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2005
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Un exemple d’effets de dominos : la panique dans les catastrophes urbaines

An example of “domino effects”: panic in urban disaster studies
Damienne Provitolo

Résumés

Dans le cadre de cet article, nous proposons d’étudier les effets de dominos, une des sources de complexité des risques et des catastrophes. Ces derniers émergent tout particulièrement lors de catastrophes urbaines. Ils sont considérés comme essentiels par la majorité de nos devanciers. Mais malgré ce poids accordé aux effets dominos en milieu urbain par tous les spécialistes des risques, il semble que peu de modèles les mettent réellement en situation.
La modélisation en dynamique de système permettant d'appréhender cette complexité, elle a été retenue pour construire un modèle de catastrophe. Elle est mise en pratique avec le logiciel Stella Research pour simuler un ensemble d'équations de stocks et de flux. L'objectif de cet article est de proposer un modèle qui simule un effet domino classique, la panique des automobilistes lors d'une inondation. Nous présentons quelques résultats de simulation pour la zone urbaine de Gênes affectée par la crue du Bisagno le 8 octobre 1970. Ce modèle de simulation dynamique de la panique dans une situation de crise est l'un des rares exemples de l’émergence d’un effet de dominos dans le domaine de la catastrophe urbaine.

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Texte intégral

Introduction

1Dans le domaine des risques potentiels et des catastrophes bien réelles, les effets de dominos sont reconnus depuis longtemps. Ces effets de dominos sont devenus essentiels dans les grandes métropoles. En effet, la ville produit des risques et des catastrophes complexes (B. Wisner, 1999). Ces derniers intègrent une double, voire une triple dimension, naturelle et technique ou technologique, naturelle et sociale ou encore, pour prendre un dernier exemple, naturelle, technique et sociale. Ce couplage entre des mécanismes d’origine différente est source de la complexité des risques et des catastrophes urbains.

2Mais malgré ce poids accordé aux effets de dominos en milieu urbain par tous les spécialistes des risques, peu de modèles sont avancés pour les prendre en compte. Les études de catastrophe sont en effet souvent de type idiographique ou font l'objet d'une simple modélisation graphique.

3L'objectif de cet article est de proposer un modèle qui simule un effet domino classique, la panique des automobilistes lors d’une inondation. Ce modèle est un exemple de l’émergence d’un effet domino lors d’une catastrophe urbaine fréquente. Il permet d'intégrer la dimension sociale de la catastrophe. Mais avant de l'aborder, nous présentons dans une première partie, à partir d’une sélection d’études de cas, différents types d'effets de dominos connus, effets faisant le plus souvent l'objet de simples descriptions, parfois de modèles graphiques, plus rarement de modèles mathématiques.

Les effets de dominos dans l'étude des risques et des catastrophes urbains

4Ce terme recouvre des désordres divers, mais dont la cause est commune : les effets de dominos sont le fait d'un aléa entraînant par effet en chaîne l'événement catastrophique. L'aléa déclencheur, le plus souvent d'origine naturelle ou technique, produit des aléas dérivés, source de nouveaux désastres à l’intérieur ou au prolongement d’une catastrophe. Cet emboîtement territorial est souvent observé dans les supercatastrophes. Il explique le nombre élevé de victimes lors du séisme suivi d’un tsunami dans l’océan Indien en décembre 2004.

5Les aléas d'origine peuvent déclencher des aléas dérivés de même nature (séisme suivi d'un tsunami) ou de nature différente (inondation-épidémie, tremblement de terre-accident industriel). Ces catastrophes sont souvent désignées par le terme « nat-tech » ou « tech-nat » selon que le mécanisme déclencheur est d'ordre naturel ou technique. Nous décrivons quelques exemples d'effets de dominos bien connus et souvent cités avant de traiter plus en détail l’effet de panique.

Une chaîne de catastrophes induites par les tremblements de terre

6Les effets de dominos de même nature sont bien repérés par les experts. Ainsi, les tremblements de terre déclenchent une cascade d'effets induits, comme les tsunamis, les mouvements de terrain, effets générant eux-mêmes les écroulements d'immeubles, les ruptures de réseaux et les mouvements de panique (C. Chaline, J. Dubois-Maury, 1994). L'ensemble de ces événements dérivés d'un mécanisme déclencheur d'ordre naturel aggrave la catastrophe. Ainsi, les conséquences d'un aléa sismique peuvent être une chaîne de catastrophes démultipliant les effets du tremblement de terre lui-même.

7Certains séismes provoquent des tsunamis ou raz-de-marée. Le plus connu, de par son ampleur et le nombre de victimes, est le violent tremblement de terre de magnitude 9 sur l’échelle de Richter qui, le 26 décembre 2004, a secoué l’île de Sumatra et engendré un tsunami autour du Golfe du Bengale. Il produisit une série de vagues de près de 10 m de haut qui firent plus de 300000 victimes.

