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1997
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Au sujet des transformations cartographiques de position

About mapping transformations
Colette Cauvin

Notes de l’auteur

Ce texte est une adaptation d´une communication présentée à l´occasion du Soixantième anniversaire de l´Ecole de Cartographie de Paris - 19 Octobre 1996

Texte intégral

1La carte possède diverses fonctions dont trois sont essentielles :

  • la carte, source d´informations permettant de saisir des données localisées ;

  • la carte, outil révélateur de structures sous-jacentes ;

  • la carte, canal de communication, visant à montrer.

Figure 1 : Quelques fonctions de la carte

2Ici, nous nous intéresserons, principalement, aux deux dernières. En effet, dans le contexte actuel, ce qui nous paraît important c´est d´arriver à utiliser la carte, ainsi que les méthodes et techniques de la cartographie, non seulement pour montrer ce qui est visible directement, mais aussi et surtout pour aller au-delà du visible, et faire apparaître ce qui est “en-dessous”, c´est-à-dire les relations qui sont sous-jacentes aux phénomènes spatiaux et qui permettent de les comprendre. Ainsi, un réseau de chemin de fer se trace aisément et sa représentation ne demande souvent que des relevés topographiques et du dessin - un logiciel comme Autocad est alors parfaitement adapté -. Mais faire comprendre les possibilités de ce réseau en terme de temps ou de coût, ou encore de confort, …, est tout à fait différent. Montrer les changements induits par l´introduction d´une autoroute, ou la mise en service de nouvelles lignes aériennes, exige des données originales, des analyses préalables, des traitements plus ou moins complexes. L´espace que l´on veut dévoiler n´est plus alors l´espace usuel sur lequel on reporte des données, mais un espace modifié, étiré, contracté, bouleversé dont les formes sont inhabituelles et déroutantes. Cependant, comme les rayons X ont permis à la fin du siècle dernier à W. Röntgen de faire apparaître l´ossature d´une main, des méthodes permettent actuellement de voir ces structures spatiales sous-jacentes : parmi elles les transformations cartographiques.

3Mais il n´y a pas qu´une seule méthode, loin de là. Nous distinguerons, quant à nous deux grandes familles de transformations cartographiques, en ne nous appesantissant pas, aujourd´hui, sur le vocabulaire qui est un vocabulaire de travail, soumis à changements en fonction de l´avancée des recherches :

  • les transformations cartographiques d´état

  • et les transformations cartographiques de position.

Types de transformation cartographique

Figure 2 : Types de transformations cartographiques

4Les premières correspondent à une tendance très développée actuellement avec les S.I.G.; amorcées dès les années 70 avec W. Tobler, elles permettent de passer d´une forme analogique à une forme numérique, c´est-à-dire par exemple d´une carte à une matrice, d´effectuer un traitement sur cette matrice et de revenir ensuite à une carte de type analogique. Dans le même groupe on peut reconnaître des changements d´état en passant d´une carte ponctuelle, discontinue, à une carte aréale isoplèthe continue par interpolation. Le champ des transformations est immense et fait l´objet de multiples recherches. Nous ne nous y attarderons pas.

5Les secondes, très souvent dénommées anamorphoses, expriment des modifications de la forme-même de la carte, par suite de déplacements de ses contours, ou de ses limites internes, ou encore des lieux qui la constituent. Leur intérêt est grand, et, en nous appuyant sur les travaux de W. d´Arcy Thompson (1948), repris, discutés, confirmés, d´ailleurs par différents chercheurs comme S. J. Gould (1971), nous les considérons comme un ensemble de méthodes permettant de faire surgir des structures sous-jacentes, d´effectuer des simulations, … L´hypothèse retenue est la suivante : “la forme exprime la structure d´un phénomène ; si l´on est à même de caractériser une forme ou de comparer des formes, alors on peut révéler par l´intermédiaire de la forme une structure non visible, on peut comparer des structures entre elles”.

6C´est à ces transformations que nous nous intéressons ici, en soulignant qu´elles peuvent servir à révéler des structures comme nous venons de le dire, mais aussi qu´elles sont aptes, dans certains cas, et, sous certaines conditions, à montrer, à visualiser autrement et donc à servir d´outil de communication. Aussi, allons-nous présenter des groupes de transformations cartographiques de position en tentant de préciser, à chaque fois, si elles sont, pour le moment, essentiellement des outils de mise en évidence des structures ou si elles peuvent également améliorer la communication pour différents publics.

Figure 3 : Familles de transformations cartographiques de position

7Nous distinguerons deux grandes familles, à ce stade de nos connaissances, à savoir :

  • les transformations cartographiques de position, thématiques

  • et les transformations cartographiques de position, différentielles.

