elle est publiée de 1884 à 1904 en un nombre supérieur de volumes par rapport à celui de l’édition originale : 21 au lieu de 19.

  • 8 M. Carazzi, 1972, La società Geografica Italiana e l’esplorazione coloniale in Africa (1867-1920), (...)

17Brunialti n’est pas principalement un géographe, bien qu’il fasse partie de la Società Geografica Italiana depuis 1872 et dirige son « Bollettino » entre 1872 et 1877, ainsi que la publication colonialiste « Giornale delle Colonie ». Il est considéré, à l’intérieur de cette institution, comme le défenseur le plus résolu de l’idée « africaniste », particulièrement dans sa première période d’activité, alors que bien des géographes restent plus prudents. Brunialti, en revanche, mène « tra il 1883 e il 1885 una vera campagna di stampa in favore dell’espansione coloniale italiana8. »

  • 9 G. D’Amelio, « Attilio Brunialti », in Dizionario Biografico degli Italiani, ad nomen.

18Personnage éclectique, connu surtout comme juriste et politicien, il est longtemps député de la « gauche historique » (ou « libérale ») de Agostino Depretis, Francesco Crispi et Giovanni Giolitti, qui gouverne l’Italie depuis 1876 en se substituant à la « droite historique » de Camillo Cavour, Quintino Sella et Marco Minghetti. Il est aussi le secrétaire personnel de Depretis lorsque celui-ci est Premier ministre9.

19Considéré comme proche de Francesco Crispi, Brunialti lui reproche cependant les défaites coloniales, qu’il considère comme le fruit d’une politique incapable de porter l’Italie au rang des autres puissances européennes.

  • 10 P.C. Masini, 1969, Storia degli anarchici italiani da Bakunin a Malatesta, Milano, Rizzoli.

20Il s’agit donc d’une figure politiquement très éloignée de Reclus, savant exilé en tant que communard et anarchiste, qui aurait reproché à Crispi bien d’autres choses, telle que la répression sanglante des émeutes populaires des années 189010.

  • 11 Vicenza – Biblioteca Civica Bertoliana, Sala dei Manoscritti, Carte Brunialti, ff. 73-74, Armonie e (...)
  • 12 Ibid., p. 29. « Avant tout nous devons contrer l’idée de la grève universelle, l’idée anarchiste. »

21Plus encore que dans ses écrits, les positions antisocialistes de Brunialti se reflètent très clairement dans les textes des nombreuses conférences qu’il donne régulièrement dans plusieurs villes d’Italie. Le 7 avril 1907 à Florence, devant une réunion organisée par l’association paternaliste Lega del lavoro, composée de nombreux ouvriers et représentants des associations monarchiques, il précise que « noi lasciamo l’anarchismo e lasciamo altresì tutte le forme di socialismo cozzanti fra loro in miserabili gare, le quali vanno oltre il desiderio degli stessi avversari11. » Enfin il ajoute « più di ogni cosa noi dobbiamo contrastare l’idea dello sciopero universale, l’idea anarchica12. »

  • 13 I. Porciani, 1986, « Attilio Brunialti e la “Biblioteca di Scienze politiche”: per una ricerca su i (...)

22Mais il développe aussi un travail intellectuel que l’on considère aujourd’hui très « progressiste » : depuis 1884, tout en collaborant à plusieurs revues universitaires, juridiques et pédagogiques, Brunialti dirige la Biblioteca di Scienze Politiche des éditions Vallardi, qui contribue beaucoup à la pénétration des sciences politiques et internationales à l’intérieur d’une nation jeune, encore en train d’organiser ses institutions et ses universités13.

23Dès les premières années où sortent les volumes de la NGU, débutent aussi des travaux de traduction de l’œuvre, non seulement en italien, mais aussi en espagnol, en anglais et en russe.

24Le tirage commence à Naples chez Vallardi puis, en 1887, il se déplace à Milan où, à partir de 1896, les publications se poursuivent sous le nom de Società Editrice Libraria. Dans l’édition due à Brunialti, on observe tout d’abord un décalage dans la disposition chronologique des matières: le premier volume, de 1884, porte le titre de Introduzione generale : Europa centrale, Svizzera, Austria-Ungheria, Germania. Soit des pays traités dans le troisième volume de l’édition Hachette.

25Dans les ouvrages suivants, les péninsules méditerranéennes sont déplacées au volume 5, dont elles ne constituent que le premier tome. Les deuxième et troisième tomes de ce volume, consacrés à l’Italie, sortent seulement entre 1902 et 1904 : ce sont les volumes tirés avec le plus grand décalage chronologique par rapport à l’édition originale. Ce sont en outre des parties supplémentaires qui constituent les tomes 21 et 22 de la NGU italienne. Rappelons aussi qu’ils paraissent quelques années seulement avant la mort de Reclus.

Une nouvelle iconographie

  • 14 D. Mendibil, 2000, « P. Vidal de la Blache, le dresseur d’images. Essai sur l’iconographie de la Fr (...)
  • 15 D. Mendibil, 2008, « Dispositif, format, posture: une méthode d’analyse de l’iconographie géographi (...)

26Commençons par analyser l’iconographie, qui constitue, comme l’ont indiqué d’autres études, un élément non secondaire de la stratégie de communication reclusienne et, plus généralement, de la géographie de cette époque, au cours de laquelle on commence à tirer des livres illustrés de géographie en grands nombres14. Ceux-ci forment en effet des « systèmes iconographiques », expression par laquelle on désigne « une manière particulière, durable et devenue cohérente par l’usage (…) de faire la série des choix contribuant à la production et à la diffusion des images mobilisées par une discipline scientifique dans l’exercice de sa fonction sociale15. »

27Les 332 pages sur l’Italie de l’édition Hachette contenaient 71 cartes, 2 planches en couleurs et 24 gravures, tandis que les deux tomes correspondants en italien contiennent 204 cartes, 3 planches et 223 photos et dessins. Pour les gravures et photos il n’y a pas de correspondance avec la première édition, parce que la Società Editrice Libraria préfère recourir à des sources nationales, telles que le service cartographique national pour les planches, et l’établissement photographique florentin Alinari pour les images. Cependant, parmi les planches en couleurs, sont reproduites aussi les deux planches originales, et on reprend une partie des cartes de l’édition Hachette, bien qu’en les modifiant quelquefois par la traduction des toponymes et la mise à jour de quelques parties des tracés.

  • 16 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 325.
  • 17 Ibid., p. 337.
  • 18 Ibid., p. 416.
  • 19 Ibid., p. 504.

28On n’est pas surpris de constater que les cartes reproduites ici sont pour la plupart physiques: profils altimétriques et hydrographiques, croquis d’histoire morphologique comme les Anciens lacs du Verbano16 ou l’admirable esquisse géologique des Champs de pierres de la Zelline et de la Meduna.17 On ne retrouve plus, dans l’édition italienne, les cartes traitant des questions sociales dans le nouveau royaume italien, telles que les Régions de la malaria18, et l’Instruction comparée des provinces de l’Italie.19

  • 20 Ibid., p. 612.
  • 21 Ibid., p. 617.