8Parfois, les tsunamis sont créés par des glissements de terrain ou des éruptions volcaniques. Ainsi, lors de l'éruption du volcan Perbuatan sur l'île de Krakatau en 1883, l'effondrement du volcan provoqua un tsunami entre les îles indonésiennes de Sumatra et de Java. Cette catastrophe a fait plus de 30000 victimes. Récemment, une équipe de géophysiciens a modélisé un raz-de-marée déclenché par un volcan (P. Heinrich, 1999). Ce modèle mathématique et informatique comprend trois compartiments : le séisme, la formation de la vague puis sa propagation. Il permet de simuler des comportements de catastrophes complexes.

9Mais les effets de dominos sont plus originaux quand ils concernent des domaines différents. Par exemple, lors du séisme de Tokyo en septembre 1923 de nombreux incendies se déclarèrent dans la ville. Les braseros ayant enflammé les maisons en bois, des dépôts et des réservoirs de gaz et d'hydrocarbures explosèrent, des canalisations de gaz se rompirent et les ruptures de canalisations d'eau rendirent impossibles les secours anti-incendie (Hadfield, 1992).

10Aujourd’hui, les autorités de Tokyo craignent un enchaînement de catastrophes naturelles et technologiques à la suite d’un séisme. En détruisant les digues du fleuve Sumida, le tremblement de terre serait à l’origine d’une inondation qui libèrerait des produits chimiques nocifs (figure 1).

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Figure 1. Un enchaînement d’aléas de type « nat-tech »

12De même, la baie de San Francisco a été dévastée par des séismes au début et à la fin du XXème siècle. Si les pertes humaines furent en 1906 sans commune mesure avec celles de 1989, dans les deux cas, le tremblement de terre provoqua des incendies dévastateurs. Les pertes humaines et matérielles sont donc principalement le résultat de l'effondrement des constructions, des voies de communication et des incendies (C. Chaline, J. Dubois-Maury, 1994).

13La figure 2 représente, sous forme de modèle graphique, le déroulement d'une catastrophe d'origine sismique avec des effets de dominos. Le désastre ne résulte pas de la secousse sismique elle-même, mais de ses effets directs en destructions physiques (rupture de canalisations, effondrement de bâtiments) ou indirects en aléa dérivé (incendie). La catastrophe résulte bien d’un effet de dominos qui est source de complexité.

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Figure 2. Combinaison de couplages en parallèle, en série et par interaction représentant un événement potentiellement catastrophique lié à un tremblement de terre

Observation de mouvements de panique lors de catastrophes technologiques et naturelles

15La panique est aussi un effet de dominos. Mais, elle est originale. Dans son acception traditionnelle, la panique est définie comme « une peur intense déclenchée par la survenue d’un danger réel ou imaginaire ressentie simultanément par tous les individus d’un groupe, d’une foule ou d’une population, caractérisée par la régression des mentalités à un niveau archaïque et grégaire, et débouchant sur des réactions primitives de fuite éperdue, d’agitation inconsidérée, de violence ou de suicide collectif » (L. Crocq, 1994). Elle est une réponse des individus face à la survenue, le plus souvent brutale, d’un danger ou de sa menace. La réaction de panique est le fruit de « perceptions » subjectives et non toujours de la gravité objective et réelle du danger ou de sa menace. De même, selon la nature de l'aléa, des directives préventives et/ou de la gestion de l'événement catastrophique, la panique peut prendre forme avant, pendant ou après l'événement en cause, réel ou imaginé.

16Associés notamment à la concentration humaine et aux effets de contiguïté dans une masse de populations, les phénomènes de panique se développent à différentes échelles : depuis la panique limitée à une salle (panique survenue à la suite de l’incendie du Bazar de la Charité à Paris, le 4 mai 1897, 124 morts) jusqu’aux paniques à l’échelle d’un quartier, d’une ville, voire d’un pays lors des épidémies.

17Les études sur les comportements de panique lors de catastrophes reposent essentiellement sur l’analyse de documents (archives, récits, coupures de presse) et sur les observations de terrain réalisées par les sauveteurs, le corps médical et les psychologues. En prenant les catastrophes technologiques et naturelles comme exemple, on dresse un tableau des paniques collectives observées lors d’une situation de crise.

18Les effets de panique s’observent dans les catastrophes d’origine technologique. Ce fut par exemple le cas lors de la catastrophe de la ville de Bhopal, en Inde, le 3 décembre 1984, où, sous l'effet de la panique, 10000 personnes sont sorties de chez elles et ont pris la fuite au lieu de rester confinées. Comme le précise A. Lalo (1999), le confinement n’est pas un comportement inné lors d'un accident technologique. Ces mouvements de fuite eurent pour effet d’accroître la vulnérabilité de la population aux émanations de gaz mortel. Bhopal fit 2500 victimes et plus de 500000 blessés (N. Laneyrie-Dagen, 1994).

19Le 21 septembre 2001, dix jours après les attentats de New York, se produisait à Toulouse, l’explosion de l’usine Azote de France. Le souffle de l’explosion a produit des dégâts sur 5 km, provoqué 30 décès et 2500 blessés. La fuite inorganisée des personnes, les embouteillages bloquant toutes les voies d’accès, y compris pour les véhicules de secours, les messages contradictoires des radios, la saturation des lignes téléphoniques, tout cela a renforcé la panique générale (Observatoire français de la sécurité des établissements scolaires et d’enseignement supérieur, 2002).

