Navigation – Plan du site

AccueilRubriquesEpistémologie, Histoire de la Géo...2001Qu'est-ce que le paysage dans la ...

2001
196

Qu'est-ce que le paysage dans la culture arabo-musulmane classique ?

What is landscape in the Muslim culture?
Lamia Latiri

Résumés

Cet article propose une lecture de la production linguistique et littéraire concernant le concept de paysage dans la culture arabo-musulmane classique1. Les portions de textes sélectionnés, produits par les géographes de cette période, concernent les représentations littéraires du paysage et témoignent de l’existence de modèles paysagers et de stéréotypes permettant d’instaurer un lieu en paysage. Il en ressort que les paysages sont apprécies selon plusieurs critères : visuels, esthétiques et sensoriels.

Haut de page

Texte intégral

Introduction

1L’une des constantes de la culture humaine est sa perméabilité aux influences les plus diverses. Durant différentes périodes de l’histoire, l’Occident chrétien et l’Orient musulman, ont tissé des liens et exercé des influences bilatérales. Le tronc commun entre les sciences musulmanes et les sciences occidentales sont les sciences légués par la Grèce antique2. Les séries d’études et de traductions des ouvrages des sciences grecque, commencées à l’époque Ommeyade et abbasside depuis la fin du VIIIe siècle, poursuivie en Espagne (Cordoue) au XIIe siècle vont profiter à l’Europe Chrétienne tout au long des XIII-XVe siècle3. Il n’est donc pas étonnant de voir apparaître la formulation du paysage à l’aube du XVe siècle en Occident. Il s’agit d’un processus logique qui suit la transmission, l’assimilation et le renouvellement de la philosophie et des sciences antiques. A la suite d’un processus long et complexe, la culture occidentale a formulé ses théories et les significations du paysage et les a orientées de manière à donner une place importante au visuel et à la mise en scène. Cette nouvelle conception s’est introduite dans le monde musulman durant la période coloniale et a été un moyen de modifier les rapports des sociétés arabes à la nature.

2La recherche en sciences sociales, tant en France, que dans d’autres pays européens a élaboré des théories sur la construction sociale et esthétique du paysage. Un certain nombre de connaissances se référant à la place de l'image et du paysage, tant sur les plans linguistique que philosophique et social, ont vu le jour. Certaines théories, qui traitent de la représentation paysagère, tendent à affirmer que le système de représentation paysager et sa recomposition en Occident, se distinguent et se différencient de celui des autres civilisations. L’une des théories d’A. Berque classe les civilisations comme étant paysagères ou non, selon qu'elles adoptent ou pas les critères définies par la culture occidentale4. Il a été établi que pour être paysagère, une culture doit satisfaire les quatre critères empiriques suivants :

  • L’usage d'un ou plusieurs mots pour dire "paysage".

  • Une littérature (orale ou écrite) décrivant des paysages ou chantant leur beauté.

  • Des représentations picturales de paysages.

  • Des jardins d'agrément.

3Qu’en est-t-il de ces quatre critères dans la culture arabo-musulmane classique ?

Le concept de paysage dans la langue arabe

4La langue arabe possède deux mots pour désigner le paysage : littéralement Mandhar et Machhad. Au demeurant, comme en français, ces deux termes peuvent désigner aussi bien l’objet que la représentation de cet objet. Cependant, il semble que le mot Mandhar soit antérieur à Machhad. Il se retrouve dans la quasi totalité des textes des géographes musulmans depuis la fin du VIIIe siècle. Quant au mot Machhad, certains traducteurs placent son apparition vers le XVIIe siècle ; mais on pense qu’il est antérieur, du fait de son existence dans le Lisan5, et aussi dans un texte de géographie de Tijani, datant du XIVe siècle6. Il laisse ce témoignage lors de son voyage dans le Djerid :

"(...) l'esplanade ou panorama (Moutafarijouhum, moutafarijet, de tafaraja, et de chahada) se trouve en un lieu connu sous le nom de "Bab al-Manchar7" et constitue l'une des plus belles scènes, car l'eau se rassemble à cet endroit avant de se subdiviser comme déjà indiqué. C'est là aussi que les blanchisseurs (kassarun) étendent le linge d'une blancheur immaculée et d'autres vêtements colorés et brodés sur toute l'étendue de la place. De cette façon, il semble au spectateur que se déploie à ses pieds un parterre de fleurs et d'eau. A Tozeur il n’y a pas plus beau que cet endroit situé à l'extérieur de la forêt(...)".

Lexicologie paysagère arabe

5La consultation du dictionnaire Français/Arabe al-Mounged, enseigne que :

6le mot paysage est traduit par Mandhar barri (paysage terrestre), pl. manadhir. Mandhar rifi : paysage campagnard. Mandhar bahri : paysage marin. Mandhar tabi'i : paysage naturel. Il est toujours suivi d'un adjectif qualificatif pour spécifier le genre de paysage que l'on observe : Mandhar tarikhi : Paysage historique. Mandhar mi'mari : Paysage urbain, etc. Le panorama est interprété par Machhad-Am, "vue générale". L'arrière plan d'une image ou le fond d’une scène est traduit par Ka'-al-Mandhar

7Dans le Lisan, les synonymes de Mandhar sont Machhad et Khalawi : Regarder avec admiration. Le mot khalawi/khalawat, est l’expression consacrée pour désigner littéralement : un endroit où l’on peut se retirer, celui où il n’y a pas d’habitants, endroit vide de toute présence humaine. Il évoque une réalité subjective. Le mot Mandhar est dérivé du verbe Nadhara : regarder, voir. Al-Nadharu : Hisu al-ayni, nadharuhu, la vision, la vue, la sensibilité de l’œil, son regard, sa vision. Il est à noter que le verbe nadhara a donné naissance à une autre acception philosophique et théologique qui est le nadhar8 : outre son sens concret de regard, il a une signification technique qui est le regard de l’intelligence : la spéculation, l’activité de l’intellect (‘aql). On se situe ici dans le domaine du raisonnement "judicatif9", qui élabore et discerne la validité logique des affirmations et cherche la connaissance par la réflexion. Le nadhar évolue dans la sphère conceptuelle.

8al-Mandharu : ma nadharta ileyhi fa a'jabaka aw asa'aka, al-chay’ al-lathi yu’jibu al-nadhir itha nadhara ileyhi wa yasuruhu, signifie littéralement : ce que tu as regardé et qui a suscité ton admiration ou ton déplaisir, l’objet qui plaît à l’observateur quant il le regarde et qui le rend heureux, content.

9al-Mandharatu : mawka' fi ra's al-jabal fihi rakib yandhuru al-'aduwi, yahrusuhu, al-mandharatu, al-markabatu. Un endroit au sommet de la montagne d'où un garde peut voir l'ennemi et surveiller ; l'observatoire, le col de la montagne.

10Cette terminologie énonce, d’une part, l’idée même du paysage, puisque il y’ a une prise de conscience et un recul par rapport à ce que l’on regarde, c’est ce que propose le terme nadhar, d’autre part, un regard guidé par une appréciation esthétique, c’est le sens de al-Mandharu, enfin, l’existence d’un point haut, al-Mandharatu, qui permet une distanciation par rapport à l’espace observé.

11Dans al-Mounged version arabe, le mot mafraj10 est un terme employé en architecture pour désigner le dernier étage d’une construction, qui permet une ouverture sur l’horizon. Il existe un autre mot très significatif tafarij : futuhat, tafarij al-kiba’ wal darabazin wa ma-achbaha, khurukuha ouvertures dans les coupoles où les garde-fous renvoient à la capacité de voir au travers, à partir du cadrage induit par ses structures. Cela signifie que l'on se situe sur un point haut qui permet d'embrasser le paysage qui s'offre à l'observateur, quelle qu'en soit sa nature. Dans son emploi, c’est un mot qui renforce le terme de mafraj. Ces deux notions de al-mandharatu et de tafarij insistent sur l’espace cadré : un donné reconstruit par une analyse visuelle, c’est-à-dire une découpe signifiante de l’espace observé.