29De la même manière, disparaissent beaucoup des cartes qu’on pourrait aujourd’hui considérer comme « thématiques », traitant de l’économie et de l’état de la modernisation du pays, notamment la Navigation comparée des ports d’Italie20, et les Voies de communication de l’Italie21.

30Certes, on pourrait justifier de tels choix par l’inactualité de cartes qui sont déjà vieilles de presqu’une trentaine d’années, mais dans l’édition italienne on ne se préoccupe pas de les mettre à jour et on se limite à ajouter de nombreuses cartes de villes et départements, souvent produites par les nouveaux instituts cartographiques nationaux, notamment l’Istituto Geografico Militare et l’Istituto Idrografico della Marina, que l’état unitaire avait organisé dans les précédentes décennies. De toute façon, Brunialti ne rend jamais compte de tels choix, ni des critères suivis pour le découpage des régions.

  • 22 Ibid., p. 360.

31Déjà en observant les changements dans l’iconographie de l’œuvre, on envisage un point central : l’exclusion d’une carte titrée Communes germaniques22 s’explique, paradoxalement, avec des adjonctions, notamment celle des cartes du Trentin, de la Vénétie Julienne, de l’Istrie et de Trieste, et des paragraphes qui s’y rapportent. En effet, si l’on analyse la table des matières, on peut constater que cette Italie comprend toutes les régions qui font encore partie de l’Empire Autrichien et qui sont revendiquées par les italiens.

32Il s’agit donc d’une œuvre géographique sur l’Italie se présentant ouvertement nationaliste, tandis que Reclus était internationaliste, favorable au mélange universel des peuples et assez sensible à l’existence de minorités linguistiques dans les petits villages allemands des Alpes Italiennes.

De nouvelles limites

33Tous ces territoires, tout comme le Canton Ticino (Suisse italienne), que Brunialti inclut dans les régions d’Italie, figurent dans la NGU de Reclus dans le troisième volume consacré à l’Europe Centrale.

  • 23 S. Alavoine-Muller, 2005, « Élisée Reclus face aux contraintes éditoriales de la maison Hachette »,(...)

34Cela n’indique pas des prises de position anti-italiennes de Reclus, mais simplement la même indépendance à l’égard des frontières nationales, là où elles font l’objet de revendications, qui le porte à placer aussi dans le troisième volume de l’édition originale l’Alsace-Lorraine, ce dont il se justifie devant son éditeur en arguant du « manque de place » dans le volume sur la France23.

Tab. 1 : Terres politiquement hors de l’Italie que les deux éditions annexent à le Péninsule.

35La Vénétie Julienne est rattachée à la rivière dalmate dans le cadre d’un discours historico-physique sur l’Adriatique. Mais si Reclus, dont on a déjà envisagé les sympathies pour le Risorgimento, est sensible aux minorités allemandes, il l’est aussi à la situation des Juliens.

  • 24 É. Reclus, 1878, Nouvelle Géographie Universelle, vol. III, Europe Centrale, Paris, Hachette, p. 21 (...)

Le bassin de l’Isonzo, la péninsule de l’Istrie, le littoral dalmate et ses îles font partie de l’empire austro-hongrois, mais en dépit des versants et de l’ethnologie. Dans ces régions tournées vers l’Adriatique et séparées des campagnes du nord par le multiple rempart des Alpes, l’Allemand, le Magyar ne sont que des étrangers, et pourtant ce sont eux qui commandent aux bords du golfe de Quarnaro24

36Mais alors que les choix reclusiens suivent d’abord des critères scientifiques, la géographie de Brunialti est d’abord nationaliste lorsqu’il mélange la chorographie de la haute vallée de l’Isonzo (en ce temps-là autrichienne et aujourd’hui slovène) avec l’épopée des martyres nationaux.

  • 25 É. Reclus, 1902, Nuova geografia Universale : la terra e gli uomini (traduzione italiana con note e (...)

Idria, sul fiume omonimo affluente dell’Isonzo, ha ricchissime miniere di mercurio; Gradisca, antica fortezza, chiuse nel suo castello, ridotto a prigione di Stato, Federico Confalonieri e tanti altri dei nostri25.

37Dans la même région, il est intéressant de noter le lieu où il fait terminer son « Italie géographique »: la ville de Fiume, qui marquera la limite des revendications territoriales italiennes au lendemain de la Grande Guerre.

  • 26 Ibid., p. 423. « La dernière ville de l’Italie géographique est Pola, avec le grand arsenal militai (...)

L’ultima città dell’Italia geografica è Pola, col grande arsenale militare austriaco e il celebre anfiteatro; questo solo mostra l’importanza che, già greca, aveva al tempo dei Romani; anche Fiume, che si trova sulle soglie d’Italia, sebbene politicamente ungherese, è tutta italiana come altre di quel litorale26.

  • 27 Ibid., p. 414. « On a vu que dans la Vénétie, plus qu’ailleurs, on trouve au delà de la limite poli (...)

38Dans la version de Brunialti il n’y a pas lieu de discuter sur le critère qui pourrait défini l’italianité d’une contrée : elle est donnée d’emblée, et sous le prétexte de la « description » la géographie donne des papiers d’identité, comme l’auteur l’avait déjà bien exposé dans l’avant-propos de cette partie du volume. « Si è notato che nel Veneto, più che altrove, si trovano oltre il confine politico città e terre italiane delle quali ci rimane ora a dare una breve descrizione27 ».

  • 28 Ibid., p. 415. « Sur chaque fenêtre des vases de fleurs, derrière lesquels les noires pupilles ital (...)

39Cette description nous donne aussi les genres du sujet et de l’objet de cette géographie. « Su ogni finestra vasi di fiori, dietro i quali mandano lampi le nere pupille italiane delle belle trentine: si direbbe, come Arrigo Heine, che tutta la città vi guarda co’ suoi grandi occhi italiani28. » Donc, si les terres « irrédentes » sont femelles, on peut raisonnablement supposer que l’héroïque patriote qui va les libérer ne peut être que mâle.

40L’irrédentisme italien, auquel évidemment Brunialti adhère avec enthousiasme, est défini en 1877 par Matteo Renato Imbriani et s’applique à la revendication des terres, telles que le Trentin et la Vénétie Julienne, habitées par des peuples de langue italienne mais encore soumis, après la troisième guerre d’indépendance de 1866, à l’Empire autrichien. Dans la Péninsule, l’épopée des martyres du mouvement irrédentiste, tel que le triestin Guglielmo Oberdan, exécuté en 1882, a toujours suscité une forte émotion pendant toute la période de l’« Italie libérale » (1861-1922).

41Comparons maintenant les deux textes, en suivant l’ordre des tables des matières (du nord au sud de la presqu’île), afin de signaler les principales différences et similitudes concernant le découpage des régions et pays de la péninsule italienne.

Un découpage et une description différents de la péninsule

Les options

42On observe d’abord des choix très différents dans le Nord du pays. D’un côté, Reclus propose une vision d’ensemble de la vallée du Pô, à laquelle il consacre un seul chapitre, en suivant l’idée de l’unité historique, physique et humaine du bassin hydrographique, qui lui vient de l’enseignement de Carl Ritter.