20La panique est aussi présente lors de catastrophes naturelles, notamment lors d'inondations, de tremblements de terre ou d'éruptions volcaniques. Cette réaction de panique chez les automobilistes prisonniers des eaux dans leurs véhicules cause, depuis une vingtaine d’années, le plus grand nombre de victimes recensées lors des inondations aux États-Unis. Ces dernières meurent noyées dans leur voiture en tentant de fuir la montée des eaux. Ces mêmes réactions furent observées lors de l’inondation d’Alger en novembre 2001.

21Des comportements de panique avec fuite éperdue ont également été rapportés lors du tsunami qui affecta les côtes du golfe du Bengale (décembre 2004) ou lors du séisme de Tokyo (septembre 1923). En tentant de rejoindre l’autre rive du fleuve Sumida qui longe le centre de Tokyo pour échapper à l’avancée des flammes, des centaines de personnes, prises de panique, basculèrent dans l’eau où beaucoup trouvèrent la mort.

22Enfin, il est à préciser que ces mouvements de panique entravent l'acheminement des secours. Ils ont donc des conséquences sur la gestion de la catastrophe. Ce fut notamment le cas en 1991, en Californie, à Oackland, où, face à la rapide propagation d'un incendie, nombre de résidents abandonnèrent leurs véhicules sur la chaussée pour prendre la fuite, bloquant ainsi le réseau routier et la progression des secours. Plus généralement, les décideurs devraient viser à ce que les mouvements centrifuges (panique avec fuite, évacuation spontanée ou organisée…) n’entravent pas le déroulement des mouvements centripètes (arrivée des secours sur les lieux de la catastrophe) (figure 3).

Figure 3. Mouvements centrifuges et centripètes en temps de catastrophe

23À l'issue de l'observation de ces exemples, nous constatons que lors d'événements ressentis comme une agression, des réactions collectives telles les paniques sont à craindre. S’ils ne sont les plus fréquents, ces comportements sont les plus redoutés (L. Crocq, 1994) et ce, pour plusieurs raisons :

24Dans la plupart des cas, les comportements collectifs de panique majorent le nombre de victimes, qui sont le plus souvent piétinées dans la fuite ou écrasées contre un obstacle, ou en sont les seuls responsables (D. Helbing, I.J. Farkas, T. Vicsek, 2002).

25Sur le plan de l’intervention, il est difficile de juguler la réaction de panique une fois qu’elle est déclenchée. Il est donc nécessaire d’établir des mesures préventives à long terme (information de la population, éducation, exercice d’évacuation) et à court terme (gestion de la phase d’alerte) afin d’éviter l’éclosion de tels comportements.

26Enfin, les mouvements de panique ont des répercussions sur l’acheminement des secours et sur l’évacuation de la zone inondable.

27Ces modèles graphiques, employés pour décrire les effets de dominos, permettent de mieux comprendre les catastrophes, de représenter leur complexité. Ils ont un fort pouvoir didactique, mais ils présentent toutefois certaines lacunes. Deux d'entre elles apparaissent. Il s'agit de modèles de type structurel qui ignorent la durée. Or le temps est un élément essentiel de la catastrophe. De plus, cette modélisation ne respecte pas l'équilibre dimensionnel nécessaire entre les variables si l'on souhaite faire des simulations sur le modèle construit. Les flèches représentent en effet des flux de nature différente, des hommes, de la matière, de l'énergie.

28Pour aller au-delà, il est possible de construire des modèles de simulation. Ainsi, nous proposons un modèle d'effets de dominos, celui de la réaction de panique collective déclenchée lors d'une inondation. Une technique de modélisation, la dynamique de système, est retenue pour simuler un ensemble d’équations de stocks et de flux. Elle est mise en pratique avec le logiciel Stella afin de produire des courbes de simulation.

Un modèle d'effet de dominos : l'effet de panique lors d'une inondation

29Le modèle de la panique que nous proposons permet de construire un modèle transdisciplinaire de catastrophe prenant en compte des effets de dominos et intégrant la dimension sociale de l'événement catastrophique (D. Provitolo, 2002).

La modélisation de la panique sous forme de stocks et de flux

30Ce module de la panique s'intègre dans un modèle plus global de catastrophe urbaine liée à une inondation. Ce modèle général (figure 4) est constitué de quatre modules : la vulnérabilité de la ville est appréhendée au travers de sa population, population soumise à un aléa crue. Cet aléa, phénomène physique générateur de dommages, va avoir des impacts sur la circulation urbaine. Il peut ainsi déclencher des mouvements de panique au sein des automobilistes pris par les flots. Le module de la circulation urbaine établit donc le lien avec celui de la panique. En effet, les effectifs d’automobilistes susceptibles de paniquer (module de la panique) dépendent des flux de véhicules qui transitent dans la zone inondable (module de la circulation urbaine). L’effectif des automobilistes présents dans un véhicule est fixé en règle générale à 1,3 personnes par voiture (enquête ménages/déplacements 1998, CETE, Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement). Des scénarios peuvent ainsi être réalisés non seulement en fonction des périodes de la journée ou de la nuit au cours desquelles le débordement du fleuve se produit mais aussi en fonction du déclenchement ou de l’absence de déclenchement de l’alerte. Cette dernière, qui implique l’évacuation des automobilistes, est donnée lorsqu’un observatoire de surveillance des crues existe.