12Mandhar désigne dans son sens premier ce que l’œil voit de beau ou de laid, sans restriction, en se référant à un espace ou à un objet qui pourrait être le sommet d'une montagne, ou un quelconque point haut. Le mot machhad11 évoque aussi le paysage mais avec un second sens, celui de scène. Dans les miniatures cette signification est très caractéristique : les personnages semblent être en représentation. Le paysage est la scène où se déroule l’action. Cette hypothèse découle du fait que le nom Mouchahid, spectateur, dérive du verbe Chahada  : être témoin de quelque chose. Cela laisse entendre que l'on regarde un spectacle qui pourrait être un espace de nature.

13La définition des deux termes enseigne que les mots Mandhar et Machhad ne sous-entendent aucun référent technique lié à la représentation picturale, contrairement au mot paysage 12 tel que l’étudie A. Roger (1978). Les mots qui désignent en langue arabe, pays, contrée, région, territoire, sont autonomes13, et il n’y a aucun lien entre le terme baled (pays) et ceux de Machhad/Mandhar, comme pour la langue française Pays/Paysage par l’ajout du sufixe "age".

"Artialisation du paysage"

14La notion de paysage14 dans la langue arabe exprime donc un concept qui énonce deux notions distinctes mais indissociables. Il a d’abord une réalité "objective" puis une réalité "subjective". Dans le premier cas, il est une étendue d’espace offerte à l’œil. Dans le second cas, il fait appel à l’esthétique. Les mots mandhar et machhad sont extraits de verbes (nadhara, chahada) qui mettent l’accent sur la vision d’un espace sans préjuger de sa dimension, ni de la marque qu’y imprime l’homme. Dans tous les cas, la notion renvoie à un support de la perception. C’est son aspect matériel ou sensible : dans tout paysage, il y a un site, un lieu ou un pays, des éléments constitutifs dont on peut faire l’analyse. La définition arabe introduit deux aspects : le spectacle qui peut être de l’ordre de la nature, de la ville ou de la vie quotidienne et l’esthétique, puisqu’il est question d’un espace qui peut plaire ou déplaire à l’observateur. De plus, le mot khalawi renforce la notion de contemplation puisqu’il suggère un espace propice à la méditation.

15Dans les deux cas de figure, le paysage en langue arabe nécessite un observateur et un regard qui s’attache à lui pour qu’il puisse se matérialiser. Il faut qu’un site soit vu pour qu’il puisse être appelé mandhar ou machhad. Ce point est étayé par les propos d’Ibn Battuta15 qui juché sur la montagne Abu Kobaîs dominant le sanctuaire de la Mecque et le reste de la ville écrit : " (...) de ce point , on découvre la beauté de la Mecque, la magnificence du temple, son étendue et la ca’bah vénéré16". Dans un autre passage parlant du pays du Nadjd, l’auteur rapporte : "c’est un vaste plateau qui s’étend aussi loin que la vue, Nous respirâmes son zéphyr suave et odoriférant (...) du reste cette coupole est une des constructions les plus merveilleuses du monde. De quelque côté que tu te diriges vers la ville, tu l’aperçois s’élevant dans l’espace et dominant tous les autres édifices17". Le paysage est donc un lieu isolé par le regard et contemplé. Il devient une sélection d’objets parmi ceux qui s’offrent à la vue, qui sont regardés comme composants de paysages dans les seuls cas où l’ensemble vu plaît ou rebute.

16A la fin du XIIe siècle le poète Grenadin Al-Gharnaty18 fait allusion à l’importance des points de vue pour la contemplation d’un paysage, parlant du lieu dit Hamah19, il compose ces quelques vers : "Que Dieu protège les points de vue qui bordent la ville de Hamah, et sur lesquels j’ai attaché l’ouïe, la pensée et le regard !".

17La première remarque qui s’impose est que la notion de paysage signale une catégorie de pensée qui est culturellement et historiquement déterminée. Selon ces témoignages, les paysages sont appréciés, d’une part, selon des critères visuels, et d’autre part, selon des critères sensoriels qui permettent d’amplifier l’opération perceptive du milieu et de le qualifier.

18Si en Occident, la notion de paysage renvoie dans une première période à une oeuvre picturale qui participe à la construction d’image mentale et à des stéréotypes construisant les modèles paysagers, dans le monde arabo-musulman, il n’y a pas de référence à des modèles peints. En fait, presque tous les modèles paysagers musulmans sont implicites dans la littérature géographique et poétique arabe. Précisément parce que c’est le seul moyen de description du réel dont dispose cette culture. Le paysage est d’abord une rencontre nécessaire entre un objet du monde et son interception par l’esprit et les autres sens, pour qu’il puisse exister et prendre sa matérialité, c’est ici que la notion de nadhar prend tout son sens, par l’analyse des données visuels, sensibles et la prise de distance du sujet par rapport à l’objet. Ce constat est essentiel : il signifie qu’avant la Renaissance occidentale, l’homme arabo-musulman a su établir une distance entre lui-même, sujet, et la réalité observée, l’objet, distance qui constituerait l’essence même de la modernité.

19La deuxième remarque est que le concept évoqué par les mots machhad/mandhar/khalawi, exprime la portion d’un espace, ou un fragment du monde sensible, sous l’effet d’un regard mentalement guidé et d’une esthétique. Cette esthétique révèle qu’il ne s’agit plus d’un espace quelconque, mais d’un espace singulier, avec des caractéristiques propres, qui font de lui un paysage, puisqu’il s’agit de sa mise en scène. Le fait que cette notion soit porteuse du beau et du laid, permet de préciser la caractéristique du lieu. La laideur peut-être due à un sentiment de peur, telle par exemple, la ‘aqaba20 caractéristique de l’espace montagneux, suggérant la difficulté de la traversée, ou la yahma21 proposant l’implacabilité du désert. De même, la peur peut sublimer (tasaû’d, sumu’, faîq, rai’un) un lieu et le rendre paysager, au même titre que la beauté d’un site lui donne le statut de paysage par la transgression des mêmes référents. Un témoignage rapporté par Sakati, dans une histoire se déroulant en Espagne au Xème siècle22, vient expliciter notre propos :

"(...) l’homme l’emmena, accompagné d’un domestique qui poussait la mule. La femme ne pouvait gravir une colline ou un monticule, longer une vallée ou un ravin, sans manifester son admiration pour le paysage qui se déroulait sous ses yeux, ce qui remplissait l’homme d’une joie et d’une allégresse croissante (...)"23.

20L’emploi des mots machhad/mandhar implique qu’on leur associe trois paramètres :

  • Un support pour la perception, (condition toujours remplie dès lors qu’il y a perception, aussi bien dans la culture arabo-musulmane qu’occidentale. On ne voit que ce qu’on regarde, résultat d’une analyse visuelle). On pourrait ajouter que l’opération perceptive inclut les autres sens (l’ouïe, l’odorat, etc.) et qu’elle n’est pas uniquement focalisée sur la vue, les témoignages rapportés en sont la preuve. Dans son article sur la symbolique et la matérialité du paysage, Y. Luginbühl souligne l’intérêt qui doit être porté à la "dimension poly sensorielle du paysage", qui pourraient permettre "d’établir une relation avec la matérialité du paysage24".

  • Un sujet percevant, individuel ou collectif, dont l’imaginaire contient la représentation du paysage et qui a, par là même, la capacité d’enfermer une portion du monde sensible dans les limites d’un cadre en conférant une signification d’ensemble aux éléments qui sont rassemblés.