Figure 4 : Exemples de transformations cartographiques de position

Transformations cartographiques - de position - thématiques

8Ces transformations sont caractérisées par le fait que les changements de forme, de position de points, sont induits par les variables thématiques qu´elles soient appliquées à des lieux ou à des liens entre les lieux. Le thème implique la transformation.

9Si les variables sont appliquées aux lieux, on parlera de transformations cartographiques - de position - thématiques de poids. La surface se déformera sous l´effet de la variable comme si elle agissait en un point ou sur une zone ou encore sur l´ensemble de la surface, comme une force, comme un poids. On peut en identifier plusieurs types :

  • les cartes piézoplèthes, développées à Strasbourg, où les forces sont appliquées sur les lieux et réparties continûment sur la surface. Cette méthode provient d´un transfert de modèles utilisés par le génie civil portant sur la résistance des matériaux avec calcul de structure et résolution par la méthode des éléments finis.

  • les pseudo-cartogrammes de W. Tobler (1986), intéressants lorsque le phénomène étudié se répartit selon les axes “terrestres”.

  • les projections polyfocales de N. Kadmon et E. Shlomi (1978) où les systèmes de projections varient d´une focale à une autre en fonction des valeurs de la variable en ces points. Des exemples portent, entre autres, sur les nuisances sonores autour des aéroports de la région de Tel-Aviv (Kadmon, 1983).

10Seul le premier type a été réellement testé à Strasbourg. Il peut être utilisé aussi bien comme révélateur que comme outil de communication. Il exprime essentiellement des tendances et permet des comparaisons entre phénomènes à une date donnée, et pour un même phénomène dans le temps. Mais les tests pour valider sa qualité en tant que révélateur sont encore en cours. Quel matériau retenir pour quelle surface, pour quel espace ? Quelle force pour quel phénomène ? Nous ne sommes pas encore capable de répondre complètement à ces questions.

11Si les variables sont appliquées sur les liens entre les lieux, on pourra retenir l´expression de transformations cartographiques - de position - thématiques de liens. Ces transformations permettent de trouver les positions relatives de lieux connaissant des liens entre lieux, qu´il s´agisse de distances-temps, de coûts, d´estimations cognitives, de préférences, de proximités. Les méthodes, pour la plupart, appartiennent aux familles d´analyse multidimensionnelle des proximités ou d´analyse de préférences, qui ont été développées surtout par les psychologues ou en marketing. Mais des méthodes propres aux géographes, comme la trilatération de W. Tobler ou la cartographie élastique de J.C. Müller (1982), sont également très riches. Notons toutefois que ces transformations sont surtout essentielles pour faire apparaître les structures sous-jacentes, mais qu´elles ont un faible pouvoir pour la communication.

12La deuxième famille a d´autres objectifs et repose sur des principes différents.

Transformations cartographiques - de position - différentielles

13Ces transformations s´appuient sur des comparaisons de formes, mais ici aussi, on peut distinguer diverses méthodes, selon qu´elles visent à montrer des tendances ou des écarts entre les formes, entre les positions. De plus ces comparaisons peuvent s´effectuer en privilégiant un point (transformations unipolaires) ou en retenant tous les points simultanément (transformations multipolaires).

14Les transformations cartographiques - de position - différentielles de tendance s´appuient essentiellement sur des fonctions mathématiques. Il s´agit, en général, de comparer un phénomène à un référentiel par l´intermédiaire de distances. On cherche la fonction qui ajuste le mieux les distances “thématiques” aux distances de référence et on provoque les déformations en remplaçant, sur la carte, les distances entre les lieux par leurs valeurs estimées par la fonction. C´est le cas de la célèbre carte d´Ashby par T. Hägerstrand (1957) et de la méthode de J.W. Cerny (1971). Ce procédé est utilisé de deux manières :

  • dans le but de révéler la structure sous-jacente par les caractéristiques de la fonction, mais il est souvent difficile de faire l´association entre la fonction et la carte, même si sur le plan théorique le lien est logique.

  • dans un but purement de communication. Dans ce cas, le choix de la fonction n´est pas lié à un thème mais à des besoins graphiques, pour permettre de disposer d´une plus grande place pour positionner des symboles sur la carte, comme par exemple des commerces dans un centre-ville. C´est le cas avec les travaux de C. Boutoura (1994) sur Volos en Grèce.

15Deux buts distincts pour un même procédé. Il faut bien le savoir pour éviter des interprétations erronées.

16Les transformations cartographiques différentielles de comparaison (ou d´écarts), quant à elles, visent à montrer les écarts entre une forme de référence et une forme obtenue par divers procédés (carte à main levée, configurations provenant d´une analyse multidimensionnelle, …), ou entre plusieurs formes homologues. On peut travailler à partir d´un point ou en prenant tous les points. La logique est la même : deux étapes sont nécessaires à la construction des ces cartes ; seule la première diffère. Dans les transformations unipolaires, la première étape fait appel au calcul vectoriel ; pour les transformations multipolaires, elle consiste en un ajustement. Mais dans les deux cas, la deuxième étape fait appel à une interpolation pour généraliser les résultats, ce qui suppose la continuité de l´espace pris en compte.