31Ces mouvements de panique vont alors rétroagir sur le module de la vulnérabilité en ralentissant l’arrivée des secours. Ce modèle associe donc des aspects généralement traités séparément. L’examen de chacun de ces modules dépasse le cadre de cette présentation.

Figure 4. Les quatre modules du modèle de l'inondation catastrophique

32Dans le cadre de cet article, nous focalisons notre attention sur l’étude du module de la panique comme « effet de dominos ». Ce module est présenté en détail à la figure 6.

33Pour modéliser la diffusion de la panique à l'intérieur d'une population, nous nous sommes inspirée du modèle de W. Kermack et de A. McKendrick. Ce modèle créé en 1927 permet d'étudier la propagation d'une maladie infectieuse à l'intérieur d'une population. Et il est possible d’établir une série de points de rapprochement entre les deux phénomènes d’épidémie et de panique :

  • chacun est susceptible de contracter et propager (diffuser) la maladie (la panique).

  • Il y a une nécessité de contact entre un malade (émetteur de la panique) et un individu sain (récepteur).

  • Chaque individu a des chances de contact identiques.

34Le modèle de base de W. Kermack et de A. McKendrick (figure 5) se compose de deux stocks, la population susceptible d'être infectée (Sp) et la population infectée (I), variant l'un l'autre selon un taux de contact. Le flux de contagion représente la population qui est atteinte par la maladie. Cette population quitte le stock Sp pour alimenter le stock I. L’épidémie se développe par effet de contact. Il en va de même de la panique. D’où ce choix initial.

Figure 5. Modèle systémique de diffusion d'une épidémie. Formalisation sous le logiciel Stella Research

35Mais à partir de ce macro-modèle fortement agrégé, nous avons construit un modèle plus complexe de diffusion. Ce dernier décrit mieux les effets de propagation de la panique au sein des automobilistes prisonniers des eaux lors d'une inondation (figure 6).

36Ce modèle de la panique comprend encore deux catégories de populations : les automobilistes susceptibles de paniquer et les automobilistes paniqués. Ces deux populations sont présentes dans la zone inondable. Le modèle tient compte des taux de contact au sein de la population susceptible de paniquer, de l’interaction entre les populations paniquées et non paniquées et des taux de contamination. Il simule donc bien l’évolution de la panique, sa diffusion au sein d’une population saine (non paniquée).

37Ce premier modèle inclu trois hypothèses réductrices :

  • La population totale est constante, c’est-à-dire que des phénomènes migratoires entre la zone ayant subi la catastrophe et les autres zones n’ont pas lieu. La population totale (Pp) est divisée en deux groupes : les automobilistes susceptibles de paniquer (Sp) et les automobilistes paniqués (P). La population totale est : Pp = Sp + P

  • Les automobilistes susceptibles de paniquer et les automobilistes paniqués sont mélangés de manière homogène.

  • La panique des automobilistes est corrélée au débordement du fleuve.

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Figure 6. Le modèle systémique de diffusion de la panique

39Dans une situation complexe, des individus qui ne savent pas quel comportement adopter, orientent leurs actions en fonction de leurs voisins, ce qui signifie qu’ils tendent à faire ce que les autres personnes font. Puisque le processus de contagion nécessite que quelqu’un insuffle l’idée de la panique à quelqu’un d’autre, nous nous intéressons à la fréquence avec laquelle une personne qui n’est pas paniquée en rencontre une qui est paniquée. Nous décrivons cela par le biais de l’interaction entre les automobilistes paniqués et ceux susceptibles de paniquer. Donc, nous commençons avec des automobilistes en contact susceptibles de paniquer que nous multiplions par la fraction de population qui est paniquée. Cette interaction représente ainsi un contact entre quelqu’un qui est paniqué et quelqu’un qui n’est pas paniqué.

40Toutefois, l’interaction entre les deux groupes de populations n’induit pas forcément la contagion de la panique. En effet, la rencontre entre les deux populations est une condition nécessaire mais non suffisante à la diffusion de la panique. La probabilité pour que les automobilistes non paniqués deviennent paniqués est nommée : « taux de contamination » (Tc). Ce taux est un coefficient de transmission de la panique. Nous postulons que la panique se transmet soit oralement soit visuellement de personne à personne. Cette communication orale ou visuelle a lieu entre des individus (automobilistes) également impliqués dans la situation particulière de l’inondation.