  • Une liste infiniment diversifiée de stéréotypes ou de modèles, prêts à assurer la qualification de tous les spectacles du monde sensible susceptibles d’être contenus par la vision et isolés. A l’issue d’une analyse instantanée, ces spectacles pourront contenir ou non le statut de paysage, ayant une valeur et en rapport avec des représentations mentales.

Les représentations littéraires

21La culture arabo-musulmane multiplie les représentations littéraires sur la nature. Il n’est pas rare que les poètes produisent des écrits sur le paysage tels les poèmes de Sanawbari (vers 945)25 qui a donné la plus large place aux évocations de la nature, en chantant un paysage, un jardin, une fleur, etc. Son goût est si marqué, qualitativement et quantitativement, qu’il est considéré comme le poète de la nature. Ces poèmes sont dits floraux (nawriya)26. Cette représentation littéraire de la nature existait déjà dans les poèmes de Virgile, les Bucoliques (42-39 av. J. -C), et on la retrouvera au XVIe siècle dans ceux de Ronsard et de Du Bellay, qui ont chanté la beauté des paysages.

22Le foisonnement des textes littéraires sur la nature a permis la construction de plusieurs modèles paysagers qui ont des valeurs différentes en fonction du contexte et du but recherché. Dans la littérature géographique arabe classique on a pu identifier au moins cinq modèles paysagers terrestres27, dont voici quelques exemples28.

Le paysage utilitaire

23L'un des premiers constats, est que l'intérêt porté par les géographes arabo-musulmans à un espace est avant tout utilitaire29. C’est ce que A. Miquel qualifie de paysage utile30. C'est l'une des manières les plus fréquentes et les plus durables d'appréhender l'espace dans l'histoire de l'humanité. Du moins est-ce celle-ci qui a été identifiée en premier par les historiens, qui ont peut-être négligé les autres dimensions. Elle permet d'analyser, par exemple, l'espace rural comme un ensemble de lieux différenciés par l'usage. Les milieux sont distingués en fonction de leur capacité à produire des denrées agricoles en abondance. L’expression récurrente de terre fertile, ard khasba, dans les textes de géographie arabe classique, voire le terme général de richesse, khayrat suffisent à désigner positivement un lieu31. Dans cette littérature, la coexistence du couple terre fertile (ard khasba et terre stérile (ard kahila) présume de la spécificité du terroir. La première est celle de l’abondance et des ressources vivrières inépuisables, une sorte d’eldorado où chacun peut manger à sa faim. La seconde est souvent décrite en termes négatifs : terre ingrate, désertique et aride, incapable de produire la moindre once de verdure. Les modèles donnés par les géographes arabes de cette époque, comme les régions périphériques des grands déserts, les steppes, certaines régions montagneuses sont des types révélateurs de la parcimonie de la nature et de sa dureté. C’est sous le néologisme de terre impropre à la culture (ghayr saliha lil zira’a) que ces régions sont regroupées. Leur faveur est donnée aux paysages humanisés et domestiqués où le milieu est apprécié parce que pourvoyeur de ressources et de richesse. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’on n’attribuait pas à ces espaces d’autres valeurs. En effet, la différenciation des lieux, contient une autre approche qu’utilitaire. Les géographes musulmans ont attribué à l’espace un éventail assez large d’usages et de valeurs étrangers à l’utilité. Certaines descriptions de pays, territoires, plantes etc. relèvent de ce type.

Le paysage paradisiaque et l’art des jardins musulmans

24Sur le plan intellectuel, le modèle du paradis est une constante dans la quasi totalité des traditions culturelles. L’Islam comme bon nombre d’autres cultures, a tenté de reproduire ce modèle tel qu’il est défini par le Coran. Les califes musulmans avaient élaboré des jardins et des palais dédiés de toute évidence au plaisir et au bonheur d’ici bas, en y laissant une place importante à la contemplation et à la méditation. Les modèles paysagers musulmans s’inspiraient du paradis pour leur structure32. Le jardin est conçu comme un microcosme dans lequel est projetée l’idée du paradis.

25L’art des jardins musulmans, hérité du savoir faire pré-islamique est une réalité inspirée du modèle du paradis, sinon de l’Eden. Les premières traces archéologiques datent de 730. Il existe une description détaillée des jardins du calife Al-Muqtadir datée de 917, où, plus d'un tiers des terrains enclos dans les fortifications de la ville étaient occupés par des pavillons entourés de jardins33. Cependant, il existe deux conceptions du jardins en Islam : celui créé pour le plaisir soit des souverains et de la classe aristocratique, attenant aux palais telles que les muniya et aux demeures seigneuriales telles que les Rahal et les Day’a, soit réalisé pour la subsistance du peuple telles que les qura. Les jardins d’amour, et les jardins enchantés sont, quant à eux, des thèmes fréquents repris dans la littérature et servaient de décor au déroulement des contes. Ils occupaient une place de choix dans les rencontres amoureuses, telle que celle du poète Mutanabi avec Wallada, sœur du souverain Sayf al Dawla34. Plusieurs écrits invitent à pénétrer dans cet espace remarquable, que poètes, amants, agronomes et géographes ont décrit et dépeint35.

26Le travail de Lévy-Provençal36 sur l’Espagne musulmane du Xe siècle, fait mention d’une représentation paysagère très marquée : "L’essor agricole de la Péninsule sous la domination musulmane développa, même chez les citadins, un goût très vif, dont on a maints témoignages, pour la campagne et les jardins. Les maures d’Espagne avaient, par leur tournure d’esprit commune, un sentiment de la nature très prononcé et dépourvu d’affectation, que toute une littérature poétique a exprimé, parfois dans de très beaux vers. A la fin du Xe siècle, les poèmes dits floraux (nawriya) étaient fort à la mode et célébraient la beauté et le parfum des roses, des myrtes, des violettes, des jonquilles, des narcisses et des giroflées37 des jardins de Cordoue38. Les maisons de campagne étaient nombreuses dans toute la vallée du Guadalquivir et autour des grandes villes. On y habitait volontiers pour se reposer de la rumeur et de l’agitation des cités. On s’y complaisait dans la contemplation d’un paysage harmonieusement composé, à l’ombre des grands arbres et dans la fraîcheur entretenue par les eaux courantes".

27Le poète grenadin Ibn Luyûn39, indique la disposition à donner à une maison des champs, dans des vers très caractéristiques qui rappellent parfois certains passages des Géorgiques : "Qu’on choisisse, dira-t-il40, pour bâtir sa maison dans son jardin, le point dominant qui en facilite la garde et la surveillance. Qu’on l’oriente au midi, la porte tout à côté, et qu’on surélève un peu l’emplacement du puits et du bassin41 ; ou mieux encore, qu’il y ait à la place du puits une canalisation d’eau qui coure sous les ombrages. Près du bassin, on plantera des massifs toujours verts, de toutes les espèces qui réjouissent la vue, et plus loin, des fleurs variées et des arbres à feuilles persistantes. Des plants de vigne borderont le domaine, et dans la partie centrale, des treilles ombrageront des passages qui ceindront les parterres comme d’une marge. Au milieu, on installera pour les heures de repos un kiosque qui s’ouvrira sur tous les côtés ; on l’entourera de rosiers grimpants, de myrtes et de toutes les fleurs qui font la beauté des jardins ; il sera plus long que large, pour que l’œil n’éprouve pas de fatigue à le regarder. Tout en bas on réservera un corps de logis pour les hôtes qui viendront tenir compagnie au maître du lieu  ; il aura sa porte, son bassin caché de loin par un bouquet d’arbres. Si l’on installe encore un colombier et une tourelle habitable, tout n’en sera que mieux". On peut aisément comparer ce document à certains textes d’auteurs latins tels que Virgile et Lucrèce, ou aux manuels d’économie rurale du Moyen âge, ainsi qu’à celui de R. L. de Girardin quant à la disposition du jardin et à ses caractéristiques architecturales, dans l’agencement de ses différents éléments constitutifs et l’agrément que l’on peut en tirer.