43De l’autre côté, Brunialti sépare ce bassin en des régions qui correspondent au Piémont, à la Lombardie, à la région vénitienne, à « L’Émilie et les Romagnes », en plus des paragraphes consacrés, comme on l’a dit ci-dessus, aux terres « irrédentes ».

44Dans la partie centrale et méridionale de la nation la correspondance est plus forte entre les deux régionalisations, avec des régions telles que la Ligurie, « Rivière de Gênes », ou la Toscane, « Vallée de l’Arno ». Mais en fait, dans les volumes de Brunialti, tous les découpages suivent les limites des régions administratives, détachant par exemple le groupe Marches-Abruzzes de la partie tyrrhénienne de l’Apennin central, ou bien le groupe Calabre-Apulie-Basilicate du reste des « Provinces napolitaines ».

Tab. 2 : Le découpage régional dans les deux ouvrages.

45Dans l’introduction de Brunialti l’identité de la nouvelle nation est présentée comme une victoire dans le long défi historique qui a commencé avec la guerre des Communes italiennes contre le double joug du Pape et de l’Empire. Cette dernière idée est partagée par Reclus, de même que la suivante, à savoir l’existence d’une relation forte entre milieu physique et histoire humaine.

  • 29 Ibid., p. 15. « On a rappelé ces événements historiques parce qu’ils trouvent d’admirables correspo (...)

Queste vicende storiche abbiamo ricordate perché esse trovano mirabile corrispondenza nella costituzione fisica e topografiche del nostro paese, sì che di nessun altro può dirsi con maggiore verità che la storia e la geografia a vicenda si spiegano, e l’una non avrebbe potuto essere senza l’altra29.

  • 30 Ibid., p. 19.

46Brunialti traduit aussi les passages où Reclus envisage la Rome ancienne comme le centre des trois cercles concentriques du Latium, puis de l’Italie, puis de la Méditerranée, c’est-à-dire de son Empire, en reproduisant la carte correspondante30. Il traduit aussi l’idée que cet empire, qui fut le premier à établir des frontières continues, est entré en crise au contact avec des peuplades qui n’avaient pas de frontières.

47Puis Brunialti se plaint de la pauvreté des travaux géographiques sur l’Italie, en faisant référence aux mêmes sources principales de Reclus, notamment Ritter et Strabon. Reclus, dans ses 332 pages sur l’Italie, fait référence directe au moins une dizaine de fois à ce dernier auteur.

  • 31 Ibid., p. 29. « Strabon, de telle sorte que Carl Ritter pouvait écrire que aucun Géographe moderne, (...)

48Effectivement, pour Brunialti, la description la plus complète de l’Antiquité nous est donné par « Strabone, tale che Carlo Ritter poteva scrivere che ancora nessun geografo moderno, nella sua descrizione d’Italia, ha mai raggiunto la grandiosa immagine che egli offre della penisola31 ». Par ailleurs, Brunialti cite Reclus comme s’il s’agissait d’un autre auteur (rappelons que le volume reste signé du nom Eliseo Reclus).

  • 32 Ibid., p. 32. « Le dix-neuvième siècle contribua aussi grandement à la connaissance géographique de (...)

Il secolo decimonono porse anche larghissimo contributo alla conoscenza geografica dell’Italia, ed una bibliografia di tutte le opere e le monografie pubblicate su di esse o su singoli luoghi o fatti attinenti alla geografia occuperebbe un volume uguale a quello che noi destiniamo a descriverla. I nomi di Carlo Cattaneo, di Cesare Cantù, di Alberto Lamarmora, di Cesare Correnti, del Marmocchi, del Balbi, dello Zuccagni-Orlandini, dell’Amati, del Marinelli, e tra gli stranieri, oltre ad É. Reclus, quelli del Daniel, del Nissen, del Deecke, del Fischer32.

Carte 1 : L’Italie dans la Nouvelle Géographie Universelle.

Carte 1 : L’Italie dans la Nouvelle Géographie Universelle.

Carte 2 : L’Italie dans la Nuova Geografia Universale.

Carte 2 : L’Italie dans la Nuova Geografia Universale.

Le Nord et le Centre

49En lisant les premières pages où Brunialti aborde les régions septentrionales, en partant du Piémont, il est évident que sa démarche sépare avec plus de rigidité, à l’intérieur de chaque chapitre, les parties « physiques » et les parties « humaines ».

50Mais si, d’un côté, Brunialti écrit lui-même ces 1623 pages, de l’autre côté il est vrai qu’il tient toujours compte de l’œuvre reclusienne, et périodiquement on retrouve des paragraphes qui ne sont rien d’autre que des traductions directes. Par exemple, lorsqu’il développe l’idée d’une origine naturelle de l’asymétrie linguistique entre les deux côtés des Alpes, due à la complexité de leur orographie, qui a permis l’instauration de beaucoup d’enclaves linguistiques dans les massifs méridionaux.

  • 33 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 312.

C’est dans l’architecture même des Alpes qu’il faut chercher la cause de la prépondérance ethnologique échue aux populations d’origine gauloise et allemande. Hors de l’enceinte des Alpes, l’Italien ne se parle que sur des points isolés, tandis que les éléments français et germanique sont très fortement représentés sur le versant intérieur33.

51Mais si, à propos de ces questions, Reclus se borne à constater la présence de plusieurs langues, ethnies et minorités religieuses, Brunialti prend position politiquement. Par exemple il sympathise (comme Reclus) pour les institutions des Vaudois (alliés de la maison de Savoie), mais traite très diversement les minorités allemandes et slaves des montagnes du pays vénitien. Si l’on avait là réussi à limiter l’influence allemande à peu de communes,

  • 34 É. Reclus, 1902, op. cit., p. 347. « Dans le Frioul et dans l’Istrie on a combattu et on mène encor (...)

nel Friuli e nell’Istria ben più ardua guerra si è combattuta e si combatte contro le genti slave, che riuscirono a far prevalere la loro lingua nel distretto di San Pietro, nella parte montuosa di quelli di Cividale e Tarcento, nel comune di Resia, nelle campagne e in piccola parte nelle città dell’Istria34.

52Brunialti prend chez Reclus tout ce qui concerne l’histoire géologique, par exemple la genèse des lacs des Alpes. De même, l’essentiel de la discussion sur le cours du Pô, qui perd ici pourtant son rôle de centre géographique de la région septentrionale, est une simple traduction. Brunialti est aussi contraint à opérer des choix « arbitraires », comme celui d’associer le delta du Pô à la région vénitienne, donc à le séparer des « pays » de Ferrare et Comacchio, dont l’histoire et l’économie sont au contraire rattachées au fleuve et à son delta. Reclus n’a pas un tel problème, parce que chez lui c’est le delta même qui forme le pays, qui se rattache par le caractère de son milieu physique à l’histoire et aux activités humaines des lagunes environnantes.

53Par ailleurs, Brunialti s’arrête, plus que Reclus, à de longues descriptions de groupes de montagnes, lacs et fleuves. Beaucoup plus de place est accordée aux villes, mais en raison de la place occupée par la description des monuments, beautés et particularités historiques, tandis que Reclus se concentre davantage sur les enjeux territoriaux et stratégiques de chaque ville, en partant de son histoire et de sa position géographique.