41En sus du processus de diffusion de la panique dans la population des automobilistes, nous avons intégré les mouvements de panique découlant du sentiment qu’elle génère. Ces mouvements de panique peuvent par exemple être l’abandon de son véhicule au milieu de la chaussée, alors qu’il est encore possible de rouler et par là même de dégager les axes de circulation, ce qui participe à ralentir l’intervention des secours et à rétroagir ainsi sur le module de la vulnérabilité. Il peut également s’agir de comportements irrationnels tels que prendre un mauvais chemin c’est-à-dire un chemin descendant vers le fleuve.

42Afin d’obtenir ces mouvements de panique, le sous-système est enrichi d’un processus de flux parallèles (co-flow) permettant de passer de l’effectif des automobilistes paniqués aux mouvements de panique engagés par cette même population. Le recours à un coefficient de conversion, celui nommé « mouvement de panique par automobiliste paniqué », permet d’établir une passerelle mathématique entre les automobilistes paniqués et leur mouvement de panique. Ce passage pourrait être discuté. Il est cependant classique en économie.

Implémentation du modèle de la panique et résultats de simulation

Les données de calage du modèle de simulation de la panique

43Les simulations représentent l’évolution de la panique des automobilistes dans le temps et de leurs mouvements associés lors de l’inondation catastrophique de la ville de Gênes en octobre 1970, inondation qui se déroula sur trois jours, du 8 au 10 octobre. Les simulations sont liées à la dynamique de la crue du Bisagno (module aléa), fleuve qui traverse Gênes avant de rejoindre la mer. Elles partent de données réelles. En effet, le débit maximum du Bisagno (120 m3/seconde) se situe le 8 octobre vers 18 heures (Annali idrologici, 1970). La violence de ce débit est à l’origine des 1,35 km2 de superficie urbaine inondée. La zone urbanisée a connu une inondation de 20 cm à 2 mètres 50 de hauteur selon les secteurs, inondation qui créa des mouvements de panique chez les automobilistes. Nous disposons à l’heure actuelle de peu de données concernant le dénombrement des automobilistes paniqués. Toutefois, l’immobilisation des véhicules pris par les eaux, ainsi que les mouvements de panique des automobilistes ont été relatés par la presse italienne (articles et photographies in Corriere della sera, ottobre 1970 et sur le site internet www.meteogiornale.it)).

44Les simulations réalisées permettent d’appréhender l’impact d’une inondation sur les automobilistes en l’absence d’alerte. C’est ce scénario qui a fonctionné lors de l’inondation de la ville car, en 1970, Gênes n’était pas dotée d’un système d’annonce de crue. Les automobilistes présents dans le bassin d’inondation n’ont donc pas été évacués par les services de secours avant le débordement du fleuve. Ainsi, en l’absence d’alerte, les automobilistes ne seront susceptibles de paniquer qu’à partir du moment où le fleuve déborde soit, dans le cas présent, à partir de 18 heures.

45Les résultats de simulations présentées aux figures 7-8-9 débutent avec les premières précipitations, à 10 heures du matin, soit quelques heures avant l’inondation des quartiers gênois. Elles se terminent 48 heures après, lorsque le Bisagno aura terminé sa décrue. Elles démarrent avec une valeur initiale de 10 automobilistes paniqués. C’est un nombre arbitraire mais classique dans les modèles épidémiologiques.

46Les incertitudes liées aux facteurs de panique conduisent à tester le modèle aux valeurs moyennes et extrêmes (valeurs comprises entre 0 et 1) afin de comprendre comment se propage la panique lors d’une inondation. Ainsi, différents scénarios, visant à faire fluctuer les taux de contamination, de contact et les mouvements par automobilistes paniqués, sont réalisés.

47Ces scénarios correspondent aux trois situations suivantes :

  • scénario 1 : l'ensemble des taux sont implémentés aux extrêmes supérieurs, soit à 1. Cela signifie que les taux de contact et de contamination entre les émetteurs (automobilistes paniqués) de la panique et les récepteurs (automobilistes susceptibles de paniqués) sont forts.

  • scénario 2 : l'ensemble des taux sont implémentés pour des valeurs moyennes égales à 0,5.

  • scénario 3 : l'ensemble des taux sont implémentés aux extrêmes inférieurs, soit à 0,1, c’est-à-dire que les taux de contact et de contamination entre les automobilistes sont faibles.

Le comportement du système de la panique varie selon les valeurs des paramètres

48En affectant les valeurs de 1 ou 0,5 aux paramètres, les formes de la dynamique du système de la panique sont identiques. En revanche, le système présente un comportement original pour des valeurs implémentées aux extrêmes inférieurs, soit à 0,1.

49Comme l'illustrent les figures 7 et 8, les allures des courbes sont identiques pour des taux de contact et de contamination implémentés aux valeurs moyennes et supérieures. Seules les valeurs quantitatives de certaines variables, celles relatives aux mouvements de panique connaissent des changements.