28Le poète donne les caractéristiques idéales du site pour l’implantation de la demeure et des jardins en assignant une place importante au relief. Le point haut s’avère être essentiel dans la structure de l’ensemble, puisqu’il est présenté dès le départ comme la condition de la réussite du projet. La perspective est sous entendue par les dimensions du kiosque dont la longueur donne la profondeur nécessaire pour s’ouvrir sur un horizon lointain. L’orientation vers le sud fait référence à l’exposition du site par rapport au soleil et à la lumière nécessaire pour l’acclimatation des plantes. En quelques vers bien rythmés, Ibn Luyûn donne les fondements indispensables pour la réalisation d’un jardin parfait, qui répond à l’esthétique de l’époque et qui entre dans le registre d’une valorisation positive. Les exemples abondent et montrent que nulle situation géographique n’est exclue, la beauté étant le dénominateur commun des sites et des environs relevés comme idéaux.

29Le nombre de terme utilisé par des géographes tels que Ibn Hawqal, Muqqadassi, Faqih, etc. hausse le vocabulaire à la mesure de la richesse et des variantes de la nature. Pour le jardin de senteurs, par exemple, il n’existe pas moins d’une dizaine de mots pour désigner les régions qui embaument. Toutes sont à l’Orient, la Palestine, le Yémen, le plateau iranien, la haute Mésopotamie, le Khurasan, la Transoxiane, le Fars et l’Inde musulmane. A leur sujet, les descriptions dessinent des évocations de paradis. Les senteurs puissantes du jasmin embaument le jardin où Muqqadassi s’est promené et a respiré celles du narcisses, et où son parfum se mêle à celui des orangers ; là même où Ibn Hawqal exalte le tapis sauvage de ses fleurs doubles posées à perte de vue, autour d’un caravansérail de la steppe. Parlant de la région de Bukhara Ibn Hawqal laisse ce témoignage : "A partir de Bukhara, en suivant le fleuve de Sogdiane, on voit, de droite à gauche, un terroir cultivé sans interruption jusqu’aux monts du Buttam. La végétation, ici est sans faille huit jours durant, sa splendeur, dans un lacis de potagers, de verdures, de jardins et de prés, sertis de rivières qui coulent toujours ; au beau milieu de cette campagne, des bassins entretiennent la verdure des arbres et des cultures, qui s’étendent des deux côtés du fleuve. Au delà de cette ligne verte, toujours de part et d’autre du fleuve, sont les champs, eux même gardés, en arrières par les pâtures des bestiaux et par les châteaux. De chaque ville, de chaque bourg, une citadelle vient briller au sein de cette verdure, et l’on dirait un brocart vert, strié par l’eau vive et décoré par l’alignement des châteaux. C’est le plus magnifique des pays de Dieu". Le paysage décrit est un champ ouvert à l’imaginaire et à l’évasion. La présence d’une verdure continue est l’une des conditions esthétique du paysage de campagne. Dans le champ des représentations la campagne possède une symbolique double : paradisiaque, par référence à la création divine, et bucolique par le cadre idyllique qu’elle propose.

30Ibn Battuta rapporte qu’Ibn Jubayr utilisa le poème d’un ancien pour parler du Caire/Misr :

"J’en jure par ta vie: Misr n’est pas misr42, mais c’est le paradis ici-bas pour quiconque réfléchit.
Ses enfants en sont les anges et ses filles aux grands yeux, les houris.
Son île de Raudhah est le jardin, et le Nil le fleuve Cauther43".

31C’est encore en parlant du Caire que Nâcir eddin écrit :

"Le rivage de Misr est un paradis dont aucune ville n’offre de pareil ;
Surtout depuis qu’il a été orné de son Nil aux eaux abondantes.
Les vents qui soufflent sur ses ondes y figurent des cottes de mailles,
Que la lime de leur David n’a pas touchées44.
Sa température fluide fait trembler l’homme légèrement vêtu.
Ses vaisseaux, semblables aux sphères célestes, ne font que monter et descendre."

Le paysage bucolique

32Dans le registre des paysages bucoliques45, les milieux qui méritent la palme sont les plaines fertiles, les oasis, qui sont rarement séparées des qualificatifs esthétiques qu’ils partagent avec le vallon et le coteau. Par opposition, les paysages dévalorisés sont ceux de l’escarpement montagneux, des terres incultes, des déserts implacables46. Cette valorisation esthétique, positive ou négative, de l’espace, s’intègre dans une vision culturaliste des lieux : leur beauté et leurs attraits contribuent à leur image de marque. Les ouvrages de géographie arabe attestent la prédilection et le goût pour les cités et leurs campagnes environnantes. La qualité architecturale et urbanistique47 donne aussi lieu à de nombreuses allusions, qui témoignent de l’intérêt porté à la perception de l’environnement, qu’il soit immédiat tels les espaces intra-urbains ou proches telle la campagne. Ceux-ci laissent transparaître les notions de sites et de situations. Les critères de salubrité, d’esthétique et d’économie se conjuguent pour désigner des espaces ouverts, accessibles et bien desservis comme des types d’espaces idéaux. Les cités peuplées sont considérées comme positives dans le processus de l’évaluation d’un lieu : "Elle possède de beaux marchés qui réunissent les denrées d’un produit avantageux, et les divers métiers ; elle renferme une population nombreuse, et les enclos de palmiers la bordent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, de sorte que les maisons sont situées entre ceux-ci. On y voit un grand pont, construit sur des bateaux réunis et rangés entre les deux rives. Des chaînes de fer les entourent des deux côtés, et sont fixées, à chaque bord, à une grande poutre, solidement établie sur le rivage"48.

33L’énumération des misr, des qura, des biled, fait partie de la procédure classique de la description des lieux et montre l’intérêt porté aux endroits peuplés. Les étendues sans présence humaine sont fortement critiquées. Le cultivé s’oppose au sauvage, et participe à la construction d’un idéal paysager élitiste, nourrissant la vision ordonnatrice d’une société rurale prospère et harmonieuse49. Par exemple Ibn Battuta, rapportant les propos d’Ibn Hawqal, écrit : "Le canal d’Obolla est le plus important des canaux de la contrée, il s’étend sur quatre parasanges entre Bassorah et Obolla, et ses deux rives sont bordées de palais, de vergers contigus comme si c’était un seul verger tracé au cordeau, et se succèdent sans arrêt les beaux sites, les gracieux belvédères, les constructions fastueuses, les pavillons magnifiques, les arbres pleins de fruits, des fruits délicieux, des plantes odoriférantes toutes fraîches qui ressemblent à des êtres vivants, des larges bassins bien aménagés, qui ne manquent jamais de promeneurs venant y profiter de ces avantages exquis et de passants qui vont et viennent50. " Ou encore à propos de Damas : "Les gens de Damas ne font aucun ouvrage le samedi ; mais ils se rendent dans les lieux de plaisance, sur les bords des fleuves et sous l’ombre des grands arbres, entre les jardins fleuris et les eaux courantes et ils y restent tout le jour, jusqu’à l’arrivée de la nuit"51. Les jours de congé ne sont pour ainsi dire pas l’exclusivité de notre siècle et encore moins les pique-niques au bord de l’eau dans le cadre d’une nature champêtre. Reprenant les propos d’Ibn al-Jubayr sur Damas, Ibn Battuta ajoute : "...Mais il n’a pas décrit les teintes dorées de son crépuscule, au moment où a lieu le coucher du soleil, ni les temps de ses foules agitées, ni les époques de ses joies célèbres...".

34La description des espaces ruraux laissent apparaître que la campagne est considéré comme le prolongement du jardin mais à l’échelle du territoire. L’étendue de l’empire musulman et la richesse culturelle qu’il englobe ont permis la circulation dans cet immense territoire de nouvelles idées, de nouveaux procédés techniques, de nouvelles façons d’organiser l’espace. Les influences indienne, persane ou même chinoise ont été déterminantes dans la création des paysages postérieurs. Ces nouveaux horizons ont joué un rôle capital sur l’imaginaire et la représentation paysagère musulmane.