54Chez Brunialti, la vision d’ensemble de la structure et du rôle que peuvent jouer les voies de communication, notamment les voies ferrées, disparaît presque. Par exemple, tout le monde s’accorde sur le fait que l’importance de Turin provient de sa position centrale entre les voies de transit de la haute vallée du Pô, et Reclus, qui consacre à la cité des rois de Savoie une demi page, observe que 

  • 35 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 375.

on sait bien combien le mouvement des échanges s’est accru au profit de cette ville, surtout depuis qu’elle est débarrassée du périlleux honneur d’être capitale du royaume ; le vide laissé par la cour et les hautes administrations a été comblé, et au-delà, par les immigrants qu’y ont amenés les chemins de fer35.

55On ne trouve rien de cela en revanche dans les presque dix pages que Brunialti consacre à la même ville. Rappelons aussi la vision typiquement reclusienne d’une immigration bienfaisante, liée au progrès scientifique et industriel, moteur de la fraternité entre les différents peuples. Mais lorsqu’il n’y a pas de soupçons d’irrévérence envers la monarchie savoyarde, l’Italien n’a pas de problèmes à traduire littéralement certaines parties des récits urbains de Reclus.

  • 36 É. Reclus, 1902, op. cit., pp. 365-366 « Après que la vapeur se substitua graduellement à la voile (...)

Dopo che il vapore andò grado a grado sostituendosi alla vela (…) il movimento delle navi corrisponde press’a poco alla metà di quello del porto di Genova. La fabbricazione degli specchi, dei merletti, dei mosaici, dei mobili, ed altre industrie rinvigoriscono di nuova vita Venezia e le vicine città delle lagune, migliaia di operai sono occupati nella fabbricazione dei vetri smaltati e di quelle concerie multicolori, che si mandano in tutte le parti del mondo36.

  • 37 F. Ferretti, 2007, La città e la strada. Bologna e la via Emilia nelle Geografie Universali (1810-1 (...)

56Brunialti accorde une attention moindre à la relation ville-route le long de la voie Emilienne, tandis que Reclus a été l’un des premiers à avoir l’intuition de son importance ; il ne fait pas non plus référence à Reclus à propos du rôle historique et stratégique de la position de villes telles que Bologne et Rimini dans la croissance de la structure régionale37.

  • 38 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 375.

57Comme on l’a vu, c’est sur le découpage de régions telles que la Ligurie et la Toscane que les deux œuvres se rapprochent le plus. Là, le discours reclusien se concentre plus sur le rôle historique et sur les perspectives économiques du port de Gênes, tandis que Brunialti décrit plus prolixement les deux « rivières » de Levante et de Ponente, mais sans la capacité de synthèse avec laquelle Reclus nous en donne, en peu de lignes, l’idée d’une région dont l’histoire toute tournée vers la mer a été presque décidée par sa nature, avec un port qui, en contrepoint avec Venise, permet à la plaine du Pô de « commander deux mers38 ».

58Reclus s’étend davantage sur la campagne toscane, dont il souligne l’importance des vestiges historiques, en partant du peuplement étrusque. Mais il évoque aussi des problèmes d’actualité, comme le fait à sa suite Brunialti : la malaria dans les vastes plaines marécageuses du littoral, et quelquefois de l’intérieur, et les projets de bonification.

  • 39 M. Nettlau, 1928, Bakunin e l’Internazionale in Italia, Ginevra, Edizione del Risveglio, p. 44.
  • 40 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 425.

59Les deux auteurs soulignent le rôle économique joué par la mer, notamment avec la pêche dans la lagune d’Orbetello. En outre, Reclus est fasciné par la ville de Florence, qu’il connaît assez bien, parce que pendant son voyage à l’Etna de 1865 il y a séjourné quelques jours pour y organiser avec Bakounine la « Fraternité Internationale39 ». Mais il s’intéresse surtout ici à l’histoire de la deuxième capitale d’Italie ; bien sûr à ses gloires scientifiques en tant que berceau de la Renaissance et de la langue italienne, mais aussi à son importance pendant le Moyen Age des Communes, c’est-à-dire aux « beaux temps de la liberté républicaine40 ». Dans l’avenir il est convaincu, comme Brunialti, que l’importance du chef-lieu toscan sera toujours plus dépendante de ses monuments et de ses activités culturelles que de l’industrie moderne.

60Si le reste de l’Italie centrale est structuré dans le discours de Reclus autour des deux axes principaux de l’Apennin et de la vallée du Tibre, Brunialti sépare Rome et le Latium des autres pays, et leur accorde ensuite une place prépondérante dans son deuxième volume.

61Les deux auteurs appréhendent Rome en tant que centre du mouvement historique, et reprennent la métaphore physiologique, typiquement strabonienne et ritterienne, de la Place du Forum comme un cerveau dont partaient, et auquel retournaient, les impulsions données aux membres, même les plus éloignés, de l’ancien Empire.

  • 41 Ibid., p. 465.

62Pour Reclus il y a un nouveau mouvement qui s’inscrit dans les tours et détours de l’histoire. Il note la grandeur passée. « Rome est plus grande par ses souvenirs que par son présent, plus attachante par ses ruines que par ses édifices modernes ; elle est encore plus un tombeau qu’une cité vivante. »41 Mais de l’autre coté, en observant le déclin des voies romaines qui rayonnaient jadis à partir de la capitale de l’Empire, il remarque le nouveau mouvement de retour.

  • 42 Ibid., p. 471.

La forme même du réseau montre que le mouvement, loin de se produire, comme dans les autres pays d’Europe, du centre vers la circonférence, s’est accompli en sens inverse : c’est de Florence, de Bologne, de Naples, que l’Italie a marché à la reconquête de Rome.42

63Tandis que Brunialti se borne à déclarer que

  • 43 É. Reclus, 1904, Nuova Geografia Universale : la terra e gli uomini, vol. V, parte terza: l’Italia, (...)

dopo che il 20 settembre 1870 Roma fu unita all’Italia e ne diventò la capitale, essa ha avuto certamente un notevole sviluppo; nondimeno rimane assai più grande per le sue rovine e per le sue memorie, che per gli edifici moderni43.

64Ensuite il décrit surtout les monuments de la « Ville éternelle », en limitant le discours politique à la constatation que, si le pouvoir matériel des Papes est terminé, en revanche leur pouvoir « moral » se serait accru. Pour un politicien de l’ « Italie libérale » Rome est la ville la plus importante parce qu’elle a été unie la dernière à la nation (1870) et parce qu’elle est encore revendiquée par l’Église. Mais le choix de séparer la description énumérative des affirmations politiques fait perdre à Brunialti beaucoup des enjeux territoriaux qu’envisage Reclus à propos des mouvements historico-géographiques dans l’Italie centrale.

65L’édition italienne coupe aussi quelques unes des considérations du géographe anarchiste à propos de divers problèmes: le déboisement, l’équilibre hydrologique et la conservation de la nature, notamment à propos des montagnes des Abruzzes, que Brunialti se borne à décrire en termes de folklore et de « beaux paysages ».

Le Sud et les îles

  • 44 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 505.