50Ainsi, trois grandes familles de courbes représentent les phénomènes de la panique et des mouvements qui en découlent. Les unes, relatives au processus de contagion, ont une allure de « courbes en cloche ». Cette forme est produite par la présence d’une autorégulation positive et d’une autorégulation négative entre les automobilistes paniqués et le processus de contamination. Les autres, par un effet d’accumulation, suivent une croissance exponentielle. Il s’agit du cumul des mouvements de panique. Les dernières enfin, relatives aux automobilistes paniqués et à leurs mouvements de panique, illustrent des croissances logistiques. En effet, dans ce modèle, l'effectif des automobilistes paniqués ne peut que croître, puis stagner car aucun flux ne quitte le stock des automobilistes paniqués. Et la croissance de cette population paniquée ne peut être exponentielle, la population totale étant finie.

Figure 7. Tous les taux du modèle de la panique sont implémentés à 1. La variable d’état, automobilistes paniqués, est initialisée pour une valeur de 10.

Figure 7. Tous les taux du modèle de la panique sont implémentés à 1. La variable d’état, automobilistes paniqués, est initialisée pour une valeur de 10.

Figure 8. Tous les taux du modèle de la panique sont implémentés à 0.5. La variable d’état, automobilistes paniqués, est initialisée pour une valeur d e 10.

51En revanche, pour des coefficients beaucoup plus faibles, paramétrés à 0,1 (figure 9), le système de la panique présente un comportement original. En effet, les allures des courbes représentant l’évolution de la contagion et des mouvements de panique sont différentes de celles précédemment obtenues. Elles ne connaissent plus, lors de la phase de démarrage, une croissance exponentielle mais linéaire. Après cette première phase de croissance, la courbe intitulée « mouvements de panique » suit à nouveau le même type d’évolution, celle d’une croissance faible suivie très rapidement d’un effet de stagnation. La courbe relative au processus de contagion connaît en revanche une phase de stagnation avant de décroître.

Figure 9. Tous les taux du modèle de la panique sont implémentés à 0.1. La variable d’état, automobilistes paniqués, est initialisée pour une valeur de 10.

52Ainsi, en modifiant les valeurs affectées aux paramètres de contact et de contamination, le système de la panique connaît des évolutions différentes. Il n’adopte pas

53le même comportement. Ces résultats de simulation, en donnant les différentes évolutions possibles du système, sont donc un outil de compréhension. Ils imposent également une règle de conduite. Les modèles doivent être l’objet de simulations partant de valeurs de paramètres moyennes mais aussi extrêmes. C’est la façon la plus efficace d’observer la variété des trajectoires.

54Ces résultats de simulation révèlent également des comportements contre-intuitifs.

Des comportements contre-intuitifs

55En effet, avec une valeur initiale de 10 automobilistes paniqués et des taux de contact et de contamination implémentés aux valeurs moyennes et maximales, tous les automobilistes susceptibles de paniquer ne deviennent pas « contaminés ». Il y a un processus de stagnation avant contamination de l’ensemble de la population susceptible de contracter la panique. Le système s’autorégule. C’est pourquoi la croissance des automobilistes paniqués tend vers une limite puis l’atteint.

56Notons également, à la figure 8, la présence d’un comportement contre-intuitif. La diminution des taux de contact et de contamination n’entraîne pas toujours celle de la population « contaminée », ici, celle des automobilistes paniqués.

57Ces résultats, sans doute bien réels, sont le produit de deux effets. D’abord, le modèle de la panique est plus complexe que la majorité des modèles épidémiologiques, même s’il part de l’un d’entre eux. De plus, ce modèle subit certainement des effets indirects des autres sous-modèles, aléa, vulnérabilité, circulation urbaine. Le jeu des boucles d’autorégulation, ignoré quand le raisonnement ne s’appuie pas sur des modèles, explique sans aucun doute ces découvertes.

58À la suite de notre étude, une série de questions se posent et méritent quelques réflexions préliminaires. Tout d'abord quels sont les avantages et les inconvénients de la modélisation et de la simulation de la panique par la dynamique de système. Ensuite quelle est la validité du système dans le temps, dans l'espace et dans les sociétés.

Les avantages et les limites du modèle de la panique

59Comme ce modèle de l'effet de dominos de la panique est relativement neuf, bien qu’il reprenne un modèle ancien, il présente des apports mais aussi des limites.

Les avantages de la modélisation en dynamique de système

Tester le modèle sans le caler avec précision

60L'un des avantages de la dynamique de système est de permettre de réaliser un modèle et de simuler son comportement, et ce, même en l'absence de données précises. Si le modèle réalisé est partiellement calé, il n'en demeure pas moins qu'il est opérationnel. En effet, il est mis sous équation et respecte donc les règles de l'analyse dimensionnelle.

61Pour faire démarrer la simulation et obtenir les résultats du fonctionnement du système, il convient d'introduire des données d'entrées. En fournissant au modèle des conditions initiales exactes, on obtiendrait une solution quantitative, permettant de réaliser des prévisions déterministes. Mais la mesure de ces données n'existe pas toujours. C'est le cas du modèle ci-dessus présenté. Ce qui « ne signifie nullement… qu'il n'y ait de science que du mesurable ». (G.G. Granger, 1988). Et ce qui permet d’engager une recherche vers la compréhension de ce modèle dynamique. Comme le note Ian Steward (1998) : « au lieu de solutions quantitatives on cherche des solutions qualitatives ».