35L’invention du paysage musulman à l’époque abbasside, ne se manifeste pas uniquement par son apparition dans les miniatures, les ouvrages littéraires, etc., mais aussi par l’élaboration de projets d’aménagement. Toutes les villes-nouvelles de l’Islam, créées de toutes pièces sous l’égide de certains souverains, telles que al-Zahra, Samarqand, Bagdad, Kairouan, Fez font partie de cette mouvance. La traduction des ouvrages de science grecs, l’élaboration des sciences naturelles au sens où l’homme les entendait entre les VIIIe et XIe siècles, ont permis de faire germer la conception évolutive et progressive des paysages, envisageables sous la forme d’un certain idéal spatial. Le témoignage de Gharnaty corrobore ce propos :

"Fixe ta demeure à Djilik, entre la coupe et la corde des instruments, dans un jardin qui remplit de satisfaction l’ouïe et la vue. Fais jouir tes yeux de la contemplation de ses beautés, et exerce ta pensée entre les parterre et le fleuve ;Regarde à Damas les teintes dorées qu’y revêt le soir, et écoute les mélodies des oiseaux sur les arbres. Et dis à celui qui blâme un homme de ses plaisir  ;Laisse moi, car, à mes yeux, tu ne fais pas partie des êtres humains".

36L’apparition des termes landsturm, paysage etc. dans les langues européennes, implique le désir de se représenter l’aspect du pays et de l’instituer en objet de contemplation et de plaisir, elle est la forme d’une reconnaissance de la culture bucolique52. Dans la culture arabo-musulmane, ce serait le désir de se représenter le paradis d’Allah sur terre, et de rendre la campagne similaire à un jardin incommensurable53 ; campagne bucolique, où abondent les récoltes et où se lit l’harmonie entre l’homme et son territoire.

37Si en Occident, on a vu naître au cours des temps plusieurs types de jardins, à la française, à l’anglaise etc., le jardin musulman, quant à lui, a su rester égal à lui même : on ne peut envisager un type de jardin plus beau que le paradis, modèle parfait, il sera toujours d’actualité. Par contre, l’usage et la pratique sociale de la nature peuvent introduire et produire de nouveaux modèles. De cette approche on pourrait se demander si le bucolique ne se construit pas sur une référence primordiale qui est celle de l’Eden, se projetant sur le territoire (qu’il soit rural ou particulier), pour cerner l’idée de l’intérêt d’une mise en valeur, qui a un objectif évidemment économique.

Pittoresque ou bucolique ?

38En Occident, le pittoresque est d’abord ce qui est digne d’être peint, ensuite et peu à peu, il devient ce qui étonne dans la découverte des territoires en ce qu’ils ont de très spécifiques. C’est donc la rareté, ce qui émeut qui deviennent les caractéristiques du paysage pittoresque. Ce modèle s’est formé de façon significative au XVIIIe siècle et encore plus au XIXe siècle, avec le développement dans les couches aisées de la bourgeoisie, de la pratique du voyage54. Y. Luginbühl et N. Cadiou55 rapportent que c’est sur la base du terme picturesque que se fonde ce nouveau modèle paysager qui regroupe les monuments naturels et les lieux historiques. Cependant dans certains passages des textes de géographie arabo-musulmane, il semble que le pittoresque soit souvent confondu avec le bucolique. Si l’on s’en tient aux voyages, ils touchent, certes, la classe bourgeoise musulmane, mais ne sont pas son exclusivité. Les relations de voyage contiennent, notamment, bon nombre de passages où il est question de paysage à mi chemin entre le pittoresque et le bucolique.

39Il semble que dans la définition arabe du pittoresque, il y a eu un réajustement contemporain en rapport avec la définition occidentale. En effet, le dictionnaire al-mounged (version français -arabe), le définit comme suit : Le pittoresque : (taswiri, wasf, tarif). Ce qui est digne d’être peint (jadir bil-taswir, bil-rasm ), jardin, paysage, (hadiqa/mandhar), original (tarif), paysage beau (baha’), site extraordinaire (rawa’, mawqa’). Or, a notre connaissance, dans les descriptions livrés par Faqih, Massudi, Ibn Hawqal, Becri, etc. ; aucun n’emploie l’adjectif taswiri qui se réfère à la peinture, de la racine sawwara/musawwir dont bon nombre d’auteurs soulignent la controverse et les polémiques par rapport au rôle du peintre et de Dieu56. Mais tous, à un moment ou à un autre de leurs ouvrages, ont fait mention de paysages originaux et/ou hors du commun. Ce modèle semble être en rapport avec les monuments naturels et les sites ou lieux historiques. Il s’agit d’abord de dépeindre par la métaphore, et c’est le second sens de taswiri et de décrire (wasf) des lieux qui les ont émus par leur caractéristiques propres, le différenciant dans la mesure du possible du bucolique. Les ruines, et les sept merveilles du monde par exemple, ne semblent pas faire partie du paysage bucolique, mais probablement, constituent-elles l’ossature du paysage pittoresque.

40Ibn Battuta donne de riche descriptions des sites historiques, qu’ils soient musulmans ou non. Les descriptions font appel à des images littéraires qu’il construit en visitant les pyramides pharaoniques et les temples. Il les considère comme faisant partie des merveilles du monde. Ainsi en est-il de longs passages concernant la plupart des cités antiques irakiennes ou syriennes. Certaines descriptions sont copiées sur Ibn al-Jubayr, géographe du XIIe siècle qui les a visitées en 1183-1184. La description du phare d’Alexandrie serait aussi empruntée à un auteur ancien57. Mais, le mérite d’Ibn Battuta est d’avoir signalé lors de son passage leur existence ou leur disparition. Il ne semble pas que les descriptions soient uniquement focalisées sur les sites urbains, les ruines, leur originalité et leur histoire, mais aussi sur certains autres lieux. L’accent est mis sur leur originalité, leur beauté et l’agrément qu’ils procurent par leur singularité.

Le paysage panoramique

41Le modèle panoramique implique la vue d’un paysage depuis un sommet qui permette d’embrasser l’espace environnant sous un angle de 36058 .

42La définition arabe concernant le panorama machhad ‘am, implique al-mantharatu, l’endroit au sommet de la montagne, qui permet d’avoir une vue d’ensemble de l’espace observé : l’observatoire, le col de la montagne. Or la différence majeure entre l’Occident et l’Islam sur ce point, est que la culture occidentale a largement diffusé les tables d’orientation et les représentations dites panoramiques tandis que l’Islam n’en usera pas, sauf sur le plan littéraire. A notre connaissance et jusqu’à preuve du contraire, il n’existe pas de représentation de paysages panoramiques dans la miniature musulmane.

43En décrivant la colline de Kacioûn Ibn Battuta écrit : "C’est un des plus jolis points de vue du monde et un des plus beaux lieux de plaisance"(...) "Cette colline domine les jardins qui entourent la ville, et sa beauté et l’étendue du champ de délices qu’elle offre aux regards sont incomparables (...). Les yeux demeurent éblouis de la beauté de leur ensemble, de leur séparation, de leur courant et de leur effusion. En somme, la grâce de la colline et sa beauté parfaite sont au dessus de tout ce qu’on peut exprimer par une description".

Le paysage fantastique

44Le mot sublime possède en langue arabe plusieurs synonymes : dans le dictionnaire français/arabe al-Mounged : sublime60 : faiq, samy, nabil, ra’i’, mutasai’d/tasa’ud sublimation, élévation. Dans le dictionnaire al-Mounged en langue arabe : ra’a : faza’a, fahwa rai’un wa rawi’un, avoir peur, être effrayé, la noirceur du cœur. Cependant, le terme rai’un possède un second sens, il peut vouloir dire : plaire, ce qui te plaît par la beauté de son aspect et de son courage, raw’an, ra’ahu al-amru, a’jabahu, rawa-’a : ism min al-arwa’a, wahwa al-lathi yu’jibuka bi-husnihi aw chaja’atihi.