  • Les transformations unipolaires peuvent conduire à divers types de représentations, soit seulement des changements de position des points, soit des modifications des contours. La première solution a déjà fait l´objet de nombreuses propositions graphiques. Elles sont mieux connues et peuvent aisément être utilisées pour la communication, mais la lecture globale est difficile. La seconde est plus adaptée à la recherche et à la compréhension de la structure explicative du phénomène étudié.

  • Les transformations multipolaires traduisent extrêmement bien les différences de structures, mais leur lecture peut être totalement erronée si les modifications spatiales sont importantes. Dans le cadre d´une analyse des conséquences de la mise en place de réseaux de transport nouveaux, elles sont incomparables pour mettre en évidence la surimposition de deux réseaux par exemple. Mais, elles doivent être utilisées avec prudence et ne sont facilement compréhensibles par un public peu averti que si la forme de référence est bien connue, et relativement compacte. La première méthode de ce type a été développée par W. Tobler dans la continuité des recherches de W. d´Arcy Thompson, mais des chercheurs grecs comme F. Livieratos et C. Boutoura (1986) ou M. Wegener et K. Spiekerman (1993) de Dortmund ou encore très récemment à Rouen, J.C Denain et P. Langlois (1995), de nouvelles méthodes, avec des nuances plus ou moins importantes, sont proposées.

17Alors que peut-on conclure au sujet de ces transformations cartographiques de position, de ces anamorphoses que l´on pourrait aussi appeler paramorphose car en Grèce, il semble bien qu´une paramorphose soit bien une modification, à partir d´une forme de base, plus ou moins accentuée, comme si l´on avait une boule de glaise sur laquelle on appuie, ou que l´on étire comme le fait un sculpteur.

Conclusion

18Aussi, en conclusion, plusieurs points sont-ils à souligner.

19Tout d´abord, L´anamorphose n´existe pas. Il n´existe que des anamorphoses, des méthodes conduisant à des images avec des déformations de l´espace provoquées par des phénomènes thématiques ou issues de comparaisons. Elles reposent sur des principes variés et ne peuvent être utilisées comme ça, uniquement pour produire des images inhabituelles. Hypothèses liées au thème et contraintes associées aux méthodes doivent se correspondre, doivent être en adéquation.

20Deuxièmement, les anamorphoses sont des constructions mathématiques. Ceci signifie qu´une fois les hypothèses émises, les choix effectués, l´image obtenue est unique, au sens où toute personne qui voudra la reproduire obtiendra le même résultat. Chaque étape pourra être discutée, mais sera transparente. Ces procédés sont donc des procédés qui répondent aux critères d´une recherche expérimentale, aux critères de reproductibilité et de vérificabilité.

21Il est clair, par ailleurs, que les anamorphoses sont des outils de recherche ; elles peuvent éventuellement servir d´outil de communication, mais seulement dans certains cas, avec certaines précautions, pour certains publics. Mais ceci n´est pas lié seulement aux anamorphoses. Si l´on reprend le graphique de Dibiase, il est évident qu´il existe deux temps au moins dans l´élaboration d´une carte : celui qui est du domaine du chercheur et celui qui appartient au domaine du public. Le passage de l´un à l´autre doit être réfléchi et ne peut être automatique.

Figure 5 : De la construction à la communication visuelle

Graphique de la communication d´après Dibiase

22Nous terminerons en soulignant que, pour nous, les anamorphoses, ou plus exactement les transformations cartographiques de position, sont une direction en cartographie, une direction parmi d´autres, permettant d´ouvrir l´éventail des possibilités, d´élargir les moyens de connaissances géo-spatiales, d´essayer de trouver les modes de communication les mieux adaptés à chaque public. Mais il ne faut pas vouloir aller trop vite. Il ne faut pas forcer une méthode, un outil, sans risquer de le biaiser, de le dévaloriser. Les transformations cartographiques de position sont des méthodes puissantes, riches, qu´il convient d´utiliser à bon escient en utilisant correctement toutes leurs potentialités.

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Bibliographie

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Pour citer cet article

Référence électronique

Colette Cauvin, « Au sujet des transformations cartographiques de position », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Cartographie, Imagerie, SIG, document 15, mis en ligne le 14 janvier 1997, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/5385 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.5385

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Auteur

Colette Cauvin

Université Louis Pasteur - Strasbourg I, Laboratoire “Image et Ville”, URA 902 –CNRS, France

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