62Les sorties graphiques obtenues sont donc tout aussi exactes, mais dans un autre sens. Certes, elles n'autorisent pas de prévision. Mais les courbes obtenues, appréciées de façon qualitative, illustrent très bien le comportement du système, de l’effet dominos. Nous comprenons la dynamique du système étudié sans disposer de conditions initiales connues avec précision. On ne cherche donc pas une trajectoire du système à partir de conditions initiales précises mais les différentes évolutions possibles du système. L'intérêt de cette modélisation mathématique et informatique est d'être en mesure de mieux décrire ce qu'il se passe ou plus exactement ce qu'il se passerait en modifiant les conditions initiales ou certaines valeurs de paramètres.

Un modèle d'aide à la décision et d’aide à la compréhension

63En fait, ces modèles de simulation systémique permettent tout à la fois de comprendre le système étudié et de fournir une aide à la décision et ce, sans avoir recours à des données très précises.

64L'élaboration d'un modèle d'effet de dominos adapté à de nombreux aléas, son exploitation, permet non seulement d'améliorer la connaissance scientifique des catastrophes en replaçant ces dernières dans leur complexité structurelle et temporelle, mais aussi de produire une information nouvelle apportant une aide à la concertation et à la prise de décision.

65Les résultats de la modélisation sont des courbes qui montrent l'évolution d'un phénomène dans le temps. Ils permettent donc d'enrichir les connaissances sur le fonctionnement du système étudié. Les simulations effectuées en faisant varier différents paramètres permettent de vérifier la validité des hypothèses de travail, d'apporter des enseignements neufs et d'observer parfois des comportements contre-intuitifs. Seule la simulation permet d'obtenir ce type d'information.

66Les scénarios réalisés permettent donc de proposer aux décideurs, et plus globalement aux différents utilisateurs du modèle, des projections sur le futur. Ainsi, à partir de différents scénarios de simulation, il est possible d'identifier les variables les plus susceptibles de perturber le fonctionnement du modèle testé.

67Néanmoins, ce modèle est un outil préventif d'aide à la décision et non un outil de gestion de crise en temps réel. En effet, il permet de préconiser les actions à mener avant et pendant l'événement catastrophique. Mais il est difficile à manier, ce qui est une contrainte forte dans la gestion des catastrophes, notamment en pleine crise.

68Enfin, ce modèle ne peut pas être considéré comme un modèle « prédictionnel ». En effet, les modèles de simulation des systèmes « modélisent la complexité mais ne donnent aucune valeur précise, seule la forme des courbes d'évolution des variables doit être interprétée » (M. Le Berre, M. Guigo, 1989). Les résultats de simulation permettent malgré tout de saisir la variabilité temporelle de la dynamique de la panique.

Le modèle réalisé est-il valide dans les sociétés, le temps, l'espace ?

69Cette recherche présente l'un des premiers modèles d'effet de dominos. Elle a permis de souligner le poids grandissant de ces enchaînements d'événements, encore trop rarement pris en compte. Mais elle soulève également une interrogation : le modèle réalisé est-il valide dans les sociétés, le temps, l'espace ? Nous voulons tenter ici d'apporter quelques éléments de réponse.

70Les phénomènes de panique sont insolites à plus d'un titre : ils ne sont ni localisés, ni confinés à un milieu particulier, ni le fait d'un aléa spécifique. La panique peut être observée autant lors d'une catastrophe d'origine naturelle que technologique ou sociale, en milieu urbain ou en zone rurale, et n'importe où sur le globe. Elle n'est donc ni spécifique aux pays développés, ni particulière aux pays en voie de développement. En tant qu'effet de dominos, la panique est surtout dépendante de l'aléa à l'origine de la catastrophe.

71Tout au plus, selon l'aléa déclencheur et selon les sociétés, les mouvements de panique seront plus ou moins marqués. Ainsi, dans une société où la population est bien préparée à réagir face à un type d'événement catastrophique (comme le risque sismique au Japon), la panique sera moins à craindre qu'au sein d'une population peu ou pas formée à gérer la catastrophe (exemple du risque sismique en Turquie).

72Ce qui, relativement au modèle présenté, revient non pas à modifier le modèle stocks-flux de la panique, mais la gamme des ajustements possibles qu'il convient d'affecter aux différents coefficients régissant le modèle. Cette gamme varie notamment selon la qualité de la perception de l'événement catastrophique, de la politique de prévention des risques et de gestion des catastrophes. Ce modèle permet donc d'intégrer la variété des réactions humaines pendant l'événement catastrophique. Il est donc sans doute valide pour des sociétés différentes.