45Le paysage sublime né au XVIIIe siècle en Occident, véhicule l’idée que la nature peut-être vaincue, que tout obstacle peut être dépassé grâce à la technique et à la supériorité de l’homme61. Or, ce modèle est explicitement existant dans la pensée musulmane à travers l’espace désertique et certains aspects de l’espace montagneux. Mais l’emploi du terme sublime, dans son acception occidentale, est impropre pour la culture musulmane de cette époque, car le sentiment de peur n’est pas totalement dépassé. Certains aspects des espaces montagneux et désertiques sont beaucoup plus investis de l’imaginaire poétique et fantastique, qui sans doute, avec leur conquête les transforme en espace sublime, mais uniquement dans le cas où le fantastique, représenté par les entités qui hantent le désert, est vaincu. Le texte de Massudi est à la limite du fantastique et du sublime. Il 62 écrit :

"Il existe une foule de légendes sur les goules, les shaytan, les marids, les djinns l les qutrub et les udar. On appelle de ce dernier nom une de ces espèces diaboliques. Le udar se montre dans les parties les plus reculées du Yémen et des déserts, et dans les cantons les plus élevés de la Haute Égypte. Parfois il marche derrière les humains et les sodomise. Les victimes ont alors l'anus infesté de vers et périssent. D'autres fois, il se montre aux hommes et les épouvante. Quand un homme d'une de ces régions que nous avons nommées a été l'objet des entreprises de l'animal, ses compatriotes lui demandent s'il a été outragé ou s'il en a été quitte pour la peur. Dans le premier cas, on désespère de lui, mais s'il a éprouvé une simple terreur, il se remet bientôt de ses angoisses et s'aguerrit. Car il faut dire que l'homme, sitôt qu'il aperçoit ce monstre tombe sans connaissance. Il en est toutefois à qui la vue de l'animal ne fait éprouver aucune angoisse, tant ils ont d'énergie dans le cœur et de courage dans l'âme. Tout ce que nous venons de dire est parfaitement connu dans les pays dont nous avons parlé. Au surplus, il est possible que tous les détails que nous avons rapportés d'après les récits des habitants de ces contrées ne soient que des chimères, des fantasmes et de ces visions dues aux maux et maladies auxquels est exposé tout ce qui a vie, homme ou animal. Dieu sait mieux que quiconque ce qui en est".

Les représentations picturales

46Contrairement à la culture occidentale, les représentations picturales de tradition arabe n’existent que sous forme de miniature. Elles remontent au VIIIe siècle et trouvent leur essor à partir du XIIIe. Si la perspective linéaire n’est pas respectée aux yeux des occidentaux, il arrive qu’elle soit maîtrisée et dénote un parti pris esthétique63. La culture arabo-musulmane fut fortement influencée par le courant néoplatonicien foncièrement antinaturaliste, ce qui la conduite à une représentation qui tend vers la stylisation et l’idéalisation, ce qui amène à produire des miniatures à caractère ostensiblement artificiel. Les composantes de la nature sont donc des symboles plutôt que des éléments tangibles.

47Les sujets traités par les miniatures sont divers : on rencontre des représentations de la vie des princes, souvent associés avec les jardins, des scènes de la vie quotidienne des paysans et des bédouins, des scènes de déroulant dans le désert, souvent à rapprocher des représentations mystique, et celles de batailles, de fables, de merveilles, etc.

48L’organisation de l’espace dans les miniatures, se construit à partir de la spirale qui structure les différents plans de la composition. Ces plans successifs sont mis en évidence non pas par la perspective, mais par la couleur et donnent l’illusion de la profondeur. Selon la terminologie d’A. Papadopoulo, la miniature est constitué par le monde représenté et par le monde autonome des formes. L’espace autonome donne l’impression que le foyer de vision est plus ou moins élevé, car les personnages se disposent du bas vers le haut de la surface peinte. Le monde autonome est associé à la spirale ou à l’arabesque et servent à structurer l’espace peint. Le monde représenté est constitué par les représentations figurative, c’est-à-dire, les personnages et les fonds de scènes. C’est dans ces derniers que l’on trouve des représentations paysagères très marquées64. Les miniatures, munamnamat, sont un genre de peinture délicate de petite dimension, et peuvent être considéré comme des modèles réduits de tableaux, mettant en scène des représentations diverses. Les fonds de miniature, ka’ al-Mandhar seront souvent des paysages, des architectures, etc. mais ces représentations ne sont pas à rapprocher des représentations picturales occidentales. Les miniatures musulmanes sont des images participant à l’enluminure d’un manuscrit. Elles resteront toujours de petites dimensions et n’acquerront la taille des tableaux occidentaux qu’à partir du XIXe siècle.

Conclusion

49Pour définir un paysage il est important de tenir compte des phénomènes culturels, de coutumes, d’habitudes propres à la société dans laquelle on vit. Le déchiffrement du paysage suppose donc un "langage" commun, en l’occurrence la participation à de grandes réactions affectives collectives ou individuelles et à tout un système de mythes, de représentations, et de symboles. L’analyse des modalités de la construction paysagère suppose de tenir compte des spécificités culturelles de chaque pays et de chaque civilisation, puisque le paysage peut prendre des significations bien différentes, car de nombreux éléments culturels étroitement liés à un contexte peuvent intervenir dans le décryptage de ses différentes significations. Le paysage n’est que l’expression culturelle de la perception du monde sensible et de sa représentation à travers des critères définis par la culture qui lui sont sous-jacent.

50Il est important de souligner que la mise en parallèle des modalités de construction paysagère entre le monde arabe et occidental n’est pas évidente. Les études se rapportant aux diverses modalités de construction paysagère dans d’autres civilisations qu’européenne, chinoise ou japonaise en raison de leurs traditions picturales n’ont pas suscités l’engouement des chercheurs. Le débat65 ouvert entre plusieurs spécialistes sur la question du paysage dans les sociétés exotiques, par exemples, reste entière. Mais certains constats soulevés par Lévi-Strauss quant à l’impossibilité d’établir des comparaisons entre des sociétés qui ont peu de points communs est très importante. En effet, dans la culture occidentale, le paysage ne peut se concevoir sans une référence obligée à la peinture, il est la marque qu’imprime l’homme sur la nature et nécessite une distanciation et une échelle sans quoi il ne peut exister. En se fondant sur ses principes, cet article a voulu monter que la conception du paysage dans la culture arabo-musulmane n’est pas la même que pour l’Occident, bien que la manière dont elle est construite soit souvent identique. Cette civilisation possède une terminologie paysagère, un art des jardins, des textes poétiques dépeignant des paysages divers, et des miniatures qui ne sont évidement pas à mettre sur le même plan que les représentations picturales occidentales.

Notes

1 Cf. Latiri Lamia, La mise en paysage des systèmes d’irrigation dans les oasis du sud tunisien. Thèse d’Université. Paris I-Panthéon-Sorbonne. T1 & T2, 1999.

2 Cf. J. Vernet, Ce que la culture doit aux arabes d’Espagne. Trad. Gabriel Martinez Gros. Sindbad, 1989. Cf. J. B. Coustou, Arabe et humanisme dans la France des derniers Valois. Maisonneuve et Larose, 1989.

3 Cf. E. Renan, Averroès et l’Averroïsme. Préface d’Alain de Libera. Coll. Dédale. Maisonneuve et Larose. 1997.

4 "Par ailleurs, de grandes civilisations, comme l'Inde ou l'Islam, ont appréhendé et jugé leur environnement dans des termes irréductibles à la notion de paysage. En réalité, le mot de paysage, les tableaux de paysage, l'exaltation esthétique et morale du paysage sont des phénomènes particuliers, dont la plupart des cultures ne donnent pas l'exemple". Cf. A. Berque. 1990. Médiance, de milieux en paysages. Montpellier, Élysée Reclus.