66À propos du Sud de l’Italie, Reclus signale quelques-uns des plus brûlants problèmes de la nouvelle nation italienne, tels que le retard culturel du peuple et son fanatisme religieux, et la farouche guerre menée par l’État piémontais contre le brigandage, phénomène que pourtant « les chasses à l’homme organisées tant de fois n’ont pu (…) faire disparaître44. »

  • 45 Ibid., p. 505.

67Si Brunialti partage l’idée que ce « n’est point la vengeance, comme en Sardaigne et en Corse, qui met les armes aux mains des paysans calabrais, c’est presque toujours la misère 45 » il en rend responsable principalement le précédent gouvernement des Bourbons.

  • 46 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 415. « Un gouvernement guidé par le despotisme le plus insensé, farou (...)

Un governo ispirato al dispotismo più insano, feroce e codardo; un dispotismo che non aveva mai alcunché di forte e di grandioso, rimanendo volgare e plebeo sempre ; uomini inetti e venali a capo delle amministrazioni, una polizia di ribaldi e di camorristi46.

68Une idée qui ne peut pas être partagée par Reclus, pour lequel la Maison de Savoie ne vaut guère mieux que les Bourbons. Il voit dans les drames de la situation politico-sociale du Sud de l’Italie de l’après unification de 1861 l’envers de la médaille de l’unification même, avec des accents qu’en Italie des historiens « méridionalistes » tels que Salvemini et Gramsci, n’auront le courage de prendre ouvertement qu’en plein XXe siècle.

69C’est le cas de la description reclusienne de la mafia, coupée par Brunialti, où le géographe anarchiste affirme que si la mafia existait déjà peut-être au Moyen Age, avec les Italiens la situation en Sicile a empiré.

  • 47 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 547.

La situation s’est empirée depuis vingt ans, par suite de l’aggravation des impôts, de la misère, de la levée des conscrits, et de tous les brusques changements qu’amène avec lui un nouveau régime politique ; le peuple, habitué à la routine des anciens abus, n’a pas eu le temps de s’accoutumer au fardeau plus récent dont l’a chargé l’annexion au royaume d’Italie47.

  • 48 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 506. « Un moindre dommage nous vient du fait que la Corse appartient (...)

70Il faut souligner que dans les derniers chapitres, consacrés aux îles dont les frontières maritimes sont bien délimitées, on revient paradoxalement au problème des frontières de l’Italie, avec les questions de Malte et de la Corse. Brunialti le fait explicitement, car selon lui il y a lieu de craindre une domination étrangère sur la Sardaigne ou sur la Sicile, comme constante menace (aujourd’hui on dirait “géopolitique”) contre l’état italien, tandis que « men danno ci deriva dal fatto che la Corsica dal 1768 appartiene alla Francia, e Malta, da cui si domina meglio la gran via dei commerci marittimi, è inglese48. »

71Mais il revendique l’italianité fondamentale de ces îles, et il utilise Reclus, auquel il fait référence ici bien davantage que sur tant d’autres questions, pour lui faire dire des choses que sans doute il a écrites, mais que Brunialti interprète selon son point de vue nationaliste.

  • 49 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 575.

72D’abord, Reclus et Brunialti sont parfaitement d’accord sur le positionnement géologique et historique de Malte parmi les îles mineures de la Sicile, et l’Italien ne fait que traduire l’avant-propos suivant : « Quoique appartenant politiquement à la Grande-Bretagne, l’archipel de Malte fait incontestablement partie du monde italien, puisqu’il se trouve sur le même piédestal de bas-fonds que la Sicile49. »

73Rappelons ici que, si Reclus est fort ennemi des frontières politiques prétendues « naturelles », il ne nie pas l’existence, en un sens très large, de « limites naturelles » : ce que proscrit le géographe anarchiste est précisément qu’une frontière politique puisse fonder sa légitimité sur de telles considérations.

74Notons aussi que si Reclus consacre à la Corse un chapitre à part, le IXe, de son volume premier, en la comprenant dans son récit du bassin de la Méditerranée, et en détachant ainsi un autre morceau de la France du volume correspondant, Brunialti fait, avec l’île de Pasquale Paoli, toute autre chose. La Corse est entièrement traitée dans le chapitre consacré à la Sardaigne, comme un prolongement de la plus grande île méridionale.

  • 50 Ibid., p. 581.

75Mais on pourrait aussi dire qu’il n’a rien fait de plus que de prendre au pied de la lettre l’enseignement de son maître, puisque Reclus est le premier à écrire, au début de son texte sur la Sardaigne : « Au point de vue géologique, la Corse et une partie considérable de la Sardaigne sont une même terre50. » Il est encore plus explicite en parlant de la Corse même.

  • 51 Ibid., p. 631.

L’île de Corse (…) constitue, avec la terre plus considérable de la Sardaigne, un groupe parfaitement distinct (…) mais des deux terres jumelles, c’est précisément la Corse, française aujourd’hui, qui est la plus italienne par la position géographique aussi bien que par les traditions de l’histoire. A la simple vue de la carte, il apparaît avec évidence que la Corse dépend naturellement de la péninsule italienne ; tandis qu’elle est séparée des côtes de la Provence par des abîmes maritimes de plus de 1.000 mètres de profondeur, elle tient aux rivages plus rapprochés de la Toscane par un plateau sous-marin, un seuil de hauts fonds parsemé d’îles51.

76Et en effet, ce chapitre n’est qu’une traduction presque intégrale du texte reclusien. On peut soupçonner que Brunialti fait ici appel à l’autorité du même Reclus pour adjoindre un autre morceau à son tableau de l’Italie. Tout cela sans le dire, puisque le texte ne fait aucune allusion à des revendications territoriales italiennes, que personne ne faisait à l’époque sur la Corse.

77Mais il ne faut pas oublier que la France n’était pas encore l’alliée de la Grande Guerre, et que peu de décennies après, en s’embarquant dans la malheureuse aventure de la Deuxième Guerre mondiale, le fascisme italien ne fera pas mystère de ses vues expansionnistes sur les îles de la Méditerranée occidentale, notamment la Corse et les Baléares.

État de la nation : deux visions semblables?

78Les derniers chapitres Statistica generale et Il Governo e l’amministrazione sont des annexes où Brunialti donne sa vision de la situation sociale et politique de l’Italie au début du XXe siècle.

79Une partie des questions avaient déjà été traitées par le géographe anarchiste, telles que la croissante émigration italienne vers l’étranger, et Brunialti fournit des chiffres mis à jour grâce aux résultats du recensement du 1901.

80En faisant référence à des événements survenus jusqu’en 1904, Brunialti soulève aussi plusieurs problèmes qui sont à l’ordre du jour des débats politiques dont il s’occupe directement, tels que la malaria, la salubrité des logements, le développement du commerce et l’industrialisation de l’Italie.

81On a déjà vu que, du point de vue politique, il y a des visions différentes mais aussi des convergences entre Reclus et Brunialti. Ainsi sur la question du « méridionalisme », expression qui, dans les années de rédaction de la NGU, recouvre les différentes études de savants et politiciens tels que Pasquale Villari, Sidney Sonnino, Leopoldo Franchetti, qui proposent des solutions très différentes pour régler les problèmes du Midi de la nouvelle nation née de l’unification, question qui, d’ailleurs, n’a jamais trouvé de solution définitive.