73Les mouvements de panique s'inscrivent sur un temps « physique », celui du calendrier. Ainsi, on peut lire dans un certain nombre de quotidiens, ceux de notre siècle ou de siècles précédents, à quelle date s'est produite telle ou telle catastrophe. C'est donc la description de ce qui s'est passé à une date et en un lieu donné qui est fournie. En ce sens le modèle réalisé est valide dans le temps puisque la panique n'est pas dépendante d'une époque spécifique mais d'un aléa.

74Mais, en reposant sur une formalisation par systèmes d'équations différentielles discrétisées en équation aux différences dans le logiciel Stella, le modèle dynamique de la panique est plus riche d'information. Il peut être utilisé comme un outil préventif d'aide à la décision dans la gestion temporelle de la catastrophe.

75Le modèle intègre en effet la dimension temporelle, non plus celle du calendrier, mais celle permettant de comprendre le fonctionnement dynamique du système étudié. Il simule le comportement de la panique du temps t=0 de l'initialisation au temps t=n correspondant à la fin de la simulation. Et les sorties graphiques obtenues, sous forme de courbes, permettent de comprendre parfaitement la dynamique du système étudié à partir de la résolution numérique des équations aux différences incluses dans le modèle.

76La dynamique de système permet donc de comprendre les mécanismes temporels consécutifs à telle ou telle action. Elle offre la possibilité de saisir les conséquences possibles d'une modification des actions sur la maîtrise du temps, l'un des problèmes majeurs de la gestion des catastrophes. Le modèle permettrait donc de faire des choix sur les actions à mettre en œuvre lors de catastrophes, et de connaître et comprendre les effets de ces choix. Ainsi, pour donner un exemple, les personnes saisies de panique vont entraver le bon déroulement des secours et par là même la bonne gestion de la catastrophe. En revanche, une prévention salvatrice permettrait de prévenir des mouvements de panique et d'éviter parfois une véritable catastrophe.

77Si la variable temporelle permet de rendre compte des différents types d'évolution (croissances logistiques, d'évolutions avec effondrement, d'évolutions cycliques), en revanche la variable spatiale est absente des modèles en dynamique de système.

78Dans les modèles de dynamique de système, l’espace est absent. Tant que l’espace de l’inondation est assimilable à un territoire homogène et isotrope, ce modèle est transposable. En revanche, il est moins pertinent dans un espace hétérogène, car les effets de forme, par exemple un entonnoir ou un anti-entonnoir routier, peuvent accroître ou différer un effet de panique.

79Mais, la prise en compte de l'organisation de l'espace dans le modèle de la panique nécessiterait de recourir par exemple à une modélisation par des automates cellulaires et de remplacer ainsi le macro-modèle de la panique par un micro-modèle afin d'intégrer les disparités territoriales.

Conclusion

80Ce modèle constitue une innovation dans le domaine des risques et des catastrophes. D’abord, cet article présente l'un des premiers modèles d'effets de dominos, celui de la panique. Cet effet de panique, très général, a une dimension transdisciplinaire. Il est donc directement transposable pour simuler d'autres catastrophes en changeant à peine certains flux ou paramètres. Ceci tient à l’emploi de la dynamique de système.

81Cependant, comme le modèle de l'effet de dominos de la panique est neuf, il présente les limites de tout modèle initial. La première limite concerne le niveau d'agrégation retenu. Il est toujours possible de considérer qu'un modèle est soit trop agrégé, soit au contraire trop désagrégé. Cette première critique est la plus souvent émise. S'il est possible que le modèle présenté n'ait pas pris en compte telle ou telle variable, nous considérons que le niveau de désagrégation ne saurait être plus prononcé. Si tel était le cas, il conviendrait de renoncer à comprendre la catastrophe dans sa globalité, c'est-à-dire dans les composantes physiques et les dimensions sociales des phénomènes.

82La deuxième limite concerne l'analyse qualitative des modèles écrits sous la forme d'un jeu d'équations aux différences. L'interprétation qualitative d’une simulation numérique, privilégiée dans ce travail, favorise la compréhension du comportement du modèle de la panique. Seule l'approche quantitative permettrait d'établir des prévisions. Mais cette dernière nécessite un calage précis, difficile à réaliser en l'état des informations disponibles.

83Enfin, la dernière limite concerne la prise en compte de l'espace. Le modèle de la panique, construit sur la dynamique de système, ne permet pas, à l'inverse des modèles microscopiques fondés par exemple sur le déplacement des particules dans un espace, d'intégrer l'hétérogénéité de l'espace. De nouvelles perspectives de recherche sont donc ouvertes.

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Titre Figure 7. Tous les taux du modèle de la panique sont implémentés à 1. La variable d’état, automobilistes paniqués, est initialisée pour une valeur de 10.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Damienne Provitolo, « Un exemple d’effets de dominos : la panique dans les catastrophes urbaines », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Systèmes, Modélisation, Géostatistiques, document 328, mis en ligne le 29 novembre 2005, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/2991 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.2991

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Auteur

Damienne Provitolo

Chargée de recherche CNRS
ThéMA UMR 6049, CNRS, Université de Franche-Comté, 32 rue Mégevand - 25030 Besançon Cedex, France
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