5 Lisan al-Arab, dictionnaire de langue arabe, 20vol. Le Caire, 1299-1308H (1879-1888).

6 "Les pérégrinations de Tijani", traduit par moi. Les éditions officielles de Tunis, 1958, pp.157 à 163. C'est entre 1306 et 1309 qu'al-Tijani se rend à Tozeur (sud tunisien).

7 Le nom de cette porte évoque les activités qu’on y pratique, à savoir le blanchiment du linge. C’est l’équivalent du lavoir des lavandières en Occident. Manchar : lavoir, étendoir.

8 L’orthographe peut aussi s’écrire avec th : nathar. Cf. Latiri, thèse, T.1. p.92.

9 Cf. Guy Monnot, Islam et religions. Maisonneuve et Larose, 1986. p.98

10 Actuellement c’est un terme encore très répandu au Yémen, et qui n’a pas subi de modification de sens. Dans une maison yéménite, le rez-de-chaussée fait fonction d’étable, le premier étage est réservé aux femmes âgées, le deuxième étage aux hommes âgés et l’étage suivant est le mafraj, domaine incontestable du patriarche.

11 Machhad est aussi le nom qu’a pris une ville d’Iran, probablement à cause de la qualité du site.

12 Cf. Latiri, ibid., T.2. p.344.

13 Le mot ufuq a pour synonyme qutr, il désigne une région ou une contrée, I'mara désigne la terre cultivée et le mot Biled pl. Bulden, désigne le pays.

14 Notion empruntée à A. Roger (1991) par laquelle il voulait exprimer que pour qu’il y ait production de paysage une double action s’impose : l’artialisation in situ et in visu.

15 Ibn Battuta, géographe maghrébin du XIVe siècle, Cf. Les trois volumes des voyages d’Ibn Battuta. La Découverte, 1994.

16 ibid., T.1, p.309.

17 ibid., p.353 et description de la mosquée de Damas, p.214.

18 1214-1286, géographe , historien et critique littéraire, originaire de Grenade. Il a voyagé dans l’est entre 1240 et 1254. Cf. Ibn Battuta, pp.177 et 210.

19 Ville qui constituait un sultanat indépendant sous la suzeraineté de l’Égypte, gouverné par une branche de la famille ayyoubide.

20 ’Aqaba, col de la montagne. Cf. L. Latiri, ibid., T1. p.99.

21 L’un des noms donné au désert, voir Latiri, ibid., T1. p.111.

22 Cf. G. S. Colin et Lévy-Provençal, Un manuel hispanique de hisba, glossaire, s. v, pp. 47 sqq. Sur le commerce des esclaves en Espagne musulmane.

23 Voir Lévy-Provençal. 1996. L’Espagne musulmane, au Xe siècle. Institutions et vie sociale. Maisonneuve et Larose, 192-193.

24 Y. Luginbühl. 1998. Symbolique et matérialité du paysage. In Revue de l’Économie Méridionale, Le paysage entre Culture et Nature. 3 Vol. 46. N°183.

25 Il fut le poète de la cour des Hamdanides d’Alep. Cf. A. Miquel, Du désert d’Arabie aux jardins d’Espagne. Seuil, 1992.

26 Cf. E. Lévi-Provençal, L’Espagne musulmane, op-cit. Cf. L. Latiri, ibid., T1. p.166.

27 En ce qui concerne les espaces maritimes et fluviaux, j’ai relevé quelques modèles paysagers, il s’agit d’un dépouillement de corpus de textes divers. Ces espaces n’ont pas encore fait l’objet d’une recherche approfondie quant aux représentations qu’ils recèlent.

28 Pour les modèles paysagers à forte connotation religieuse, on trouve la montagne, le désert et la campagne par certains de ses aspects. Pour les espaces fantastiques, on trouve des modèles liées à l’espace montagneux et au désert etc. Cf. Latiri, T.1, 128-173.

29 L’utilitarisme ne se résume pas uniquement dans les biens que peut produire la terre, mais aussi comme outil de conquête : G. Sautter, dans son article, paysagisme, écrit que décrire les paysages revenait à faire la guerre  ; il n'a probablement pas tort, car on sait que la description des territoires relève aussi de la stratégie militaire, elle est utile au monarque et est considérée comme un outil politique. Dans la géographie musulmane, elle relève d'une rubrique spéciale, la géographie administrative, créée aussi pour des buts expansionnistes.

30 Cf. A. Miquel, La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du XIe siècle : Le milieu Naturel. EHESS, 1980.

31 Voir l’article de M. V Ozouf-Marignier, in : Du milieu à l’Environnement : L’environnement vu par les notables locaux à la fin du XVIIIe siècle, p. 2.

32 L’idée première d’un jardin qui représente une portion d’univers paradisiaque, remonte à une conception directement dictée par le prophète dès le début de sa mission à la Mecque. Elle donne une suite logique à une plus ancienne notion judéo-chrétienne de l’Eden. Au delà de l’idée d’un espace cultivé empreint de félicité divine, toute littéraire, le prophète a promulgué des règles quant à l’organisation à donner aux jardins, à leurs composantes floristiques et à la manière d’en profiter. Les thèmes qu’il a développé ont profondément influencé les croyants sur leur perception et leur conception de l’espace et de la nature, et donc de leurs réalisations.

33 Cf. B. E. Macdougall & R. Ettinghausen, The Islamic Garden. Dunbarton Oaks Colloquium on the history of landscape architecture, 1976. L. Latiri, ibid., p.173

34 L’un des souverains de l’époque Hamdanide (915-967), qui a protégé les poètes et a permis à Mutanabi d’exercer son art au sein de sa cour.

35 Bien évidement il ne s’agit pas d’une spécificité musulmane. Cf. M. Mosser & G. Teyssot, L’architecture des jardins d’Occident, éd. Electa, Milan, 1990. G. Gromort, L’art des jardins. éd., Ch. Massin, Paris, s.d.

36 E. Lévy-Provençal, L’Espagne musulmane, op-cit, 174-75.

37 Beaucoup de fleurs ou de plantes odoriférantes portent encore en Espagne des noms d’origine arabe : ainsi albahaca (par transposition de l’arabe al-habaqa, basilic) ; azucena (arabe : as-saoussan, lis) ; alhucema (arabe al-khuzama, lavande) ; jazmin (arabe : yasmin, jasmin) etc. En outre, le mot arabe qui signifie parterre de fleurs, ar-riyadh, s’est conservé en Andalousie sous la forme arriate pour désigner "une bordure de fleurs le long d’un mur".

38 D’après Lévy-Provençal, on trouvera plusieurs spécimens dans Ibn ‘Idâri, Bayan, III, p 18 sqq. Cf. également R. Blachère, sa’îd de Bagdad, in Hespéris, X, 1930, p.32.

39 Sur cet auteur, né à Almeria en 1282, mort en 1349, Cf. Les références citées par E. Lévy-Provençal, Les manuscrits arabes de Rabat, 1921, pp. 21, n°58.

40 Le texte arabe de cette partie du poème didactique d’Ibn Luyûn est donné, d’après le manuscrit conservé à la bibliothèque de l’Université de Grenade, par Lerchundi et Simonet, Crestomatia arabigo-espagnola, Grenade, 1881, 136-37.

41 En arabe : Sihrig (hisp. saharig). Ce mot s’est conservé en Catalan sous la forme safareix, avec le sens de lavoir. Pour plus de détail voir Lévy-Provençal, ibid.