82Pendant les premières décennies du XXe siècle, les études de Gaetano Salvemini, Pasquale Saraceno, Antonio Gramsci, prennent des accents plus explicitement socialistes. En concluant à une véritable conquête militaire coloniale du Sud de l’Italie par l’État piémontais, ils se rallient plus à la sensibilité de Reclus, qui l’avait déjà dit, qu’à celle de Brunialti, Italien du Nord qui, comme on l’a vu, attribue d’abord les problèmes du Midi à la mauvaise administration bourbonienne.

83Là où Reclus et Brunialti sont sans doute assez proches, bien que la position du dernier soit plus modérée, c’est dans leur critique de l’Église qui, selon l’Italien,

  • 52 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 833. « Vit en lutte ouverte avec l’État italien, en ne reconnaissant (...)

vive in lotta aperta con lo Stato italiano, non riconoscendo la soppressione del –potere temporale- dei papi, non accettando la posizione fattale con la –legge delle guarentigie-, ma neppur ricusando i sussidi degli enti locali, e i supplementi di congrua ai parroci nel –fondo del culto-, e gli altri concorsi che lo Stato dà alle spese del culto pur rimanendo separato dalla Chiesa. Anche il matrimonio civile e la esclusione o limitazione dell’istruzione religiosa nelle scuole sono cagione di dissidi, che si farebbero anche più acuti se la legge sanzionasse il divorzio che pure esiste in quasi tutti i paesi cattolici.52

84En général, le diagnostic de Reclus sur la situation de l’économie, sur la misère du peuple, sur l’analphabétisme, est sévère. La présence du pape est envisagée en obstacle à la croissance et à l’émancipation. Mais il a aussi une vision optimiste.

  • 53 É. Reclus, 1876, op. cit,. p. 622.

On ne saurait douter que l’Italie ne sorte tôt ou tard de cette fausse position qui fait de sa capitale le chef-lieu d’un état indépendant, et en même temps le siège d’un gouvernement théocratique auquel obéissent tous les catholiques du monde. Cette contradiction est destinée à disparaître53.

  • 54 Ibid., p. 607.
  • 55 Ibid., p. 620.

85Sur d’autres sujets Brunialti se garde bien de faire référence à certains problèmes que Reclus souligne, notamment l’idée générale que, depuis l’unification, l’Italie « semble destinée à faire grande figure en Europe54 », mais plus par sa culture et ses savoirs que par son industrie et sa puissance politique et militaire. A propos de cette unification Reclus affirme clairement que le problème de fond est que « une seule province, le Piémont, (…) de gré, de ruse ou de force, a fini par s’annexer les autres55 ».

  • 56 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 837. « Laissons les conclusions, bien que déjà anciennes, à notre É.  (...)

86Dans les dernières pages du texte italien, il est évident que Reclus n’est plus qu’un auteur de référence, tandis que, en concluant l’œuvre avec des paragraphes qu’il ne vaut pas la peine de reproduire ici, on lui redonne la parole pour confirmer la beauté de la patrie italienne. « Lasciamo le conclusioni, sebbene già vecchie di anni, al nostro É. Reclus, che ama, come pochi altri, il nostro paese56. »

L’Italie de Reclus-Brunialti est-elle une monographie nationale ?

87Il est évident que le choix de Brunialti, et de la maison Vallardi, de consacrer deux volumes à l’Italie est en même temps commercial et politique, dû à la volonté de présenter une sorte d’œuvre à part. En effet, les deux tomes de Brunialti sur l’Italie ont aussi bénéficié d’un tirage autonome chez la même maison d’édition, signé cette fois par les deux auteurs. Titré L’Italia nella natura, nella storia, negli abitanti, nell’arte e nella vita presente, il correspond exactement aux deux volumes de la Nuova Geografia Universale analysés ici.

  • 57 Caen – Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine, Fonds Hachette, HAC 48.8.

88Nous n’avons pas trouvé, jusqu’à présent, de correspondance directe entre les deux auteurs pour la construction de cette œuvre. Il n’y a pas d’archives Vallardi qui puissent contenir des matériaux liés à cette question, tandis que le contrat de 1882 qu’on trouve dans les archives Hachette57 se borne à préciser les termes de la cession de la propriété littéraire de l’œuvre complète, pour l’Italie, d’un éditeur à l’autre.

89De toute façon, il n’y a aucun élément qui fasse douter de la totale autonomie de Brunialti dans sa tâche. Il est d’ailleurs clair qu’ici l’on n’est pas dans le cadre d’une géographie universelle et universaliste telle que l’entendait Reclus, mais dans un vaste effort de construction, d’« invention » et de légitimation d’un territoire national, défiant ouvertement les puissances rivales, notamment l’Autriche-Hongrie.

90En cela Brunialti est très proche des travaux que, au cours des mêmes années, mènent d’autres géographes européens tels que Paul Vidal de la Blache avec son Tableau de la géographie de la France publié en 1903, Friedrich Ratzel avec son Deutschland : Einführung in die Heimatkunde publié en 1899, ou Halford Mackinder avec Britain and the British Seas (1902).

91Cette géographie finalisée par la légitimation et la construction de l’image de la patrie nationale, ne peut s’accorder avec le projet géographique universaliste de l’anarchiste Reclus. Sinon sous un aspect : Reclus avait partagé les efforts des patriotes italiens pour l’indépendance et l’unité nationale.

  • 58 L. Gambi, 1973, Una geografia per la storia, Torino, Einaudi, p. 7.
  • 59 G. Marinelli, 1897-1903, L’Italia sotto l'aspetto geografico e statistico : trattato popolare diret (...)

92Mais existait-il dans les mêmes années, en Italie, une œuvre pareille ? Pas en ce qui concerne les géographes italiens: depuis l’unité ils publient à propos de leur nation des essais à caractère physique ou statistique58, des manuels pour les écoles primaires et des ouvrages de vulgarisation tels que L’Italia sotto l’aspetto geografico e statistico : trattato popolare diretto dal prof. Giovanni Marinelli.59 Mais, du moins pendant la dernière décennie du XIXe siècle et la première décennie du XXe siècle, il n’y a pas de monographie manifestant les mêmes caractères scientifiques, ou la mise en place d’un regard géographique sur la nation et sa représentation, qui soit signée par un géographe italien. Il faudra attendre la fin de la Grande Guerre pour que d’autres géographes, à partir de 1918-19, songent à de nouveaux ouvrages sur l’Italie, poussés aussi par les nouvelles acquisitions territoriales dont elle avait bénéficié par le traité de Versailles.

93Il n’existe pas une étude qui analyse les motifs de tels manques, mais on peut penser que l’un des problèmes était certainement l’idée d’une patrie encore « incomplète », et que s’y ajoutaient probablement les difficultés d’une définition scientifique unitaire de la mosaïque de régions très différentes culturellement, historiquement et même linguistiquement de la péninsule.

  • 60 L. Gambi, 1973, op. cit., p. 23. « Les zones centro-septentrionales sont comparativement bien plus (...)