42 Misr : le Caire, et misr : une grande ville.

43 On remarque que ces vers sont truffés d’allusions paradisiaques contenues dans le Coran : "Des éphèbes immortels circuleront autour d’eux (les élus) portant des cratères, des aiguières et des coupes remplies d’un breuvage limpide". (LVI, 17-18). "Voici que nous leur donnerons pour épouses des houris aux grands yeux". (XLIV, 54). Cauther est le fleuve du paradis, ce dernier étant comparé à l’île de Rhodah, lieu d’agrément au Caire. Ibn Battuta, ibid., pp. 121.

44 Coran, XXI, 80. "Nous lui avons appris (à David) pour vous la fabrication des cottes de mailles".

45 L’adjectif bucolique est traduit en arabe par ra’aii et fait référence à la pastorale comme pour l’Occident.

46 Cf. Latiri, op-cit, T.1, 99-128.

47 Décrivant les mérites des habitants de Damas Ibn Battuta fait allusion aux différentes dépenses des fondations pieuses de cette ville et de leur contribution à son embellissement : ...Ceux pour l’entretien des chemins et le pavage des rues. Ces dernières, à Damas, sont pourvues, de chaque côté, d’un trottoir où marchent les piétons ; ceux qui sont à cheval suivent la route du milieu. op-cit, p.241. On note une différenciation entre les espaces réservés au piétons et ceux réservés aux possesseurs de montures.

48 Description donnée par Ibn Battuta de la petite ville de Hillah, fondé en 1102 par le cheikh Sadaqa bin Mazyed, comme siège d’une petite principauté arabe. Grâce à ce pont sur le bras de Hilla, l’ancien bras de l’Euphrate, elle devint une station importante de la route allant de Bagdad au Hidjaz. Op-cit, p.432.

49 Cf. Y. Luginbühl, Le rural pour penser la nature ? in Du Rural à l’Environnement, p.102.

50 Ibn Battuta, op-cit, 381-382. Il s’agit de l’ancienne ville romaine d’Apologos qui occupait le site du quartier d’Ashar de la ville actuelle de Basra. Lors du passage d’Ibn Battuta, il ne restait plus que des ruines où l’on voyaient encore les vertiges de châteaux qui témoignent de son ancienne splendeur.

51 Ibid., p.212.

52 Nathalie Cadiou & Y. Luginbühl, Modèles paysagers et représentations du paysage en Normandie-Maine, in Paysage au Pluriel. p.22.

53 Notion empruntée à B. Lassus. Jardins imaginaires, les habitants paysagistes. Presses de la Connaissance. Paris, 1984.

54 N. Cadiou, Y. Luginbühl, ibid., p.25.

55 Idem., p.20.

56 Pour éviter la représentation d’une nature réaliste, oeuvre de Dieu, l’artiste était soumis a un certain nombre de règles, qui lui permettaient de représenter le monde sensible mais en y semant quelque invraisemblance, démontrant sa bonne foi de ne pas vouloir imiter la création divine. Cf. A. papadopoulo, ibid. Latiri, ibid., t1 pp. 36.

57 Voir la description du phare, tome I, p.94. Outre le phare, il décrit la Colonne des piliers, célèbre colonne dite de Pompée, comme étant une merveille d’Alexandrie : elle est située au milieu d’une forêt de palmiers, et on la distingue de tous ces arbres à son élévation prodigieuse. Elle est d’une seule pièce, artistement taillée, et on l’a dressée sur des assises en pierres carrées qui ressemblent à d’énormes estrades. p.95.

58 Ibid.

59 Pour cet endroit, voir la même référence, 236-240.

60 Cf. Latiri, op-cit, T2, p.438.

61 Ibid.

62 Massudi, Les prairies d’or, muruj al-Thahab t.3, p.314. trad. Pellat, société asiatique, 1962.

63 A. Papadopoulo, op-cit. Cf. L. Latiri, ibid., T1. p.41. Pour des raisons philosophique et théologique, les artistes musulmans se devaient de pas imiter la nature dans son aspect réel. Cela les a amener à produire des représentations plates, sans ombre etc.

64 Cf. Latiri, op-cit, 55-75. De nombreuses illustrations montrent des représentations paysagères très caractéristiques.

65 Cf. Études Rurales, Janvier-Décembre

© CYBERGEO

Haut de page

Bibliographie

Al-Tijani. 1958. Les pérégrinations de Tijani. Tunis, les éditions officielles de Tunis.

A.Berques. 1990. Médiance, de milieux en paysages. Montpellier, Reclus.

R.Blachère. 1930. Sa’îd de Bagdad. Hespéris.

N.Cadiou, Y.Luginbühl. 1995. "Modèles paysagers et représentations du paysage en Normandie-Maine" Pour une approche ethnologique des paysages. Coll. Ethnologie de la France. n°9. Paris, La Maison des Sciences de l’Homme.

A.Corbin. 1990. Le territoire du vide, l’Occident et le désir de rivage, 1750-1840. Paris, Flammarion.

J.B.Coustou. 1989. Arabe et humanisme dans la France des derniers Valois. Maisonneuve et Larose.

G.Gromort. s.d. L’art des jardins. Paris, Massin.

Ibn Battuta. 1994. Voyages. Paris, La Découverte. 3 tomes.

B.E.Macdougall, R.Ettinghausen. 1976. The Islamic Garden. Washington D.C., Dunbarton Oaks.

A. Miquel. 1980. La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du XIe siècle : Le milieu Naturel. Paris, EHESS.

A.Miquel. 1992. Du désert d’Arabie aux jardins d’Espagne, Paris, Seuil.

G.Monnot. 1986. Islam et religions. Maisonneuve et Larose.

M.Mosser & G. Teyssot. 1990. L’architecture des jardins d’occident. Milan, Electa.

B. Lassus. 1984. Jardins imaginaires, les habitants paysagistes. Paris, Presses de la Connaissance.

L.Latiri. 1999. La mise en paysage des systèmes d’irrigation dans les oasis du sud tunisien. T1-2. Thèse d’Université. Paris I-Panthéon-Sorbonne.

Lisan al-Arab. 1299-1308H (1879-1888). 20 vol. Le Caire.

Lerchundi et Simonet. 1881. Crestomatia arabigo-espagnola. Grenade.

M.V Ozouf-Marignier.1992. "L’environnement vu par les notables locaux à la fin du XVIIIe siècle" in Du milieu à l’Environnement : Pratiques et représentations du rapport homme/nature depuis la Renaissance. Paris, Economica.

Y.Luginbühl. 1989. Paysages : textes et représentations du paysage du siècle des lumières à nos jours. La Manufacture. Barcelone.

Y.Luginbühl.1989. "Le rural pour penser la nature ?" in N.Mathieu, M.Jollivet. (eds), Du Rural à l’Environnement. La question de la nature aujourd’hui. Paris, L’Harmattan.

Y. Luginbühl. 1998. "Symbolique et matérialité du paysage". Revue de l’Économie Méridionale, Vol.46., n°183.

A.Papadopoulo. 1976. L’Islam et l’art musulman. Mazenod.

E.Lévi-Provençal.1996.L’Espagne musulmane au Xe siècle, Institutions et vie sociales. réed. Maisonneuve et Larose.

E.Lévy-Provençal. 1921. Les manuscrits arabes de Rabat. n°58.

E.Renan. 1997. Averroès et l’Averroïsme. Maisonneuve et Larose.

G.Sautter.1991. "Paysagisme". In Études Rurales, n°121-124. Jan-Dec.

J.Vernet. 1989. Ce que la culture doit au arabe d’Espagne. Sindbad.

Haut de page

Document annexe

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Lamia Latiri, « Qu'est-ce que le paysage dans la culture arabo-musulmane classique ? », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Epistémologie, Histoire de la Géographie, Didactique, document 196, mis en ligne le 16 octobre 2001, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/4036 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.4036

Haut de page

Auteur

Lamia Latiri

France, latiri@free.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search