94Il faut dire aussi que les plus importants géographes universitaires de l’époque, notamment Giuseppe dalla Vedova et les deux Marinelli, Giovanni et Olinto, sont tous originaires du Nord-est de l’Italie, tout comme Brunialti. En général, selon Gambi, jusqu’aux années 1920-1930, « le aree centro-settentrionali sono, in misura comparata, preferite di molto a quelle meridionali o insulari, e il sud è una zona lasciata ai margini non solo dai governanti ma anche dai geografi60. » Ainsi, ces géographes de l’Italie libérale n’ont pas été capables de faire, de « penser », l’unité de la Péninsule. Mais quelqu’un l’a-t-il jamais été ?

95Cela ne signifie pourtant qu’il n’existe pas à cette époque de monographie nationale sur l’Italie: d’avance, elle est signée par un géographe français, et construite pour l’essentiel par un géographe, politicien et juriste italien. Nous pouvons supposer, en effet, même s’il n’y a pas de déclarations explicites, que le but de Brunialti est de donner une existence autonome à une telle œuvre sur l’Italie, en pensant aussi aux géographies nationales qui s’écrivaient à l’étranger. Et il n’y a pas de doute que, pour le public italien du début du XXe siècle, c’est la principale œuvre géographique qui représente la nation entière, et en comprend aussi les morceaux qui manquent encore d’un point de vue politique.

96Aucun des deux auteurs n’échappe au problème consistant à définir géographiquement la dite unité. Si les « limites » de la Péninsule paraissent pour tous les deux très bien dessinées par la mer Méditerranée et les Alpes, selon Reclus la vraie unité est la solution des problèmes sociaux, tandis que selon Brunialti il s’agit déjà de conquérir des terres nouvelles, qu’elles soient irrédentes ou coloniales, pour porter la nation italienne au niveau des autres puissances européennes, prétention qui va conduire à bien des désastres au cours du XXe siècle.

  • 61 [É. Reclus, « Note introductive » à] C. Ritter, 1859, « De la Configuration des Continents sur la s (...)

97On peut dire que la construction de l’image de l’Italie semble paradoxalement plus unitaire dans les pages de Reclus, tandis qu’au plus minutieux Brunialti manquent au contraire ces visions d’ensemble d’un géographe « universel ». C’est-à-dire un individu dont le but est de poursuivre le travail qu’avait entamé son maître, Carl Ritter, lorsqu’il « bâtissait une tour de Babel qu’il savait ne pouvoir élever jusqu’au ciel ; mais, sans défaillance, il continuait sa tâche et s’en remettait à l’humanité du soin de terminer son œuvre61. »

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Bibliographie

Archives

Italie

Vicenza – Biblioteca Civica Bertoliana, Sala dei Manoscritti, Carte Brunialti.

France

Caen – Institut Mémoire de l’Édition Contemporaine, Fonds Hachette.

Sources

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Reclus E., 1876-1894, Nouvelle Géographie Universelle : la Terre et les hommes, Paris, Hachette, 19 vols.

Reclus E., 1884-1904, Nuova Geografia Universale : la terra e gli uomini (traduzione italiana con note ed appendici per cura del prof. Attilio Brunialti), Napoli-Milano, Vallardi-Società Editrice Libraria, 21 vols.

Reclus E., Brunialti A., 1902-1904, L’Italia nella natura, nella storia, negli abitanti, nell’arte e nella vita presente, Milano, Società Editrice Libraria, 2 vols.

Reclus E., 1911, Correspondance, Paris, Librairie Schleicher Frères, 2 vols.

Reclus E., 1925, Correspondance, vol. III, Paris, Alfred Costes.

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Bibliographie

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Notes

1 É. Reclus, 1911, Correspondance, vol. I, Paris, Librairie Schleicher Frères, p. 37.

2 É. Reclus, 1876, Nouvelle Géographie Universelle, vol. I, Europe Méridionale, Paris, Hachette.

3 Ibid., p. 299.

4 É. Reclus, 1925, Correspondance, vol. III, Paris, Alfred Costes, pp. 21-22.

5 E. Casti, 2007, « Le derive italiane del pensiero di Elisée Reclus: Arcangelo Ghisleri e il ruolo sociale della geografia », in M. Schmidt di Friedberg (ed.), Élisée Reclus: natura ed educazione, Milano, Bruno Mondadori.

6 E. Dell’Agnese, E. Squarcina, 2005, « Il Brennero, da -confine naturale- a -cuore dell’Europa- », in E. dell’Agnese, E. Squarcina (eds.), Europa: vecchi confini e nuove frontiere, Torino, UTET.

7 L. Gambi, 1991, Geografia ed imperialismo in Italia, Bologna, Patron.

8 M. Carazzi, 1972, La società Geografica Italiana e l’esplorazione coloniale in Africa (1867-1920), Firenze, La Nuova Italia, p. 117. « entre 1883 et 1885 une véritable campagne de presse en faveur de l'expansion coloniale italienne. »

9 G. D’Amelio, « Attilio Brunialti », in Dizionario Biografico degli Italiani, ad nomen.

10 P.C. Masini, 1969, Storia degli anarchici italiani da Bakunin a Malatesta, Milano, Rizzoli.

11 Vicenza – Biblioteca Civica Bertoliana, Sala dei Manoscritti, Carte Brunialti, ff. 73-74, Armonie e conflitti della moderna civiltà, p. 10. « Nous laissons l’anarchisme et toutes les autres formes du socialisme se contraster l’une l’autre péniblement, au-delà même des désirs de leurs adversaires. »

12 Ibid., p. 29. « Avant tout nous devons contrer l’idée de la grève universelle, l’idée anarchiste. »

13 I. Porciani, 1986, « Attilio Brunialti e la “Biblioteca di Scienze politiche”: per una ricerca su intellettuali e Stato dal trasformismo all’età giolittiana », in A. Mazzacane (ed.), I giuristi e la crisi dello stato liberale in Italia fra Otto e Novecento, Napoli, Liguori.

14 D. Mendibil, 2000, « P. Vidal de la Blache, le dresseur d’images. Essai sur l’iconographie de la France : Tableau Géographique (1908 ) », in M.C. Robic (ed.), Le Tableau de la Géographie de la France de Paul Vidal de la Blache : dans le labyrinthe des formes, Paris, CTHS.

15 D. Mendibil, 2008, « Dispositif, format, posture: une méthode d’analyse de l’iconographie géographique », Cybergeo, Épistémologie, Histoire, Didactique, article 415, mis en ligne le 12 mars 2008, modifié le 13 mars 2008 : http://www.cybergeo.eu/index16823.html

16 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 325.

17 Ibid., p. 337.

18 Ibid., p. 416.

19 Ibid., p. 504.

20 Ibid., p. 612.

21 Ibid., p. 617.

22 Ibid., p. 360.

23 S. Alavoine-Muller, 2005, « Élisée Reclus face aux contraintes éditoriales de la maison Hachette », Colloque international Élisée Reclus et nos géographies. Textes et prétextes, Lyon 7-9 Septembre 2005 (CD-Rom).

24 É. Reclus, 1878, Nouvelle Géographie Universelle, vol. III, Europe Centrale, Paris, Hachette, p. 216.

25 É. Reclus, 1902, Nuova geografia Universale : la terra e gli uomini (traduzione italiana con note ed appendici per cura del prof. Attilio Brunialti), vol. V, parte seconda: l’Italia, Milano, Società Editrice Libraria, p. 421. « Idria, sur le fleuve homonyme affluent de l'Isonzo, a de très riches mines de mercure; Gradisca, ancienne forteresse, retint dans son château, réduit à une prison d’État, Federico Confalonieri et beaucoup d’autres des nôtres. »

26 Ibid., p. 423. « La dernière ville de l’Italie géographique est Pola, avec le grand arsenal militaire autrichien et le célèbre amphithéâtre ; cela montre à lui seul l’importance que, jadis grecque, elle avait au temps des Romains ; de même Fiume, qui se trouve au seuil de l’Italie, bien que politiquement hongroise, est toute italienne, à l’instar des autres villes du même littoral. »

27 Ibid., p. 414. « On a vu que dans la Vénétie, plus qu’ailleurs, on trouve au delà de la limite politique des villes et terres italiennes dont il nous reste maintenant à donner une brève description. »

28 Ibid., p. 415. « Sur chaque fenêtre des vases de fleurs, derrière lesquels les noires pupilles italiennes des belles trentine jettent des éclairs: on dirait, comme Arrigo Heine, que toute la ville vous regarde avec ses grands yeux italiens. »

29 Ibid., p. 15. « On a rappelé ces événements historiques parce qu’ils trouvent d’admirables correspondances dans la conformation physique et topographique de notre pays, à tel point qu’on ne peut dire plus véritablement d’aucun autre pays que l’histoire et la géographie s’expliquent réciproquement, et que l’une n’aurait pu exister sans l’autre. »

30 Ibid., p. 19.

31 Ibid., p. 29. « Strabon, de telle sorte que Carl Ritter pouvait écrire que aucun Géographe moderne, dans sa description de l’Italie, n’a jamais atteint l’image grandiose qu’il dessine de la péninsule. »

32 Ibid., p. 32. « Le dix-neuvième siècle contribua aussi grandement à la connaissance géographique de l’Italie, et une bibliographie de toutes les œuvres et monographies la concernant, ou sur des lieux et faits singuliers relatifs à la géographie occuperait un volume pareil à ce que nous nous apprêtons à écrire. Ils ont noms Carlo Cattaneo, Cesare Cantù, Alberto Lamarmora, Cesare Correnti, Marmocchi, Balbi, Zuccagni-Orlandini, Amati, Marinelli, et parmi les étrangers, outre É. Reclus, Daniel, Nissen, Deecke, Fischer. »

33 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 312.

34 É. Reclus, 1902, op. cit., p. 347. « Dans le Frioul et dans l’Istrie on a combattu et on mène encore une guerre bien plus âpre contre les Slaves, qui réussirent à faire prévaloir leur langue dans le district de San Pietro, dans la partie montagneuse des district de Cividale et Tarcento, dans la commune de Resia, dans les campagnes et pour une petite partie dans les villes de l’Istrie. »

35 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 375.

36 É. Reclus, 1902, op. cit., pp. 365-366 « Après que la vapeur se substitua graduellement à la voile (…) le mouvement des navires correspond à peu près à la moitié du port de Gênes. La fabrication des miroirs, des dentelles, des mosaïques, des meubles, et d’autres industries renforcent de nouvelle vie Venise et les villes voisines des lagunes. Des milliers d’ouvriers sont occupés à la fabrication des verres émaillés et des tanneries multicolores qu’on envoie vers toutes les parties du monde. »

37 F. Ferretti, 2007, La città e la strada. Bologna e la via Emilia nelle Geografie Universali (1810-1934), « Il Carrobbio », no 23, 67-82.

38 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 375.

39 M. Nettlau, 1928, Bakunin e l’Internazionale in Italia, Ginevra, Edizione del Risveglio, p. 44.

40 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 425.

41 Ibid., p. 465.

42 Ibid., p. 471.

43 É. Reclus, 1904, Nuova Geografia Universale : la terra e gli uomini, vol. V, parte terza: l’Italia, Milano, Società Editrice Libraria, p. 123. « Après que le 20 septembre 1870 Rome fut unie à l’Italie et en devint la capitale, elle a eu certainement un étonnant développement ; néanmoins elle reste beaucoup plus grande par ses ruines et par ses mémoires, que par les édifices modernes. »

44 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 505.

45 Ibid., p. 505.

46 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 415. « Un gouvernement guidé par le despotisme le plus insensé, farouche et vile ; un despotisme qui n’avait jamais rien de fort et de grandiose, restant toujours vulgaire et plébéien ; hommes indignes et vénaux à la direction de l’administration, police de scélérats et de camoristes. »

47 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 547.

48 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 506. « Un moindre dommage nous vient du fait que la Corse appartient à la France depuis 1768, et que Malte, où l’on domine mieux la grande voie du commerce maritime, est anglaise. »

49 É. Reclus, 1876, op. cit., p. 575.

50 Ibid., p. 581.

51 Ibid., p. 631.

52 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 833. « Vit en lutte ouverte avec l’État italien, en ne reconnaissant pas la suppression du – pouvoir temporel – des papes, en refusant la position qu’on lui avait offert avec la legge delle guarentigie, mais en acceptant les contributions des administrations locales, et les suppléments de portion congrue aux curés dans le – fonds du culte – et les autres concours que l’État donne aux dépenses du culte bien que séparé de l’Église. Le mariage civil et la limitation ou exclusion de l’instruction religieuse dans les écoles sont aussi cause de dissensions, qui seraient bien plus aigües si la loi sanctionnait le divorce, bien qu’il existe dans presque tous les pays catholiques. »

53 É. Reclus, 1876, op. cit,. p. 622.

54 Ibid., p. 607.

55 Ibid., p. 620.

56 É. Reclus, 1904, op. cit., p. 837. « Laissons les conclusions, bien que déjà anciennes, à notre É. Reclus, qui aime notre pays comme bien peu d’autres. »

57 Caen – Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine, Fonds Hachette, HAC 48.8.

58 L. Gambi, 1973, Una geografia per la storia, Torino, Einaudi, p. 7.

59 G. Marinelli, 1897-1903, L’Italia sotto l'aspetto geografico e statistico : trattato popolare diretto dal prof. Giovanni Marinelli, Milano, Vallardi.

60 L. Gambi, 1973, op. cit., p. 23. « Les zones centro-septentrionales sont comparativement bien plus traitées que les zones méridionales et insulaires, et le Midi est une zone laissée aux marges, non seulement par les gouvernants mais aussi par les géographes. »

61 [É. Reclus, « Note introductive » à] C. Ritter, 1859, « De la Configuration des Continents sur la surface du Globe et de leurs fonctions dans l’histoire », Revue Germanique, no 11, p. 241.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Federico Ferretti, « Traduire Reclus. L’Italie écrite par Attilio Brunialti », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Epistémologie, Histoire de la Géographie, Didactique, document 467, mis en ligne le 10 juillet 2009, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/22544 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.22544

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Auteur

Federico Ferretti

Doctorant en Géographie, Universités de Bologne et Paris 1 – Panthéon Sorbonne, UMR 8504 Géographie-Cités, France
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